Montréal, 8 juin 2002  /  No 105  
 
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Hervé Duray est étudiant à l'École Supérieure de Commerce de Grenoble et tient La Page libérale, un site dédié au commentaire des informations sous un angle libéral.
 
LA PAGE LIBÉRALE
 
PRIVATISER L'ÉTAT:
COMMENÇONS PAR LES VILLES!
 
 par Hervé Duray
  
  
          Comme dans presque toutes les villes de France, le maire de ma commune s'offre un organe de propagande, un journal municipal local, mensuel. Je ne prends d'habitude pas le temps de le lire, sachant qu'il ne contient qu'une litanie d'événements sans intérêt, mais en couverture du numéro de juin 2002 une phrase magique m'a fait tilter: « Tout sur le budget »! Avec une accroche pareille, impossible de résister pour un libéral convaincu: mais que peut donc contenir le budget de ma commune?
 
55 millions d'euros pour 25 000 habitants 
  
          Il y a environ 25 000 habitants dans mon lieu de résidence, et les dépenses s'élèvent au total à 55 millions d'euros. Cela fait tout de même 2200 euros par personne, alors que le salaire minimum mensuel net s'élève à 1000 euros environ. Ce n'est donc pas négligeable.  
  
          S'imaginant sans doute vertueux, les conseillers municipaux se sont contraints à « limiter la progression fiscale à un chiffre proche de l'inflation » et à « limiter le recours à l'emprunt ». À défaut de baisser les dépenses en volume, au moins auraient-ils pu les maintenir stables puisque dans le même temps le pouvoir d'achat de beaucoup n'a pas augmenté, entre les 35 heures et les 30 impôts qui ont augmenté sous Jospin (19 qui ont été créés aussi...).  
  
          La limitation du recours à l'emprunt est vraiment risible: c'est déjà annoncé que le budget est déficitaire, et ce n'est qu'un impôt « pour plus tard », pour le prochain mandat, pour les générations futures dont on prend tellement soin... Au fait, de combien il est cet « emprunt » sur le dos des futurs administrés? 3.8 millions d'euros! Quel « impératif » strict: c'est 7% du budget!  
  
Des normes arbitraires, des impôts pris sur le futur 
  
          Au fait, pourquoi pas 15%? Parce que 7% c'est la « proportion considérée comme normale par les institutions financières, soit 150 euros par habitant ». Qui a fixé la norme? Le grand nombre de communes pratiquant l'endettement des générations futures? Les « institutions financières » sont-elles acquises à l'État par des cautionnements de prêts, ou même tout simplement des propriétés d'État? Ce type d'argumentation, c'est celui du maçon dont le mur vient de s'écrouler: « la norme c'est de mettre du ciment sur la moitié des briques ». Vous accepteriez une maison construite sur de telles normes? Et pourtant un budget de 35 millions d'euros a été voté sur cette norme bancale.  
  
          Mais passons sur ces détails, car après tout, l'argent est ensuite dépensé: il doit forcément nous servir d'une manière ou d'une autre, non? Avec 35 millions d'euros, il y de quoi faire... Ah tiens, le château va être rénové: 1.3 million d'euros en 2002. Il deviendra « Maison de la Musique et des Arts », pour un coût total de 4.5 millions d'euros. Il me semblait pourtant qu'on en avait déjà un conservatoire. Mais non, il doit déménager dans le château avec au passage un lieu temporaire de résidence, lui aussi acheté pour une somme non précisée (500 000 euros? plus?). 
  
     « Qui va nous faire croire que personne ne voudrait payer pour avoir ses enfants en sécurité, des arbres qui ne nous tombent pas dessus, et des stops là où se produisent des accidents? »
 
          Et passons aussi sur les multiples « investissements » comme 14 000 euros pour acheter des CDROMs pour la « médiathèque », 22 800 euros pour construire un « columbarium », 60 000 euros pour refaire le câblage informatique de la mairie, 53 000 euros pour la rénovation du « théâtre de plein air »... et ça continue comme ça sur plusieurs pages. Avec ça, il y a aussi l'infâme loi de Solidarité et renouvellement urbain (SRU) qui condamne la municipalité locale à 156 000 euros d'impôts en plus car elle n'a pas assez d'électeurs de gauche. Oh pardon, qui condamne la municipalité car elle a moins de 20% de « logements sociaux » (remplis d'électeurs de gauche).  
  
