Montréal, 14 octobre 2000  /  No 69
 
 
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Martin Masse est directeur du QL. La page du directeur.
 
ÉDITORIAL
  
LA MARCHE DES FEMMELETTES
 
par Martin Masse
  
  
          À l'époque où c'était une idéologie montante, avant que les étudiants et les petits-bourgeois contestataires ne se l'approprient dans les années 1960 pour se masturber intellectuellement et pour se donner bonne conscience, le socialisme se présentait comme une utopie de travailleurs. Il était l'outil d'avancement et de libération d'hommes qui se levaient tôt le matin pour aller bosser dans les mines ou les usines, de femmes qui trimaient dur pour élever leur progéniture multiple. 
 
          Évidemment, ces ouvriers socialistes se trompaient profondément quant au modèle économique le plus propice à avancer leurs intérêts: là où le socialisme s'est imposé, ils sont restés pauvres et ont perdu leur liberté; là où le système capitaliste a été maintenu, ils sont au contraire restés (relativement plus) libres et ont vu leur niveau de vie croître de façon spectaculaire.  
  
          Leur ressentiment envers les riches qui, croyaient-ils, les « exploitaient », était bien sûr réel. Mais on ne peut malgré cela leur reprocher d'avoir seulement été des fainéants qui voulaient s'approprier le fruit du travail d'autrui pour cesser eux-même de travailler et se la couler douce. Ces gens connaissaient la valeur du travail, avaient de l'orgueil personnel et un sens des responsabilités. Ce qu'ils exigeaient confusément, c'était un plus grand contrôle sur leur travail et leur environnement, dans une période de la révolution industrielle où les conditions de vie étaient difficiles.  
  
Troupes de choc fémino-socialistes 
  
          Aujourd'hui, ceux (celles) qui constituent les troupes de choc de la révolution socialiste, ce ne sont plus les ouvriers(ères) mais plutôt, comme on l'a vu avec la « Marche des femmes » tenue à plusieurs endroits ces derniers jours, nos parasites de luxe, les paumés(es), les désoeuvrés(es), les victimes, les losers(euses) et les inadaptés(es).  
  
          Organisée et coordonnée à l'échelle internationale par un lobby subventionné qui s'auto-proclame la « Fédération des femmes du Québec » pour faire écho à la marche « du pain et des roses » tenue il y a cinq ans, la Marche des femmes n'a en fait pas grand-chose à voir avec les femmes comme telles, mais plutôt avec quelques sous-sections marginales de la gent féminine: les féministes hystériques, les lesbiennes frustrées, les jeunes idiotes qui se font faire des enfants hors d'une relation stable et se retrouvent seules par la suite, les vieilles grincheuses qui ont mal planifié leur vie, les fainéantes qui veulent plus d'argent et de meilleurs appartements sans avoir à travailler, les immigrantes déphasées qui s'imaginent devoir poursuivre ici les mêmes combats de libération que dans leur pays d'origine sous-développé, les victimes de violence conjugale réelle ou imaginaire, et enfin les militantes professionnelles qui font carrière en organisant tout ce beau monde.  
  
          À cela, il faut bien sûr ajouter quelques hommes roses, ces eunuques qui ont sans doute été « conscientisés aux structures d'oppression patriarcales qu'ils incarnent comme hommes et qui reconnaissent leur devoir de solidarité envers leurs soeurs opprimées ». Comme le proclamait un slogan absurde sur une pancarte, ils s'affirment maintenant « féministes, de père en fils! ». Bref, ce ne sont pas des femmes et des hommes qui marchaient mais, disons-le en bon québécois, des femmelettes, des moumounes, des feluettes.  
  
Un constat typiquement biaisé 
  
          Les organisatrices de la Marche des femmes font un constat typiquement pessimiste et biaisé des problèmes de notre monde:  
          Nous vivons dans un monde où triomphent les inégalités. À l'aube de l'an 2000, il existe encore des déséquilibres profonds, injustifiables et intolérables, entre les hommes et les femmes, entre les pays du Nord et les pays du Sud, entre ceux de l'Est et ceux de l'Ouest, et, parmi la population d'un même pays, entre les riches et les pauvres, entre les jeunes et les plus âgés, entre les villes et les campagnes.  
  
          Nous vivons dans un monde qui connaît des développements techniques et scientifiques spectaculaires, une amélioration substantielle de la productivité industrielle et agricole, une explosion des moyens de communication. Pourtant, il y a des milliards de personnes sans emploi et sans accès à un minimum vital en ce qui a trait à la nourriture et à l'eau potable, au logement, aux soins de santé, à l'éducation, à la culture, à l'information, aux sources d'énergie et aux modes de transport.  
  
