Montréal, 8 juin 2002  /  No 105  
 
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Yvon Dionne est retraité. Économiste de formation (Université de Montréal), il a travaillé à la Banque du Canada (11 ans) puis pour « notre » État du Québec (beaucoup trop longtemps: 20 ans). On peut lire ses textes sur sa page personnelle.
 
CE QUE J'EN PENSE
 
ARIEL SHARON ET LE SIONISME
  
par Yvon Dionne
  
 
          Difficile de ne pas parler du Proche-Orient, une région qui a toujours été en guerre pour des raisons religieuses, à l'instar de l'Inde et du Pakistan par exemple. Certes, la « guerre au terrorisme » a fait beaucoup de petits. Des pays qui n'ont aucun respect pour les libertés individuelles s'y sont ralliés. Même dans les pays occidentaux, ce sont les libertés individuelles qui écopent.
 
          En Palestine, ce sont les Palestiniens, un mot que les Juifs extrémistes rejettent comme une création artificielle de l'histoire. D'ailleurs, sur un site internet du gouvernement d'Israël, les territoires que l'on dit sous l'autorité palestinienne (les territoires dits « autonomes ») apparaissent comme un casse-tête plein de pièces manquantes(1). Leur autonomie est celle de nos municipalités. La colonisation juive dans ces territoires s'étend à une centaine de centres jouissant d'avantages refusés aux Palestiniens et renforcés par une armée qui est la quatrième au monde. Yasser Arafat a reconnu l'État d'Israël, mais ce dernier n'a jamais reconnu la Palestine. Pour les extrémistes juifs, la Palestine fait partie d'Israël et il existe déjà un État palestinien: la Jordanie. 
  
          D'ailleurs, le 12 mai dernier, le parti du premier ministre Ariel Sharon (le Likoud) l'a bien rappelé en votant contre la création d'un État palestinien puisque ces territoires doivent être réservés à la colonisation juive. 
 
Qui est Ariel Sharon? 
 
          Ariel Sharon(2) est un sioniste. Né en Palestine en 1928 (un an plus tôt qu'Arafat), il a joint les rangs de la Haganagh (un des trois groupes armés juifs) en 1945. Il a participé à toutes les guerres d'Israël, mais il est surtout connu pour sa complicité en 1982 dans le massacre de Sabra et Chatila au Liban alors qu'il était ministre de la Défense. Deux jours après l'assassinat de Bashir Gemayel, un chrétien maronite élu président alors que les troupes d'Israël encerclaient Beyrouth, l'armée israélienne permettait aux phalanges chrétiennes de nettoyer de leurs « terroristes » les camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth ouest. Elles y ont fait 800 victimes, parmi lesquelles des femmes et des enfants. 
  
          Cet incident a d'ailleurs entraîné la démission de Sharon. En 1982, celui-ci avait déclaré à une journaliste italienne que la Cisjordanie appartenait à Israël et qu'il n'était nullement question d'y permettre la création d'un État palestinien. Sharon a aussi été directement impliqué dans des opérations de démolition, de ratissage et de déportation de Palestiniens, avant l'intervention au Liban. 
 
          Les événements récents en Palestine ne font que démontrer que Sharon est toujours fidèle à lui-même. Alors si Sharon est sioniste, de quoi s'agit-il au juste? 
 
          Le sionisme est en quelque sorte l'expression d'un nationalisme religieux juif résultant de plusieurs siècles de persécutions des Juifs, en particulier dans des pays comme l'Espagne et l'Europe contrôlée par les nazis, mais aussi en Russie et ailleurs. Le mouvement sioniste a été officiellement créé en 1897 pour rassembler les Juifs dans un État. L'Argentine avait été évoquée à l'époque, mais le choix s'est arrêté sur la « Terre promise au peuple élu », c'est-à-dire le territoire occupé initialement par les 12 tribus bibliques, soit la Palestine et une partie de la Jordanie, de l'Égypte et du Liban actuels. 
  
          Dès 1878, une première communauté juive s'est établie en Palestine. L'émigration s'est amplifiée et en 1895 la Palestine comptait 47 000 Juifs sur une population de 500 000. En 1947, la résolution de l'ONU sur la partition de la Palestine accordait 53% du territoire à 30% d'une population (quelque 600 000 habitants sur un total de 1,9 million) qui n'en possédait que 8%. Aujourd'hui, ils sont environ cinq millions, ce qui correspondrait selon le gouvernement israélien à 37% des Juifs à travers le monde; 20% de la population d'Israël est non juive. 
 
     « Les Palestiniens devraient surtout avoir pour objectif la création d'une société de gens libres, un objectif que les Israéliens eux-mêmes devraient partager. »
 
          Cette création artificielle d'un État ne pouvait conduire qu'à la confrontation entre les Juifs et les Arabes et faire des anciens persécutés des persécuteurs. Soit, c'est un fait accompli mais on ne peut nier que le sionisme, qui est une négation des droits individuels de la population non juive, soit une cause importante des problèmes actuels dans cette région, d'autant plus que ses visées territoriales sont expansionnistes. 
 
