Montréal, 28 septembre 2002  /  No 110  
 
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Hervé Duray est étudiant à l'École Supérieure de Commerce de Grenoble et tient La Page libérale, un site dédié au commentaire des informations sous un angle libéral.
 
LA PAGE LIBÉRALE
 
SÉCURITÉ SOCIALE: 
LE MEILLEUR SYSTÈME AU MONDE?
 
 par Hervé Duray
  
  
          Depuis le régime de Vichy, les Français bénéficient de la Sécurité Sociale, système de soins « gratuits » pour les « assurés sociaux ». Après quelques années fastes, avec des taux de chômage proches de zéro, une population jeune et en croissance, la Sécurité Sociale accumule les déficits depuis environ 30 ans. Le déficit 2001-2002 atteindrait quelques 3.3 milliards d'euros, après trois années excédentaires.
 
          Ceci dit, la situation en France n'est pas aussi catastrophique pour les malades qu'elle peut l'être en Angleterre ou en Allemagne. Dans un reportage sur Arte, on a par exemple entendu un médecin allemand déclarer « comme d'habitude, ce sont les plus faibles qui souffrent le plus ». Avec un système de quotas, les médecins allemands refusent des malades chroniques, sources de dépenses importantes, les vieux, qui demandent beaucoup de temps et des dépenses élevées. En Angleterre, une fillette de 10 ans n'a pas eu de traitement contre sa leucémie, elle avait « des chances de survie trop limitées ». D'autres patients attendent des mois pour rencontrer un spécialiste, tandis que la fermeture d'hôpitaux à Londres a accru la mortalité lors de transferts aux urgences, rallongés de précieuses minutes perdues dans les embouteillages... 
  
La situation est-elle meilleure en France alors? 
  
          En fait, la situation en France n'est pas meilleure. L'Angleterre ou l'Allemagne ont simplement de « l'avance ». En France aussi il y a des quotas de soins pour les médecins et les infirmières. Il y aussi les problèmes d'hôpitaux surchargés alors que d'autres sont sous-utilisés. Il y a toute la gamme des restrictions financières, des déséquilibres de comptes, des arriérés de paiement, le même désarroi des docteurs à qui l'on demande de soigner mais que personne ne voudrait payer... Alors pourquoi s'acharner à conserver ce système? 
  
          Plusieurs raisons à cela: d'abord il profite bien à certains! Ensuite, les « assurés » sont pour la plupart convaincus qu'il est fondamentalement efficace, avec quelques problèmes mineurs, principalement dus à un « manque de moyens ». Cela s'exprime au travers du très courant « la sécurité sociale, le meilleur système au monde ». Enfin, dès lors qu'une alternative est envisagée, elle est immédiatement rejetée au motif que cela créerait une « médecine à deux vitesses ». 
  
          Effectivement, le système est mal géré, et le « manque de moyens » résulte pour une grande part d'une mauvaise allocation des ressources, et d'une gestion médicale défaillante.  
  
          Les hôpitaux privés sont par exemple plus productifs d'un ordre 4 si l'on compare les accouchements ou les traitements du cancer: 50% des naissances et 50% des chimiothérapies pour 20% des cliniques. Faites vos compte: le même résultat (50% du travail) pour 80% du personnel dans le public! La différence ne s'explique pas par les « missions de service public » telles que l'obligation de recherche, ou l'enseignement, qui apportent au moins autant de publicité en prestige qu'elles doivent coûter réellement. La « continuité des soins », c'est-à-dire la capacité d'accepter de nouveaux malades en continu, existe depuis belle lurette dans les cliniques privées.  
  
          Côté gestion médicale défaillante, il y a tout simplement des examens donnés trop fréquemment, des traitements faits en l'absence de diagnostic clair, des opérations inutiles, des prescriptions qui ne suivent pas les recommandations...  
  
Personne ne cherche la cause fondamentale 
  
          Bref, si tout le monde sait que ça ne marche pas, personne ne semble vouloir s'adresser aux causes premières du désastre qui prend forme sous nos yeux. Les alternatives sont balayées au nom de l'égalité, mais n'est ce pas l'état sanitaire de la population qui devrait faire office de critère de jugement dans ce domaine?  
  
          L'égalité aujourd'hui n'existe pas, ne nous leurrons pas. Il n'y a pas le même niveau de soin partout en France: manque de médecins dans le Nord, couverture hospitalière en milieu rural insuffisante... Sans compter que certains départements, comme le 93, avec des populations immigrées en accroissement constant, voient arriver des pathologies inconnues en Europe, ou éradiquées depuis bien longtemps: cela a un impact sur la capacité de soigner d'autres patients, engorge les urgences et les hôpitaux. D'autre part, souvent insolvables, même par la « CMU » car illégaux, les urgences traitent des cas banals qui ont dérivé vers des cas graves: tuberculoses ou plaies gangrenées! 
  