          Quel paradoxe: partout, il est maintenant possible de devenir de plus en plus pauvre dans des sociétés de plus en plus riches! En effet, l'humanité ne souffre pas d'un manque de ressources ou d'une insuffisance de production des richesses mais d'un problème grave d'accès universel, de distribution équitable et de gestion responsable de ces richesses et ces ressources qui ne sont pas illimitées. Et ce sont les femmes qui, très majoritairement, souffrent de ce mal-développement. 
          En fait, des inégalités existent bel et bien sur cette planète, mais plutôt entre deux groupes bien précis: ceux qui acceptent les règles du capitalisme et qui s'enrichissent, et ceux qui restent empêtrés dans leurs blocages intellectuels et institutionnels socialistes, qui restent pauvres et « mal-développés ». Mais les illettrées économiques qui organisent la Marche ne comprennent rien à tout cela et proposent plutôt d'empirer le problème en mettant des bâtons dans les roues du développement capitaliste et en redistribuant massivement la richesse vers les groupes de « victimes » ci-haut mentionnés, ce qui aura bien sûr pour effet de ralentir la création de richesse là où elle se produit.  
  
          Outre de nombreuses revendications de nature plus sociale comme celles ayant trait à la lutte contre la violence, les marcheuses demandent notamment la mise sur pied d'un « grand chantier de logement social »; un meilleur accès aux études pour toutes les femmes et particulièrement pour les responsables de famille monoparentale et les femmes « sans chèque »; l'imposition fiscale progressive des entreprises et des individu-e-s [et oui!, « une individue », ça se dit maintenant; et moi je suis « un personne »] en tenant compte des principes de justice, d'équité et de redistribution de la richesse; un régime universel d'allocations familiales et une allocation supplémentaire pour les familles pauvres en fonction des besoins réels des enfants; un barème plancher à l'aide sociale de façon à couvrir les besoins essentiels (au minimum: logement, chauffage, électricité, nourriture, médicaments, habillement); l'augmentation du salaire minimum pour permettre à une personne travaillant 40 heures par semaine d'avoir un salaire annuel se situant au-dessus du seuil de faible revenu établi pour une personne seule; et une contribution gouvernementale au Régime des rentes du Québec pour les femmes afin de reconnaître leur travail auprès de leurs enfants.  
  
  
     « On ne peut pas se prétendre égales des hommes et maintenir des comportements de femmes dépendantes qui méritent un traitement spécial. On ne peut pas réclamer son autonomie tout en exigeant le fruit du travail des autres. » 
 
   
          Bref, elles veulent pouvoir faire les choix qui leur plaisent, même les plus irresponsables, sans devoir en subir les conséquences et tout en se faisant entretenir grassement par l'État – c'est-à-dire par les autres contribuables qui, eux, travaillent. Elles veulent, par exemple, pouvoir faire un bébé sans avoir à se préoccuper du père, déménager avec leur blonde dans un beau HLM pas cher, tout en retournant à l'université gratuitement et en recevant un plus gros chèque d'aide sociale et des allocations familiales et pour « travail à la maison » substantielles. Avec tout ça, les femmes ne souffriront plus de « mal-développement » 
  
Une idéologie en banqueroute 
  
          Ce n'est pas une coïncidence si les mots d'ordre surannés du socialisme sont encore lancés aujourd'hui, dans nos sociétés riches, par des femmes marginalisées. Le socialisme est une idéologie en banqueroute, qui a prouvé hors de tout doute qu'elle ne fonctionnait pas et menait plutôt à la stagnation. Il est devenu pratiquement impossible d'en faire la promotion avec des arguments « théoriques », sauf peut-être dans les départements de sociologie de nos universités. Mais l'arme que tentent d'exploiter les féministes socialistes, ce n'est pas la rationalité, c'est plutôt le sentiment de responsabilité et de culpabilité des hommes à l'égard du « sexe faible » 
  
          Malgré les tentatives des gouvernements depuis des décennies de changer les rapports homme-femme avec toutes sortes de programmes d'ingénierie sociale, certains comportements innés ne changent pas. Celui-ci en est un. Dans la société traditionnelle, les femmes étaient sans doute subordonnées aux hommes dans plusieurs domaines et devaient s'en tenir à des tâches spécifiques, mais elles pouvaient quand même compter sur la protection physique et le support financier qu'ils leur fournissaient. La contrepartie de considérer la femme comme dépendante du père, du mari ou du frère était la responsabilité qui incombait à ces derniers de garantir le bien-être des membres féminins de leur famille.  
  
          Des femmes ont lutté depuis un siècle pour sortir de ce carcan, et la flexibilité et la richesse des sociétés capitalistes contemporaines leur permet maintenant de vivre de façon plus autonome et de mieux contrôler tous les aspects de leur vie, qu'il s'agisse de relations de couple, de procréation, de finance ou de carrière. Et c'est tant mieux, notre but comme libertariens est de viser à ce que chaque individu, homme ou femme, ait la liberté et la capacité de faire des choix et de s'épanouir. 
  
          Sauf qu'on ne peut pas se débarrasser des mauvais côtés de l'ancienne dépendance tout en continuant à en réclamer les avantages. On ne peut pas se prétendre égales des hommes et maintenir des comportements de femmes dépendantes qui méritent un traitement spécial. On ne peut pas réclamer son autonomie tout en exigeant le fruit du travail des autres. Si on veut avoir les mêmes droits que les hommes, il faut aussi faire comme les hommes lorsqu'on veut quelque chose: travailler pour l'obtenir. 
  
