Montréal, 15 septembre 2001  /  No 88  
 
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Carl-Stéphane Huot est étudiant en génie mécanique à l'Université Laval et s'intéresse au problème de l'énergie, notamment de sa production.
 
OPINION
 
ÉNERGIE VERTE? WÔ, LES MOTEURS!
 
par Carl-Stéphane Huot
  
  
          Nous entendons les écologistes nous seriner dans les oreilles à longueur de journée la nécessité d'utiliser des énergies dites « vertes », en première ligne de celles-ci le photo-voltaïque (communément appelée énergie solaire), l'éolienne et l'hydrogène. Cependant, aucune de ces énergies ne devrait, à mon avis, être classée comme verte. Voyons cela de plus près. 
  
          La première objection au photo-voltaïque tient en sa faible « densité de production ». En effet, au maximum, on peut espérer un rendement de 3 à 3,5 mégawatts/heure (MW/h) par hectare, contre plusieurs centaines pour une centrale thermique compacte, comme celles que l'on peut trouver sur un navire. Deuxièmement, elle ne fonctionne globalement que la moitié du temps, à cause de la nuit. Enfin, ces cellules photo-voltaïques sont très polluantes à produire et à rejeter par la suite.
 
          Pour l'éolienne, on peut faire la même remarque sur la densité maximale de production, qui est de l'ordre de 3,2 MW/h par hectare, pour des éoliennes de 97,5 mètres de diamètre. Deuxième objection maintenant. Une éolienne est calculée pour une vitesse du vent précise. Si le vent est plus fort, l'éolienne ne produira pas plus que le maximum pour laquelle elle est conçue. Pire, sa capacité de production dépend du cube de la vitesse du vent. Ainsi, quand la vitesse de celui-ci diminue de 20%, la puissance de l'éolienne n'est plus que de 80%³ = 51,2% de sa capacité de production... Il faut donc prévoir des énergies alternatives ou augmenter considérablement le nombre d'éoliennes pour assurer une production constante.  
  
          La troisième source d'énergie est une vraie farce. En effet, avant de pouvoir mettre de l'hydrogène dans un hypothétique moteur, il faut tout d'abord la produire à partir de l'hydrolyse de l'eau. Et pour obtenir 1 joule d'énergie de l'hydrogène lors de sa combustion, il faut d'abord y mettre 1 joule, plus les pertes pour l'hydrolyse de l'hydrogène, plus les pertes pour liquéfier celui-ci et le conserver – ou du moins, pour le comprimer en bouteilles –, plus les pertes dans le moteur lui-même, qui sont de l'ordre de 70%. Bref, on peut estimer que pour obtenir 1 joule de travail de notre moteur, il faut en mettre entre 5 et 6 en production d'hydrogène. Ces petits malins d'écologistes pensent-ils que l'hydrogène est produit en se remuant le bout du nez? 
  
Économique et ingénierie des sources alternatives d'énergie 
  
          Nos gouvernements et sociétés d'État – Hydro-Québec en particulier – investissent beaucoup d'argent pour améliorer le rendement des énergies dites vertes. Est-ce rentable pour la population? Voyons cela de plus près, à commencer par l'éolienne. 
  
          Disons-le tout d'abord, une éolienne en elle-même peut constituer une alternative intéressante et économique pour obtenir de l'énergie, à condition que la moyenne de vitesse du vent soit au moins égale à 20km/h. Il est alors possible d'obtenir de l'électricité à taux concurrentiel. Le système en soit est aussi très simple et ne demande pas des connaissances extraordinaires pour l'entretenir. Il s'agit en fait d'une hélice, qui actionne en prise directe un générateur de courant, le tout monté sur une tour pouvant pivoter sur 360 degrés pour être toujours face au vent. Il convient donc assez bien aux régions isolées, principalement dans les pays en voie de développement. 
  
     « Nos gouvernements et sociétés d'État – Hydro-Québec en particulier – investissent beaucoup d'argent pour améliorer le rendement des énergies dites vertes. Est-ce rentable pour la population? »
 
          La principale difficulté tient au profil de l'hélice, qui est le facteur le plus important pouvant faire varier le rendement de l'éolienne(1). Cependant, il est facile d'obtenir des milieux universitaires toutes les références nécessaires pour concevoir des hélices ayant un rendement de 30 à 35%, ce qui est excellent puisqu'il est difficile d'obtenir plus que cela de toute façon. Est-ce qu'il y a un potentiel suffisant pour justifier que nos gouvernements y investissent nos sous? Après quelques calculs et en étant logique, on découvre que non.  
  
