Montréal, 1er septembre 2001  /  No 87
 
 
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Martin Masse est directeur du QL. La page du directeur.
 
ÉDITORIAL
 
UNE BRÈCHE DANS LE DISCOURS
ÉCOLO ALARMISTE
 
par Martin Masse
 
 
          Le discours alarmiste des mouvements écologistes est devenu un mets tellement habituel dans l'assiettée de propagande que nous servent quotidiennement les médias que la plupart des gens ont fini par s'habituer au goût. Un récent sondage de la firme Léger Marketing nous révèle en effet qu'une majorité de Canadiens croit que l'environnement s'est détérioré au cours des dix dernières années. 36% des sondés estiment que l'environnement s'est détériorée de façon importante, 41% de façon peu importante, alors que seulement 7% croient qu'il n'y a pas eu de changement et 13% que l'environnement s'est amélioré. 
 
          Cet appui aux thèses alarmistes est bien utile pour les étatistes. Alors que la grogne contre le fardeau fiscal ne cesse d'augmenter, que la bureaucratisation et l'inefficacité des programmes sociaux sont dénoncées de toute part, que les élans égalitaristes des utopies de gauche ne recueillent plus l'appui actif que des paumés et des crottés qui manifestent contre la mondialisation, il faut bien trouver d'autres bonnes raisons pour justifier l'intervention de l'État. La qualité de l'eau, de l'air, du sol, des aliments, la survie des lacs et des forêts, la préservation de la couche d'ozone et de l'écosystème planétaire lui-même, tout cela est bien assez important pour justifier n'importe quel nouveau programme de dépenses, n'est-ce pas? Comment peut-on se plaindre qu'une réglementation est excessive si la vie elle-même en dépend? 
  
          L'environnement s'avère être l'une des bouées de sauvetage du socialisme et, à l'échelle internationale, l'un des dossiers majeurs autour duquel s'articulera la construction d'un État mondial. Les propagandistes onusiens prétendent que l'eau devra être gérée par un organisme planétaire si l'on veut que toute l'humanité y ait accès. Le Protocole de Kyoto est le prototype de la réglementation environnementale à l'échelle mondiale. Quelle que soit la problématique, le même message est véhiculé: ces questions sont trop importantes pour être laissées au marché, l'État et les institutions internationales doivent intervenir et planifier la gestion de l'environnement, sinon nous sommes foutus.  
  
          Il y a toutefois un hic majeur avec ce discours: il est entièrement fondé sur des faussetés. Non seulement nous n'allons vers aucune catastrophe, mais l'environnement canadien et planétaire continue globalement de s'améliorer. Les 77% de Canadiens qui croient le contraire ont tout simplement été victimes d'un lavage de cerveau.  
  
American Way of Polluting 
  
          La réaction habituelle des fanatiques écolos devant une telle affirmation, c'est de dire qu'il s'agit de propagande de droite américaine. Les Américains tentent de torpiller Kyoto, les Américains veulent maintenir leur énorme consommation d'énergie, les Américains n'ont aucun scrupule à polluer le reste de la planète dans le but de conserver leur American Way of Life. Pas besoin de débattre des faits, les Yankees sont le bouc émissaire idéal.  
  
          La publication ces jours-ci par un ex-militant de Greenpeace d'un livre important qui remet totalement en question le discours alarmiste sur l'environnement devrait permettre de changer cette dynamique.  
  
          Bjorn Lomborg est un jeune statisticien danois qui enseigne à l'Université de Aarhus. En 1997, il décidait justement de s'attaquer à ce qu'il considérait comme de la propagande de droite américaine en se lançant avec des étudiants dans un exercice de vérification des thèses de Julian Simon, un économiste libertarien américain à l'optimisme légendaire, malheureusement décédé à l'âge de 65 ans en 1998.  
  
