Montréal, 5 janvier 2002  /  No 95  
 
<< page précédente 
  
  
 
 
Jean-Louis Caccomo est économiste à l'Université de Perpignan.
 
PERSPECTIVE
 
LA FRANCE SOMBRERA-T-ELLE 
DANS LA DICTATURE?
 
par Jean-Louis Caccomo
  
  
          Alors que les procès de Moscou (1935-1936) éveillaient certaines consciences, le prix Nobel d'économie Kenneth J. Arrow, pourtant très sensible à la question sociale et à l'égalité des chances, déclara: « L'économie socialiste ne garantit ni la démocratie ni la liberté individuelle. J'ai eu l'idée naïve qu'en l'absence de classe capitaliste, il n'y aurait aucun intérêt à l'exploitation d'une classe par une autre. Il était devenu évident que cette vision n'était pas vraisemblable. Le défaut le plus grave était la possibilité que le socialisme, en concentrant le contrôle de l'économie dans l'appareil d'État, facilitât l'autoritarisme ou même le rendît inévitable »(1)
 
          Devant les désordres chroniques et les « mouvements sociaux » de plus en plus radicaux, le risque est grand que notre pays sombre dans la réaction. Ainsi, et par la faute de la gauche plurielle, nous sommes placés aujourd'hui dans la situation terrible d'avoir à choisir entre le socialisme et la dictature rampante. Or, ce choix est une illusion de plus. Une dictature est ce qu'il y a de pire pour un libéral, mais le socialisme mène toujours et partout à la dictature (le fait qu'elle soit une « dictature du prolétariat » n'en adoucit point sa nature). 
  
Les conséquences du socialisme 
 
          On salut toujours 1936, le Front populaire et les congés payés; mais quatre ans plus tard, la France était occupée et traversait la période la plus sombre de son histoire moderne. Les socialistes ont le don de produire le désordre et la faillite généralisée à force de démagogie et d'irresponsabilité. 
  
          Or, la seule limite à l'autorité d'un pouvoir, c'est la responsabilité individuelle, laquelle consiste assumer les conséquences – positives et négatives – des décisions que l'on est libre de prendre ou ne pas prendre. Non pas demander à l'État – c'est-à-dire aux autres – d'assumer les conséquences de ses propres choix. C'est aussi une question d'éducation: la seule limite légitime à l'autorité des parents, c'est la prise de responsabilité des enfants (qui sont placés ainsi dans la position d'adultes en devenir). Et plus le champ de la responsabilité individuelle est restreint (par le jeu même des politiques interventionnistes d'un État-providence tentaculaire), plus celui de l'autorité et de l'autoritarisme devient envahissant. 
  
          On a beau jeu de caricaturer les Américains en disant que c'est un peuple qui n'a pas d'histoire et de culture. C'est, en comparaison des Français, un modèle de civisme et d'éducation. Les Américains ne vont pas défiler devant la Maison blanche pour réclamer des augmentations de salaire, de la solidarité, de nouveaux programmes scolaires, des emplois, moins de temps de travail ou plus de fric! Mais, que leur pays soit frappé par des attentats meurtriers et ils se portent volontaires pour aider leur patrie. Point de grève ou de débats tordus; point d'états d'âme et d'esquive. 
  
     « Les Américains ne vont pas défiler devant la Maison blanche pour réclamer des augmentations de salaire, de la solidarité, de nouveaux programmes scolaires, des emplois, moins de temps de travail ou plus de fric! »
 
          En France, c'est tout le contraire: qui est prêt à mourir pour la patrie alors que tous défilent pour demander à l'État d'améliorer son sort personnel (sous l'alibi de la parité!!). Un pays où chacun revendique toujours plus de droits (droit à la différence, droit à l'égalité, au logement, à la nourriture et pourquoi pas au bonheur et à l'amour... que de niaiseries!) mais renonce dans le même temps à fournir le moindre effort, un tel pays n'a plus d'âme et donc plus d'avenir. Il peut bien s'en prendre à la « mondialisation » mais il est seul responsable de sa mise hors jeu sur le terrain économique et géopolitique. 
  
Des choix irresponsables 
 
          Un exemple: le désir d'enfant des homosexuels. Si les individus sont libres d'expérimenter des combinaisons de couples, qu'ils en assument les conséquences. La nature a fait que deux hommes ou deux femmes ne peuvent pas avoir d'enfants et ce n'est pas à la société de réparer cet état de fait. Un autre exemple: les Français veulent être libres de choisir leur médecin, mais il faut que la collectivité paie! Les jeunes fumeurs ne veulent pas arrêter de fumer si la sécurité sociale ne prend pas en charge les traitements antitabacs. Ces jeunes achètent pourtant bien les paquets de cigarettes avec leur argent (c'est donc leur choix), mais je devrais payer (par solidarité) les conséquences néfastes pour leur santé et pour la mienne de leur propre décision! 
  
          Ainsi, si chacun revendique des droits sans vouloir en assumer les devoirs, la société ne peut que se déliter. Les socialistes cautionnant cette dérive, ils sont la cause des dictatures car il est inéluctable le jour où, par instinct de survie, la société veut remettre de l'ordre au moins par réaction, par sursaut national. L'histoire récente du Chili en est une illustration: il est facile de s'en prendre à Pinochet (qui fut en effet un dictateur), mais la politique irresponsable d'Allende a fait qu'un Pinochet était devenu inévitable pour le salut même du Chili... et l'on observe aujourd'hui que le Chili n'est pas un pays ruiné et disloqué comme le sont les anciennes démocraties populaires de l'Europe de l'Est ou de l'Afrique. 
  
 
1. In Feiwel G. (ed.), Arrow and the foundation of the theory of economic policy, Londres, Macmillan, 1987.  >> 
  
  
Articles précédents de Jean-Louis Caccomo
 
 
<< retour au sommaire
 PRÉSENT NUMÉRO