Montréal, 7 décembre 2002  /  No 115  
 
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Stefan Metzeler est informaticien indépendant (www.amadeus-3.com). Il habite près de Lausanne en Suisse et est co-fondateur de l'organisation libérale Pro Libertate.
 
OPINION
 
HALTE À LA CULTURE DE LA GRÈVE
 
 
par Stefan Metzeler
 
          Nous savons depuis longtemps que la « grève » est un des plus glorieux et durables héritages du marxisme, pourtant en décrépitude intellectuelle et politique. Cette culture de la grève est le fond de commerce des parasites qui dirigent les syndicats, elle n'est pas l'intérêt des grévistes. Chauffeur, havane au bec ostensiblement, le train de vie des dirigeants des syndicats est celui de la nomenklatura communiste.
 
          Depuis que la « droite » est au pouvoir en France, les perdants ne cessent de menacer d'un « troisième tour social ». Et, bien entendu, les traditionnelles grèves de fin d'année sont annoncées comme des rituels sociaux, tribaux, pour que « la lutte continue », pour que les « droits acquis » des employés du service public perdurent en toute iniquité. 
  
Les grévistes sont leurs propres victimes 
  
          Ces grèves sont un chantage ignoble. Elles sont le fait de groupes de pression privilégiés dans le cas des services publics. Privilégiés, parce que les fonctionnaires ont un meilleur salaire que ce qu'ils pourraient obtenir sur un marché concurrentiel, parce qu'ils profitent d'une protection juridique de leur emploi au détriment des travailleurs productifs, parce qu'ils profitent de régimes de retraites aux conditions surréalistes... 
  
          Et pourtant, ils se plaignent. C'est qu'ils subissent forcément le contrecoup de leur propre gourmandise. Leur salaire ne vaut pas grand-chose, puisque l'économie est tellement affaiblie que, tous ensemble, ils perdent une part importante des biens et services qui n'ont jamais existé, faute de moyens pour les réaliser. 
  
          Les routiers sont victimes du même phénomène. Plutôt que de chercher une productivité plus élevée, ils se plaignent de celle de leurs concurrents. Ils prennent en otage toute la population. Mais les grèves dans le privé relèvent d'une autre logique. Il ne s'agit pas de défendre des droits acquis mais de faire pression sur le gouvernement dont on sait qu'il est omnipotent, qu'il peut dénouer toutes les crises, que son pouvoir d'intercession est sans limite. Il est lui-même victime de sa prétention fatale à se mêler de tout, et rien ne l'en empêche en effet. Sûrement pas une Constitution de papier. 
  
Le destructionisme est en marche 
  
          La grève n'est de toute façon pas un moyen légitime de « lutte ». Pour signaler à un patron qu'on désire être augmenté, il y a bien d'autres voies, y compris la menace de terminer le contrat, en cas de désaccord. Sur un marché libéral, ce serait un argument de poids, puisque la ressource la plus rare serait le travail humain, le plus générateur de richesse. 
  
          Pourtant la grève est admise dans le droit actuel. Soit! Est-ce qu'on peut parler de grève dans le cas des blocages des syndicats? Certainement pas: bloquer les routes est un acte hautement agressif, sachant les dommages que cela peut provoquer. Ce n'est en rien différent d'une attaque à main armée au niveau du résultat: un gigantesque hold-up pour des dizaines, voire des centaines de millions d'euros en dommages pour l'ensemble de l'économie. 
  
     « Bloquer les routes est un acte hautement agressif, sachant les dommages que cela peut provoquer. Ce n'est en rien différent d'une attaque à main armée au niveau du résultat: un gigantesque hold-up pour des dizaines, voire des centaines de millions d'euros en dommages pour l'ensemble de l'économie. »
 
          Il en va de même pour les fonctionnaires, qui cessent leur travail pour bloquer des artères de circulation, importantes à Paris et ailleurs. Ce que je ne comprends pas, c'est la stupidité de ces gens: il est évident qu'ils appauvrissent le pays de manière significative. Et de plus, ils s'imaginent obtenir des augmentations? Sur papier, oui, mais dans la réalité, l'argent obtenu vaut déjà beaucoup moins, puisqu'une bonne partie de la richesse a été détruite durant la grève.  
  
          Et ce qui n'a pas été physiquement détruit est détruit au niveau mental. Les gens productifs se disent qu'ils feraient mieux de changer d'attitude en s'adaptant un peu plus aux fonctionnaires: moins de travail, plus de revenu! Les victimes sont le peuple entier, mais à court terme, les groupes de pression tirent leur épingle du jeu en dépensant de l'argent « frais » avant que l'inflation n'ait fait grimper les prix partout. 
  
          L'euro vient encore compliquer l'équation. À présent, la destruction de capital n'est plus limitée à un taux spécifique de manipulation monétaire d'un seul État, mais la pire politique économique va s'imposer au reste des membres de l'euro. 
  
          L'Allemagne, en ce moment, se rapproche dangereusement d'un état comparable à l'Argentine, tout comme la France, d'ailleurs. Sauf qu'elle cache mieux l'étendue des dégâts. On a plus l'habitude de jongler en France qu'en Allemagne pour se cacher la vérité dans un exercice de double-pensée orwellien.  
              « Pendant des dizaines d'années on a enfoncé dans le cerveau des hommes cette idée que le groupement des travailleurs en syndicats est une chose nécessaire [...] que dans les grèves le droit est toujours du côté des grévistes [...] La génération qui a grandi au cours des dernières décades a appris depuis son enfance que le devoir social le plus important était l'adhésion à une organisation syndicale; elle a été habituée à considérer la grève comme une action sainte, une sorte de fête sociale consacrée. [...] Mais une chose est certaine, une société qui voudrait réaliser le syndicalisme en se conformant aux conceptions qui ont cours aujourd'hui serait condamnée à se désagréger dans les plus brefs délais. » (Ludwig von Mises, Le socialisme)
  
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