          J'ai choisi comme base de discussion la plus grosse éolienne sur le marché, soit celle d'un diamètre de 320 pieds ou 97.5 mètres de Boeing Aerospace. Elle produit 3,2 MW/h et sa construction coûte 1,35 million $ environ. Mes hypothèses étaient les suivantes: 
  • rendement maximal de l'éolienne de référence: 35%;

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  • rendement maximal de l'éolienne améliorée: 36%;

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  • rendement réel, compte tenu des fluctuations du vent: 70% du rendement maximal;

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  • nouveau design pouvant être produit au même coût que l'ancien, et ne coûtant pas plus cher à entretenir;

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  • taux d'emprunt à 7.5% sur 20 ans.
          Il apparaît après calcul que pour atteindre un seuil de rentabilité avec cette éolienne améliorée (de 35 à 36% de rendement maximal), nous ne devons pas investir plus de 428 000 $ en recherche par éolienne effectivement construite. C'est-à-dire que pour rentabiliser 100 millions de dollars de recherche, nous devrons construire au moins 230 éoliennes(2), qui rajouterons 4 500 MW/h sur une base annuelle, mais l'amélioration comme telle ne rajoutera que 129 MW/h – moins de 0,04% du total de la capacité de production actuelle d'Hydro-Québec. Sans compter le fait que les gens – peut-être les mêmes écolos qui prônent l'énergie éolienne – n'apprécierons guère de voir des hélices d'une hauteur de 35 étages dans leur paysage. Quant au marché d'exportation, il est extrêmement aléatoire. Les pays riches peuvent produire les leurs et les pays en émergence cherchent plus des transferts technologiques que l'achat comme telle de cette technique. 
 
          Comme il a été dit plus haut, les cellules photoélectriques sont très polluantes à produire et à rejeter. De plus, le fait de transformer deux fois l'énergie (solaire -> électrique, puis électrique -> appareil électrique) en plus du transport diminue le rendement sensiblement. Et oubliez l'automobile solaire: vous devrez trimballer avec vous des panneaux d'une superficie de 150 à 200 mètres carrés pour être branché au Soleil! La seule manière rationnelle d'utiliser cette forme d'énergie est de manière passive.  
  
          Au niveau domestique, cela consiste à choisir l'orientation et le plan de sa maison de manière à laisser la lumière rentrer abondamment au sud et de n'avoir que le strict minimum de fenêtres au nord, voire même pas du tout, de même qu'une couche isolante thermique supplémentaire comme des gardes-robes de ce côté. Un bon aménagement paysager, avec des conifères au nord et des feuillus au sud vous assurera une économie d'électricité de 20-25 dollars par mois sur votre voisin à isolation égale. Même en appartement, si vous êtes orientés au sud avec d'autres appartements qui couvrent votre côté nord, vous pouvez aisément sauver 15 à 20$ par mois. 
  
          Enfin, l'hydrogène. Il est aujourd'hui possible de modifier les moteurs pour qu'ils soient alimentés par ce gaz. Si l'on veut remplacer le pétrole actuel par de l'hydrogène, il faudra cependant augmenter massivement notre capacité de production d'électricité, et cela devra passer obligatoirement par le nucléaire, autre truc honni par les environnementalistes. Pour chaque million d'automobiles, nous devrons augmenter de 17 500 MW/h notre capacité de production électrique. Disons aussi que le niveau de danger des bombonnes d'hydrogène est plus élevé que celui des bombonnes de propane car la concentration dans l'air nécessaire à son explosion lors d'une fuite est beaucoup plus faible. Quant aux autres applications, comme le chauffage des résidences, il est plus économique de fournir directement de l'électricité aux résidences, car il faut faire deux transformations de moins. 
  
          Les énergies vertes n'existent tout simplement pas. Certes, il faut continuer à faire des recherches pour améliorer le rendement que l'on peut tirer de nos sources d'énergie. Cependant, il faut demeurer conscient qu'il y a toujours un choix à faire quand on veut faire fonctionner une grande société moderne comme la nôtre. 
  
  
1. Une éolienne ne peut transformer qu'une partie de l'énergie cinétique d'une masse d'air en électricité. En plus, dans le générateur, il y a des pertes par friction. À cela, il faut ajouter que la vitesse du vent varie d'une journée à l'autre voire d'une heure à l'autre. Tout ces facteurs font en sorte d'augmenter ou de réduire le rendement de l'éolienne.  >>
2. Pour 230 éoliennes, il faudrait envisager un coût de 310 millions $. Il y a en ce moment une centaine de plus petites éoliennes au Québec (76 dans le parc éolien de Cap-Chat, 57 à Matane, quelques autres ailleurs).  >>
 
 
 
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