Un État palestinien: une solution transitoire 
 
          Au sommet arabe tenu à Beyrouth en mars, les pays arabes (l'Égypte de Mubarak était absente) se sont entendus sur la création d'un État palestinien qui correspondrait aux frontières d'avant la guerre de 1967, une solution qu'Israël juge inacceptable. Après un temps d'accalmie, le terrorisme a repris de plus belle; au terrorisme des groupes paramilitaires palestiniens, Israël répond par le terrorisme d'État, tous deux inspirés par le nationalisme et la religion, et trois religions revendiquent Jérusalem... 
  
          Ariel Sharon rencontre de nouveau George W. Bush le 10 juin après avoir rencontré le président Mubarak; celui-ci favorise la reconnaissance immédiate d'un État palestinien, laissant en suspens des questions importantes tel le sort réservé aux colonies juives. Présentement, les États-Unis versent annuellement quelque 4 milliards $ US à Israël contre 80 millions à l'administration palestinienne. Israël, qui détient l'arme nucléaire(3), n'a aucunement besoin de cette aide, d'autant plus qu'il n'aura pas à assumer le coût élevé de reconstruction en Palestine. Le 1er juin, devant les cadets de West Point, le président Bush a déclaré: « In our development aid, in our diplomatic educational assistance, the United States will promote moderation and tolerance and human rights ». Le 10 juin, il aura l'occasion de le démontrer. 
  
          Évidemment, la création d'un État palestinien ne signifie pas du tout que les Palestiniens (qu'ils soient musulmans, juifs ou chrétiens) seront plus libres que maintenant. Ils se seront tout au plus débarrassé d'un autre État, celui d'Israël, qui les maintient dans une sorte de camp de concentration. Croire à autre chose, ce serait se bercer d'illusions. Plus un État est omniprésent, moins il y a de liberté pour les individus. Les Palestiniens devraient surtout avoir pour objectif une société de gens libres, un objectif que les Israéliens eux-mêmes devraient partager. Et peut-être alors réaliseront-ils qu'ils peuvent se passer de frontières. 
 
Une citation: 
          Jewish villages were built in the place of Arab villages. You do not even know the names of these Arab villages, and I don't blame you because geography books no longer exist, not only do the books not exist, the Arab villages are not there either. Nahlal arose in the place of Mahlul; Kibbutz Gvat in the place of Jibta; Kibbutz Sarid in the place of Huneifis; and Kefar Yehushu'a in the place of Tal al-Shuman. There is not one single place built in this country that did not have a former Arab population. (Moshe Dayan, cité par Ha'aretz, 4 avril 1969, Palestine-net.com.)
Un appel à la non-violence d'un Palestinien: 
          For several weeks, Israelis waged an alleged "war on terror" which destroyed the civic infrastructure of Palestinian society and resulted in the killings of hundreds of Palestinians. They said this was to teach Palestinians that they couldn't kill Israelis with impunity. 
  
          In retaliation, Hamas sent in a suicide bomber who killed 16 Israelis. The message was that Israelis couldn't kill Palestinians with impunity. The Israelis are expected to retaliate to this retaliation. The Palestinians will inevitably follow-up with retaliation to the retaliation of the retaliation. And so on and so on. 
  
          How will this never-ending cycle of violence end? First, by diagnosing the disease. And contrary to Israel's claim, the disease in this conflict is not terrorism but Israeli occupation. So how does one treat this disease? 
  
          While international law sanctions armed struggle, it has become increasingly clear that Palestinians need to emphasize the concept of Satyagraha as a potential cure to the disease of occupation. 
   
          Satyagraha is the policy of passive resistance as a method of gaining social and political reforms. Inaugurated by Mahatma Gandhi in 1919, ‘Satyagraha' has been seized upon to describe many forms of opposition to government, and to explain almost any direct social or political action short of organized violence. (Sherri Muzher, « Palestinians and Satyagraha », RamallahOnline.com, 10 mai 2002.)
 
1. « The doors of Israel are open for any Jew who wants to live here. I invite you to join us. We need you now. If you cannot join us, come to visit us, invest here and send your children to study here. My goal of bringing one million Jews in the next decade is within our reach and will be achieved. » (Message of Prime Minister Ariel Sharon, AIPAC Policy Conference, 23 avril 2002). Ces paroles pouvaient être justifiées lorsque Hitler a pris le pouvoir, mais ne le sont plus aujourd'hui.  >>
2. Le nom originel d'Ariel Sharon est Arik Scheinerman.  >>
3. Le programme nucléaire d'Israël a été mené à terme au début des années 60, avec l'aide de la France, par l'actuel ministre des Affaires étrangères, Shimon Peres.  >>
 
 
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