Montréal, 15 avril 2000  /  No 60
 
 
<< page précédente 
 
 
 
 
Brigitte Pellerin est apprentie-philosophe iconoclaste, diplômée en droit et en musique. Elle poursuit des études supérieures en science politique. 
 
BILLET
 
SUR L'ORIGINE DE NOS DROITS
ET LIBERTÉS
 
par Brigitte Pellerin
  
  
          On est toujours bien contents de vivre dans un pays libre. Mais savez-vous pourquoi nous avons cette chance? Connaissez-vous les conditions qui font en sorte qu'à l'intérieur de ce grand pays, nos droits et libertés fondamentaux sont protégés? 
  
          « Ben, c'facile. C'est parce qu'on vit en démocratie, tsé. »
 
          Vrai. Mais il faut faire attention de ne pas prendre pour résolu le problème à résoudre. Quand on y pense deux minutes, ça tient à quoi, la démocratie? 
  
Principes de base 
  
          Il n'y a que quelques principes fondamentaux qui sous-tendent notre système de gouvernement. Tellement peu nombreux d'ailleurs qu'ils se comptent sur les doigts de la main. Le fédéralisme, la démocratie, le respect des droits de la personne, le respect de la primauté du droit.  
  
          Ces principes de base assurent la protection de nos droits et libertés les plus chers. C'est à eux que nous devons de vivre dans une société où règnent la sécurité, la liberté et l'ordre. Nous avons des droits, ainsi que les moyens de faire respecter ces droits.  
  
          Prenons la primauté du droit. Ce principe veut dire que nous sommes gouvernés par les lois du parlement, telles qu'appliquées par des tribunaux impartiaux. La primauté du droit veut également dire que tous, sans exception, sont soumis aux mêmes lois.  
  
          Personne n'est au-dessus des lois. Pas même le gouvernement – surtout pas le gouvernement – et tous les organismes y attachés. Imaginez ce qui pourrait arriver si la Sûreté du Québec n'avait pas à respecter le Code criminel. Imaginez que les fonctionnaires du Revenu n'aient pas à respecter les lois qui assurent notre confidentialité. Ils pourraient publier nos dossiers fiscaux selon leur bon vouloir, sans que nous puissions y faire quoi que ce soit. 
  
          Je vous l'accorde, ça ne serait pas jo-jo. On serait pratiquement sans défense contre les abus de pouvoir commis par des politiciens ou fonctionnaires. Et devinez ce qui arriverait? Eh oui, plus personne ne se sentirait obligé de respecter la loi. Il y a quand même des limites; on ne peut pas demander aux citoyens d'être plus catholiques que le pape. 
 
  
     « Lucien Bouchard tout seul ne peut décider que son gouvernement refusera de respecter une loi. Si on acceptait qu'il puisse le faire, ça voudrait dire que dans le futur, rien ni personne ne pourrait forcer le gouvernement à respecter, disons, la liberté d'expression des citoyens. » 
 
 
          Le respect des lois, ça doit venir d'en haut. Autrement, on glisse sur la pente de l'anarchie et/ou de l'État-policier. Pas trop compliqué, jusqu'à maintenant?  
  
          Good. 
  
          Va pour le principe: tout le monde est tenu de respecter les lois en vigueur. Et les chartes des droits sont là pour nous protéger contre d'éventuelles lois injustes, ou discriminatoires, qui pourraient être passées par les assemblées législatives.  
  
Le pouvoir limité de l'État 
  
          Bien sûr, rien n'est parfait. Je fais partie de ceux qui considèrent les taxes comme un assaut organisé, comme un vol « légalisé » du fruit de leurs efforts mais qui, malheureusement, doivent continuer à payer en serrant les dents parce que les lois fiscales n'ont pas (encore) été prononcées inconstitutionnelles par les cours de justice.  
  
          Il y en a bien d'autres, des mesures qu'on peut considérer illégitimes. Prenez la formule Rand, tiens. Ou les limites de vitesse sur les autoroutes. Ou encore les lois sur l'affichage commercial au Québec. Parfois on se bat contre elles; des fois on gagne, d'autres fois on perd. Mais le plus souvent, on ferme sa grande g... et on obéit.  
  
          Les citoyens ordinaires n'ont pas le droit de décider par eux-mêmes si oui ou non ils respecteront les lois. Ils ne peuvent non plus défier ouvertement le système légal. Essayez donc de prendre le micro à Radio-Canada et de dire au gouvernement que vous ne paierez pas vos impôts cette année, juste pour voir quel effet vous aurez...  
  
          Pourquoi alors est-ce que Lucien aurait le droit de défier, ouvertement et publiquement, la loi sur la clarté référendaire? Tout le monde sait que les péquistes se réveillent la nuit pour haïr Stéphane Dion, mais est-ce suffisant pour refuser d'obéir à la loi?  
  
          La réponse, c'est non. Si le gouvernement du Québec trouve que la loi fédérale est inacceptable, il lui faudra plus qu'un conseil général du PQ pour la déjouer. Peut-être qu'avec l'appui général de la population québécoise, le gouvernement du Québec pourrait convaincre le fédéral de retirer, ou modifier, ladite loi. 
  
          Lucien Bouchard tout seul ne peut décider que son gouvernement refusera de respecter la loi. Si on acceptait qu'il puisse le faire, ça voudrait dire que dans le futur, rien ni personne ne pourrait forcer le gouvernement à respecter, disons, la liberté d'expression des citoyens. 
  
          Laisser les politiciens décider eux-mêmes quand et comment ils respecteront les lois est très dangereux. C'est le premier pas vers un gouvernement totalitaire dans lequel les droits et libertés des citoyens ne comptent que pour des prunes. Si on laisse le gouvernement décider arbitrairement dans le cas de la loi sur la clarté référendaire, Dieu sait où cela s'arrêtera. 
 
 
Articles précédents de Brigitte Pellerin
 
 
<< retour au sommaire
PRÉSENT NUMÉRO