          Bien sûr, la majorité des dépenses est « utile »: 20 000 euros pour accroître la sécurité (avec au passage l'aveu que la criminalité monte), 300 000 euros pour des rénovations d'écoles, des cantines mises aux normes sanitaires, un rond point sécurisé, des arbres élagués, des espaces verts entretenus... Mais pourquoi les trois quarts de ces activités ne sont-elles pas privées? Qui va nous faire croire que personne ne voudrait payer pour avoir ses enfants en sécurité, des arbres qui ne nous tombent pas dessus, et des stops là où se produisent des accidents?  
  
La majorité des activités d'une mairie est privatisable immédiatement 
  
          En fait, la majorité des lignes du budget concernent des activités qui pourraient aisément être privatisées, déléguées par contrat à une entité non étatisée. L'élagage devrait être réalisé non pas par des fonctionnaires, mais par des contractants. Pourquoi avoir une bibliothèque municipale aussi: pourquoi ne pas avoir uniquement des membres payants, qui pourront ainsi s'exprimer sur les choix littéraires? Pourquoi avoir un espace multimédia, qui n'est ni plus ni moins qu'un cybercafé (sans le café!)? Les cantines des écoles? Il existe en France de nombreuses cantines d'entreprises, et aussi des restaurateurs d'entreprise: Sodhexo, Eurest, et bien d'autres! Quant aux rénovations des écoles, le ministère de l'Éducation nationale a trouvé le bon pigeon: les écoles primaires (en dessous de 11 ans) sont gérées par les municipalités; à elles les frais, mais pas le choix des programmes, du nombre d'enfants par classe, de la mixité ou non, du code vestimentaire, etc.. 
  
          Il y aussi d'autres activités que l'on aimerait voir privatisées. Comme tout bon organisme étatique qui se respecte, la commune a décidé de faire sien l'objectif d'expansion économique. La société mixte d'aménagement (SEMAES) a donc acheté de multiples terrains, pour y construire des bureaux. Cette société ne fait que des pertes, et il reste une partie de terrains invendus, les bureaux n'étant pas tous remplis. Pourtant la commune s'est engagée à racheter les terrains invendus, a dû renflouer plusieurs fois la société... Quel est le bénéfice pour les habitants? Aucun, il est nul, même très négatif: quelque 6 millions d'euros auraient ainsi disparu dans le gouffre selon les opposants (socialistes) au maire. Mais quelle est la garantie qu'ils auraient fait mieux? Seule une entreprise privée aurait bien géré les fonds à sa disposition, et de toute façon seuls les actionnaires auraient eu à pâtir d'une mauvaise gestion.  
  
Il faut privatiser les mairies! 
  
          Il y a des chiffres qui laissent bien rêveurs, et qui feraient certainement pâlir des chefs d'entreprise: une PME de 55 millions d'euros de chiffre d'affaires, c'est une belle entreprise! Et les responsabilités sont conséquentes: il y a des actionnaires, des clients, des salariés... Est-ce qu'on demande aux maires d'avoir un bac+5, d'avoir fait leurs preuves devant des clients? Non, on leur demande des discours, des investitures, des appuis, et de l'arrosage. Leur demande-t-on des capacités en stratégie, en comptabilité? Non, ils doivent apprendre l'art de la rhétorique et celui des alliances politiques!  
  
          Il faut de toute urgence privatiser les mairies, et surtout les parties communes: les arbres, les parcs, les rues. Il faut créer des sociétés qui proposeront leurs services à des copropriétés de quartier, qui soient régies par leurs règles propres. Démocratie au suffrage universel, suffrage censitaire, au nombre de personnes dans le foyer, à la participation dans le capital de la société: peu importe, il faut que le pouvoir revienne aux mains des payeurs. Dès lors qu'ils ne pourront plus faire payer leurs voisins, ils seront plus raisonnables.  
  
          Comment font les hommes de l'État pour dépenser 275 milliards d'euros? Ce chiffre est trop énorme pour avoir une quelconque signification pour un individu, sauf pour Bill Gates (et encore...). Il devient difficile de raisonner face à la masse des statistiques, des ministères, des organismes, des missions, des aides, des taxes, et il me fallait revenir à une échelle humaine. Et dès lors que l'on se place à un niveau « humain », il devient possible de remettre en cause les dépenses, de voir comment concrètement faire reculer l'État... Et dites-vous bien une chose: une mairie, ce n'est plus ni moins qu'un État en plus petit. 
  
 
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