          C'est ce que font la grande majorité des femmes aujourd'hui. Mais les moumounes et les femmelettes qui ont manifesté dans la Marche ne sont pas, elles, des femmes fortes et indépendantes, capables de gérer leur propre vie comme des individus(es) à part entière. Ce sont au contraire de véritables représentantes du sexe faible, des parasites incapables de se prendre en main, de travailler et de compétitionner d'égal à égal avec les hommes. Dans la société traditionnelle, elles auraient sans doute pu exploiter un mari naïf prêt à les entretenir sans rechigner, puisqu'il faut quand même faire des sacrifices pour s'assurer de procréer et que cela faisait partie du rôle de l'homme. Aujourd'hui, elles exigent plutôt que l'État leur vienne en aide et les supporte et elles comptent sur le même sentiment de responsabilité et de culpabilité pour arriver à leurs fins. La logique est la même, sauf que ce ne sont pas que les hommes de la famille mais bien tous les travailleurs productifs qui doivent maintenant se sacrifier pour entretenir ces bonnes femmes impuissantes, sans en retirer quelque bénéfice que ce soit.  
  
Un gouvernement de femmelettes et de capitalistes virils 
  
          Il est intéressant de noter comment la moumounisation du socialisme se reflète dans certaines actions du gouvernement québécois au cours des derniers jours. Ce gouvernement, comme bien d'autres qui se réclament d'une « troisième voie » entre le socialisme et le capitalisme, joue en effet sur les deux tableaux.  
  
          D'un côté, il « consent » quelques millions de plus au logement social, à la lutte contre la pauvreté et à la politique familiale lors d'une rencontre avec les organisatrices de la Marche. Pour montrer qu'il est sensible aux doléances des féministes socialistes et justifier un montant jugé très insuffisant par celles-ci, le premier ministre Bouchard en a fait l'annonce flanqué de ses ministres les plus acceptables pour les moumounes, c'est-à-dire les ministres féminins au grand coeur que sont Linda Goupil, Louise Harel, Diane Lemieux et Pauline Marois, ainsi que le jeune ministre homosexuel André Boisclair.  
  
          Mais le gouvernement péquiste n'est quand même pas un gouvernement de femmelettes socialistes, il y a de vrais hommes et femmes capitalistes là-dedans, et c'est ce que le ministre Bernard Landry a voulu montrer quelques jours plus tôt lors d'un événement soulignant le lancement de la 4e phase de la Cité du multimédia à Montréal. Le ministre a été accueilli en héros par tous les petits présidents de compagnies subventionnées qui s'installeront dans ce complexe. Interrogé toutefois sur les notes discordantes venant d'entreprises qui ont critiqué les frais d'aménagement élevés (compensés par de généreuses subventions pour la main-d'oeuvre), le ministre des Finances a déclaré: « Ce sont des entreprises jeunes mais qui dit entreprise dit prudence en affaires. Il faut lire le bail avant de le signer. Le système capitaliste est cruel. » (La Presse, 6 octobre 2000).  
  
          C'est à se rouler par terre! Il n'y a évidemment strictement rien qui soit en accord avec les règles du libre marché dans ce projet immobilier pseudo high-tech. C'est plutôt l'ego immense de M. Landry et son penchant interventionniste qui ont motivé la réalisation de la Cité. Quant à la « cruauté » que manifestent les frais élevés, elle ne se rattache pas au système capitaliste mais bien à une gestion bureaucratique inefficace et irrationnelle.  
  
          Et pourtant, même si le ministre ne comprend rien au fonctionnement de l'économie, il comprend qu'il est préférable de se réclamer d'un capitalisme viril, compétitif et « cruel » lorsque vient le temps de justifier son projet, et non des vertus du redistributionnisme et de la solidarité. Les entrepreneurs qui reçoivent des subventions n'aiment pas les discours de moumounes: ce sont eux aussi des parasites, mais des parasites qui travaillent dur et qui croient que l'argent des contribuables qui leur est transféré est en fait un « investissement » et non un cadeau.  
  
          Bref, le socialisme, c'est pour les femmelettes et les moumounes. Et si l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt le matin, comme le dit un vieux dicton, alors on peut se rassurer: l'avenir n'appartient certainement pas aux socialistes. Les marcheuses auront eu leur 15 minutes de gloire et continueront sans doute à pleurnicher sur toutes les tribunes pour que l'État leur donne quelques bonbons supplémentaires volés à ceux qui travaillent. Les vraies femmes fortes et indépendantes, celles qui travaillent pour obtenir ce qu'elles veulent, ou celles qui ont choisi d'élever des enfants à la maison et de s'engager dans une relation traditionnelle avec un conjoint qui subvient à leurs besoins – un choix tout à fait légitime –, n'auront, elles, évidemment pas marché.  
 
 
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Le Québec libre des nationalo-étatistes  
L'ÉTAT, NOTRE BERGER?
  
        « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »    

Alexis de Tocqueville   
DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840) 

 
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