          Au plan international aussi, il existe une médecine à plusieurs vitesses: entre l'Angleterre qui envoie ses patients vers la France, la France qui en envoie en Allemagne et aux États-Unis (pour des traitements en cancérologie ou maladies rares), on s'aperçoit bien qu'il y a une grande disparité. À quoi bon avoir une médecine « égalitaire » en France, si elle doit être de seconde classe? On peut faire pire, soit, mais il y a mieux! 
  
          Il faudra donc bien abandonner ce système en bout de course, et il n'y a pas 36 solutions pour cela: il va falloir rendre la santé aux individus et aux médecins. Quelques mesures simples permettront de défaire l'étau de l'État sur le secteur de la santé: fin du numerus clausus, nombre de médecins formés en France dans les universités, privatisation des hôpitaux, choix de la caisse d'assurance et du niveau de couverture par les assurés eux-mêmes (donc mise en concurrence de la Sécurité Sociale), libération du prix des médicaments... 
  
     « Qu'adviendrait-il alors? Si tous les hôpitaux s'alignaient sur les standards de productivité des cliniques privées, il n'y aurait plus pénurie d'infirmières et de spécialistes, mais pléthore, puisque avec 40% du personnel 100% des actes seraient assurés. »
 
          Qu'adviendrait-il alors? Si tous les hôpitaux s'alignaient sur les standards de productivité des cliniques privées, il n'y aurait plus pénurie d'infirmières et de spécialistes, mais pléthore, puisque avec 40% du personnel 100% des actes seraient assurés. Si les infirmières libérales pouvaient librement fixer leurs tarifs, ainsi que les médecins, on verrait peut-être les facultés de médecine se remplir, au-delà des numerus clausus actuels.  
  
          Le choix de la compagnie d'assurance permettrait des gains de productivité sur le traitement des « feuilles de soin », et les médecins n'auraient certainement plus à faire le secrétariat de la Sécu. Les médecins verraient par ailleurs leurs emplois du temps s'alléger, certains travaillant plus de quatorze heures par jour, six jours sur sept (en milieu rural souvent). Mais le gain réel se trouverait dans le niveau de remboursement: si les frais de gestion baissent, il en résultera un taux de remboursement en hausse. 
  
          Bien sûr, les assureurs privés cherchent le profit, et peut-être une partie des gains y sera affectée, mais la concurrence permet de jouer contre cet effet. D'autre part les compagnies d'assurance font plus de profits à placer l'argent des cotisations sur les marchés monétaires qu'elles n'en font sur les primes d'assurances elles-mêmes. 
  
Tous égaux devant la pénurie ou devant le marché? 
  
          On va bien entendu parler du sort des pauvres. « Ah oui, mais les pauvres, comme aux États-Unis, ils n'auront rien, ils ne pourront se prendre d'assurance... » Pardon? En France, c'est 10% du PIB qui est consacré aux dépenses de santé. Privatiser le système permettra certainement d'économiser sur cette somme. Ensuite il y aura toujours une part de charité, au travers des assureurs soucieux de leur image. Enfin, l'offre sera diversifiée: certains choisiront des couvertures à minima, d'autres plus étendues. Là encore, c'est une affaire de choix personnels: quel smicard aujourd'hui sait réellement ce qu'il dépense en Sécurité Sociale? Qui sait si au lieu d'une protection sociale plus importante, certains ne préféreraient pas d'autres biens? La concurrence permettra de faire émerger des offres adaptées chez les assureurs, et baissera le coût des soins globalement. Et au pire, pourquoi ne pas garder la Sécurité Sociale d'État pour ceux qui veulent y cotiser? 
  
          Il y aura des perdants dans le changement: les syndicalistes qui vivent sur la Sécurité Sociale au travers de la « cogestion ». Dans un premier temps, les infirmières risquent de perdre des revenus liés aux avantages de la fonction publique (35 heures, salaires élevés, vacances, congés spéciaux, etc.). Mais combien touche une infirmière en Suisse ou aux États-Unis aujourd'hui? Il est certain qu'à long terme, étant donné les responsabilités, le niveau de connaissance, et le travail fourni par les infirmières, celles-ci auront des salaires plus importants que dans la situation actuelle. 
  
          Si l'on peut être aussi sûr des effets positifs d'une libéralisation, c'est pour une raison bien simple: avec la perte de la liberté, la responsabilité s'envole aussi. Si aujourd'hui tout marche de travers dans la santé, c'est parce qu'il n'y a jamais de responsables. Dans un système où la seule règle est: faites ce que vous voulez, tout est gratuit, il fallait bien s'attendre à une catastrophe. Le vrai drame cependant n'est pas dans le déficit faramineux, ou les dettes accumulées. Le drame, c'est que tout cela conduit à des morts. Alors, êtes-vous prêts à laisser votre vie dans les mains de fonctionnaires? 
  
  
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