Montréal, 29 septembre 2001  /  No 89  
 
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Brigitte Pellerin est l'auteur de l'Épître aux tartempions: Petit pied de nez aux révolutionnaires de salon et travaille comme journaliste indépendante. Elle est responsable de la revue de presse francophone dans The Gazette du dimanche. Elle partage son temps entre Montréal et Ottawa. 
 
BILLET
 
JE SUIS AMÉRICAINE
 
par Brigitte Pellerin
  
  
          L'attaque du 11 septembre n'était pas contre les États-Unis. No sir. C'était une attaque contre le monde libre. C'est pourquoi tous les hommes et femmes libres de ce monde sont aujourd'hui américains. 
  
          Pas nécessaire de chercher midi à quatorze heures – et vous pouvez du même coup laisser votre relativisme moral au vestiaire. Les terroristes ont visé New York et Washington parce qu'il s'agit des deux plus puissants symboles du monde libre – que leur fanatisme religieux ne peut tolérer. Ces terroristes ne sont pas une gang d'opprimés dont les doléances légitimes les poussent à se défendre contre ceci ou cela. Il ne s'agit pas de trouver, par une discussion qui n'est rien d'autre qu'un soliloque mis en scène par la go-gauche intellectuelle, un terrain d'entente devant théoriquement mener à la paix.
 
          Les terroristes ne veulent pas la paix. Ce qu'ils veulent, c'est détruire le monde libre. Et ils n'ont aucune intention de s'enfarger dans les fleurs du tapis. Ils ont attaqué le monde libre, et c'est aux gens libres à défendre leur liberté. 
  
          En un mot comme en mille: c'est la guerre. Et je suis fière de me tenir bien droite et de déclarer du haut de mes cinq pieds (presque) sept pouces: « Je serai de la bataille ». 
  
 
  
 
          Ce n'est pas souvent que vous m'entendrez parler de la sorte, mais je suis particulièrement gênée d'être Canadienne. C'est dans l'adversité qu'on reconnaît les gens de caractère; depuis les attaques du 11 septembre, le Canada a fait la preuve qu'il n'en possédait tout simplement pas. 
  
          Ce n'est pas pour rien, après tout, que George W. Bush a « oublié » de mentionner le Canada dans son discours (mémorable) de jeudi dernier. Les bien-pensants de ce côté-ci de la frontière, au lieu de se demander ce que le Canada devrait faire pour être vu comme un allié plutôt que comme un mollasson sempiternellement assis entre deux chaises, se sont offusqués. Que voulez-vous; on ne les changera jamais, ceux-là. Ils vont mourir idiots(1). 
  
          Le premier ministre britannique Tony Blair, qui a grimpé plusieurs étages dans mon estime ces dernières semaines, s'est empressé, lui, de déclarer que son pays serait avec les États-Unis « shoulder to shoulder ». Il n'a pas dit peut-être. Il n'a pas dit on verra ce qu'on fera. Il n'a pas dit ça va dépendre. Il n'a pas dit que des actions militaires étaient hypothétiques. Et surtout, il n'a pas attendu qu'on lui pousse dans le dos pour faire ces déclarations. 
  
     « Les terroristes ne veulent pas la paix. Ce qu'ils veulent, c'est détruire le monde libre. Ils ont attaqué le monde libre, et c'est aux gens libres à défendre leur liberté. »
 
          Le lendemain de la tragédie, notre très gracieuse Majesté Elizabeth II a demandé que l'on joue le Star-Spangled Banner lors du changement de la garde à Buckingham Palace. Sans que personne ne lui demande de le faire. L'hymne américain a également retenti dans la cathédrale St-Paul, à Londres, lors de la cérémonie commémorative du vendredi, 14 septembre. 
  
          À Ottawa, non seulement on a commencé la cérémonie en jouant le Ô Canada, mais on a fait passer le français avant l'anglais. Il me semble que pour une fois, on aurait pu faire le contraire. 
  
          Mais non. À en juger par les leaders qu'ils ont élus et réélus, les Canadiens n'ont pas de classe. Les Québécois non plus, d'ailleurs. En fait, ils semblent en avoir encore moins que les têtes carrées(2). Ils ne veulent pas se mêler des affaires américaines quand ça se met à brasser un peu sérieusement. Ils n'ont aucun problème à profiter des films d'Hollywood et du parapluie militaire des États-Unis; mais se porter volontaire pour faire partie des rangs appelés à défendre une liberté commune? 
  
          Euh, c'est-à-dire que… On pourrait-y discuter, à la place? 
  
 
  
 
          Vous savez ce que je leur répond, à ceux-là? Qu'ils peuvent bien faire ce qu'ils veulent après tout, je m'en fiche complètement. Je cesse tout simplement de les considérer comme des gens libres. Ils sont esclaves de leur relativisme moral, lequel les force à croire que tout le monde il est également beau et également fin, et qu'il ne suffit que d'allumer le calumet de paix pour que tout baigne dans l'huile. Ils sont prisonniers du modèle de pensée selon lequel les Américains ont mérité ce qui leur arrive. Ils ne veulent pas se mêler des histoires de cowboys d'un ancien gouverneur du Texas qui n'avait jusqu'à récemment jamais mis les pieds en Europe. 
  
          Continuez à jouer les autruches, les potes. Moi, je me tiens en rang derrière le président américain et c'est avec fierté que je ferai ma part dans ce conflit. 
  
          Parce que ma liberté de penser et de dire ce qui me passe par la tête (et oui, ça inclut un paquet de niaiseries), de me promener les cheveux au vent, de travailler pour qui je veux, de voyager sans me faire arrêter à tous les coins de rue, cette liberté ne vaut rien si je ne suis pas prête à la défendre. Comme mon ami Doug Sweet l'écrivait si bien dans The Gazette il y a quelques jours, « Whether we want to be or not, we are involved. If we care about living in a civilized society, we have no choice(3). » 
  
          Pour toutes ces raisons, je suis Américaine.  
 
 
1. Je ne peux résister à la tentation de vous citer un passage de la chronique de Mark Steyn dans le National Post du lundi 24 septembre (p. A-14): « As Francie Ducros said, speaking for the Prime Minister, America's friendship with Canada is so deep it "goes without saying." In that case, Bush is happy to go on not saying it for a long time. A friend who dozes in a hammock on the front porch and gives a sympathetic wave as his neighbour's being mugged is of limited value. » Et vlan, dans les dents.  >>
2. La cérémonie commémorative officielle, dans cette province, avait lieu à 14:30 et non, comme le Président Bush l'avait demandé, à midi. Elle est belle, leur société distincte.  >>
3. Doug Sweet, « A show of support, » The Gazette, 23 septembre 2001, A-15.  >>
 
 
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