          Julian Simon restera célèbre notamment à cause d'une gageure qu'il a prise avec Paul Ehrlich, auteur du best-seller The Population Bomb (1968) et lui-même reconnu pour son pessimisme légendaire. Dans son livre, Ehrlich reprenait la thèse malthusienne et prédisait que des millions de gens mourraient de faim aux États-Unis et ailleurs dans les années 1980 parce que nous avions atteint les limites de la capacité de la terre à produire de la nourriture. Évidemment, la famine n'est jamais survenue et les famines sont de plus en plus une chose du passé grâce à une croissance phénoménale de la productivité agricole partout dans le monde.  
  
          En 1980, Simon a demandé à Ehrlich de prendre cinq métaux présumés « rares » de son choix et a gagé avec lui que dix ans plus tard, leurs prix auraient baissé. Ehrlich croyait évidemment que ces métaux deviendraient de plus en plus rares et que leurs prix allaient au contraire monter. Cette vision alarmiste était très à la mode dans les années 1970, alors que tout le monde, des gourous écolos du Club de Rome au président Jimmy Carter, prédisait un épuisement des ressources pétrolières et un effondrement de la civilisation industrielle.  
  
     « L'économie de marché est un processus dynamique et lorsqu'on les laisse faire, les humains trouvent toujours de nouvelles façons de solutionner des problèmes et de contourner les limites naturelles. »
 
          En 1990, il s'avérait que les prix des cinq métaux avaient effectivement baissé, dans des proportions allant de 3,5% à 72%. Ehrlich a dû payer. La raison? De nouvelles découvertes ont augmenté les réserves disponibles de ces métaux. Des améliorations technologiques ont fait en sorte qu'on en utilise moins pour arriver à un même résultat. Des substituts plus efficaces ont été développés. Bref, l'économie de marché est un processus dynamique et lorsqu'on les laisse faire, les humains trouvent toujours de nouvelles façons de solutionner des problèmes et de contourner les limites naturelles. Voilà le message que Simon a voulu envoyer dans ses écrits, notamment The State of Humanity (1996) et It's Getting Better All The Time (avec Stephen Moore, 2000). 
  
La litanie sans fondement 
  
          Pour revenir à Lomborg, celui-ci s'est rendu compte après seulement quelques mois que les données de Simon étaient bien véridiques et que c'est lui qui, sur la plupart des sujets, avait raison. Il s'est mis alors à attaquer la « litanie » des écologistes tel Ehrlich et Lester Brown du Worldwatch Institute, qui ne cessent de trouver des raisons d'annoncer la fin du monde. Sa conversion à la vision optimiste a provoqué la controverse dans son pays natal et la publication ce mois-ci de The Skeptical Environmentalist (Cambridge University Press) a déjà attiré l'attention de la pression anglophone partout dans le monde. The Economist publiait il y a quelques semaines un article du professeur danois dans lequel il expliquait ses principales conclusions.  
  • Les ressources naturelles ne sont pas en train de disparaître. La principale limite à leur disponibilité est le coût associé à leur découverte et leur extraction. De toute façon, les réserves connues de pétrole et de gaz, ainsi que celles des principaux métaux industriels, sont plus importantes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient lorsque le Club de Rome faisaient ses prédictions alarmistes dans The Limits to Growth

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  • L'« explosion de population » n'a jamais eu lieu et n'aura pas lieu. La production agricole per capita s'est accrue de 52% dans les pays en voie de développement depuis 1961 et la proportion de ceux qui manquent de nourriture dans ces pays est passée de 45% en 1949 à 18% aujourd'hui. Le prix de la nourriture n'a pas cessé, depuis deux siècles, de baisser en termes réels. La population humaine devrait de toute façon se stabiliser dans les prochaines décennies. 

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  • Le problème des espèces menacées et d'une réduction de la biodiversité a été grandement exagéré, tout comme celui de la disparition des forêts. En fait, si certaines forêts tropicales continuent d'être décimées, la reforestation augmente ailleurs et la surface consacrée aux forêts dans le monde s'est accrue depuis un demi-siècle. 

