Montréal,  5 février 2000  /  No 55
 
 
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Brigitte Pellerin est apprentie-philosophe iconoclaste, diplômée en droit et en musique. Elle poursuit des études supérieures en science politique. 
 
 
BILLET
 
TAKE THE MONEY AND RUN!
 
par Brigitte Pellerin
  
  
          Les scandales! Mon doux, les scandales! Des politiciens qu'on accuse de dépenser les sous du public sans compter, et sans penser. Des millions de beaux dollars – de NOS dollars à nous les citoyens – sont garrochés par les fenêtres, sans qu'on puisse y faire quoi que ce soit.   
   
          Au secours, on nous écorche vivants, ou quoi? 
 
L'argent des autres 
 
          On pourrait penser que le début de l'année a été difficile pour les politiciens qui conduisent au centre, ou légèrement à la gauche du centre. L'ancien chancelier allemand Helmut Kohl se fait taper sur les doigts pour avoir accepté des pots-de-vin; feu Mitterrand qu'on soupçonne d'avoir participé à l'achat de faveurs allemandes grâce aux francs chèrement gagnés par les cousins; et le parti de Jean Chrétien qui donne des millions en subventions sans même demander des comptes aux entreprises qui reçoivent le gros lot.   
  
          Personne en Allemagne ne sait trop quoi faire de Kohl. Lui demande-t-on de démissionner de son poste de député? Le met-on à la porte du parti? Attention, on parle du père de l'unité allemande, chancelier de 1982 à 1998... on ne « bouscule » pas de tels personnages. Et pourtant, Kohl avoue lui-même avoir reçu, de la part de mystérieux donateurs, jusqu'à 7 millions de marks entre 1993 et 1998. L'argent, parti sur des comptes « secrets » séparés de la comptabilité officielle du parti, permettait à l'ancien chancelier de choyer des fidèles du parti à sa discrétion. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Lorraine Millot dans Libération du 24 janvier 2000 – si ça vous amuse d'aller vérifier.   
  
          C'est vrai, on ne peut plus faire confiance à personne de nos jours.  
 
  
     « Quand on ouvre notre portefeuille à ceux qui pensent savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous, il ne faut pas se surprendre que nos sous soient dépensés n'importe comment. » 
 
 
          Et puis un coup rendus sur le site de Libé, vous pourrez continuer à y lire que France 2 soupçonne l'ancien président Mitterrand d'avoir fait verser à son « ami » Kohl 100 millions de francs, via le groupe Elf (l'un des deux plus importants groupes pétroliers français), dans le cadre des négociations pour la reprise d'une raffinerie en 1991. Il y en a qui vont jusqu'à dire que 300 millions de francs seraient partis en direction de l'Allemagne et auraient servi à la campagne électorale de Kohl en 1994.   
  
Jean, Jane, Pierre, Brian... 
  
          De retour au pays, on apprend il y a deux semaines que les libéraux fédéraux auraient distribué, au bas mot, un milliard de dollars en subventions sans trop se préoccuper de contrôler comment l'argent allait être dépensé. Le département des Ressources humaines, celui qui « gère » les différents programmes de création d'emplois, vient de se faire prendre à distribuer des subventions sans vérifier les formulaires et sans contrôler que l'argent était bel et bien dépensé pour créer des emplois – ben oui hein, c'était ça, le but du programme.   
  
          Et comme par hasard, on réalise du même coup qu'une proportion anormalement élevée de l'argent est allée dans les comtés de Jean Chrétien et Jane Stewart, la ministre concernée. Oh, coïncidence?   
  
          Je sais, c'est facile de dire: « On sait bien, ce genre de gaspillage n'arrive que chez les gens à tendance socialo-démocrate ». Il n'y a que les politiciens qui portent une rose à la boutonnière pour gaspiller ainsi les sous du bon monde sans compter – rappelons-nous les dépenses extravagantes de l'époque Trudeau. Les gens qui se disent plutôt à droite, eux, ne feraient jamais une chose pareille. 
  
          Sans vouloir taper sur la tête de Brian Mulroney (de toutes manières, on sait bien que les Conservateurs ne sont pas tellement plus à droite que les Libéraux), il faudrait tout de même se rappeler que le gaspillage, la corruption et les conflits d'intérêts ne sont pas l'apanage exclusif des gens de la go-gauche.  
  
          En fait, droite, gauche, ça ne change pas grand-chose. Le problème, c'est quand on donne le pouvoir à des gens et qu'on ne s'occupe pas de les tenir en laisse. La cause d'un tel gaspillage de fonds publics, c'est qu'on accepte que le gouvernement – quel qu'il soit – s'implique dans pratiquement tous les aspects de notre vie. 
  
          Quand on ouvre notre portefeuille à ceux qui pensent savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous, il ne faut pas se surprendre que nos sous soient dépensés n'importe comment. On donne notre argent à des gens qu'on ne connaît même pas; et après, on est tout étonnés qu'ils l'aient accepté et se soient enfuis sans demander leur reste.   
  
          Peut-être qu'on court après notre malheur et qu'on n'a que ce qu'on mérite.  
 
 
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