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  • Enfin, la pollution est elle aussi un phénomène qui diminue constamment, en particulier dans les pays riches. La qualité de l'air, de l'eau et de l'environnement en général est plus grande que jamais dans les grandes villes. La pollution importante est un phénomène typique des périodes de début de croissance industrielle, alors que les populations sont prêtes à accepter un certain niveau de pollution en échange d'un enrichissement rapide. Plus un pays est riche, plus ses citoyens voudront consacrer des ressources importantes à la qualité de l'environnement. Qui plus est, les innovations technologiques font en sorte que les méthodes de production sont de moins en moins polluantes, et que les choses ne peuvent qu'aller en s'améliorant. 
  • Le capitalisme protecteur de l'environnement 
      
              Bjorn Lomborg sera d'autant plus efficace dans son oeuvre de contestation qu'il se dit encore de gauche et ne veut surtout pas être identifié au discours de cette mythique « droite américaine ». Selon lui, les fonds qui vont inutilement à la préservation de l'environnement seraient bien mieux utilisés dans la lutte contre la pauvreté ou dans le système de santé.  
      
              C'est ici évidemment qu'un libertarien devra se séparer de M. Lomborg, en espérant que celui-ci poursuivra sa réflexion et finira par trouver le bon chemin et nous suivre sur d'autres thèmes.  
      
              Même s'il admet maintenant que le discours alarmiste des écologistes n'est qu'une technique pour attirer l'attention des médias, obtenir des fonds publics et accroître leur influence, Bjorn Lomborg ne semble pas vraiment comprendre pourquoi cette situation catastrophique n'est jamais survenue. Elle n'est jamais survenue parce que le système capitaliste est le plus efficace à produire de la richesse, le plus efficace à susciter l'innovation, le plus efficace à engendrer les bons incitatifs pour protéger ce qui a de la valeur. Et si les humains accordent de l'importance à l'environnement, c'est dans un système capitaliste qu'il sera donc le mieux protégé.  
      
              L'État n'a jamais rien fait pour protéger l'environnement. Les véritables catastrophes environnementales du 20e siècle ont été observées non pas dans les pays (relativement) capitalistes d'Occident, mais dans les pays communistes, où la propriété – et donc l'« environnement » –, appartient à l'État et donc à personne. C'est le respect des droits de propriété et le libre marché qui sont le meilleur garant d'un environnement propre. Lorsque des entreprises polluent, elles le font avec l'accord tacite et parfois l'encouragement explicite de l'État, alors qu'une véritable protection de la propriété a pour effet d'empêcher la pollution de la propriété d'autrui.  
      
              Toutes les réglementations qui visent présumément à nous protéger ne sont en fait que des intervention qui suivent la destruction, par l'État, des mécanismes économiques et légaux qui auraient permis d'éviter le problème avant qu'il ne survienne (voir notamment les articles de Pierre Desrochers DÉRÉGLEMENTER N'EST QU'UNE PREMIÈRE ÉTAPE POUR VAINCRE LA POLLUTION, le QL, no 1, et LA VÉRITÉ DES PRIX ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE, le QL, no 12).  
      
    Confiance mal placée 
      
              Même si une brèche s'opère dans le discours alarmiste des écologistes, la lutte idéologique n'est pas pour autant gagnée si tout le monde croit que c'est grâce aux bons sentiments et à la prévoyance des groupes de pression écologistes, des politiciens et des bureaucrates que l'environnement s'améliore. C'est en effet ce que le sondage cité plus haut indique. Ce sont les groupes écologistes qui obtiennent la plus grande confiance du public canadien pour améliorer la qualité de l'environnement, avec 32%, suivis des scientifiques avec 24%, des gouvernements avec 23% et de l'entreprise privée avec 13%.  
      
              En réalité, de la même façon que l'entreprise privée crée toute la richesse du pays, richesse ensuite siphonnée et distribuée par l'État, c'est elle qui est responsable de la qualité de l'environnement, un environnement constamment menacé par l'intervention et les réglementations néfastes de l'État. L'environnement ne s'en portera que mieux lorsque plus de gens auront compris cela. 
     
     
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    Le Québec libre des nationalo-étatistes
    L'ÉTAT, NOTRE BERGER?

        « Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient faire jour pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. » 

    Alexis de Tocqueville 
    DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1840) 

     
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