Montréal, 21 décembre 2002  /  No 116  
 
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Yvon Dionne est retraité. Économiste de formation (Université de Montréal), il a travaillé à la Banque du Canada (11 ans) puis pour « notre » État du Québec (beaucoup trop longtemps: 20 ans). On peut lire ses textes sur sa page personnelle.
 
CE QUE J'EN PENSE
 
LA LÉGISLATION SUR LES ARMES À FEU: INUTILE, SCÉLÉRATE, INAPPLICABLE ET COÛTEUSE
(Deuxième partie)
 
par Yvon Dionne
  
<< Début (1ère partie)  
  
2. Une loi scélérate 
 
          Pour justifier la loi C-68, le contrôle des armes à feu est souvent comparé au permis de conduire et à l'immatriculation d'une automobile. La multiplication des permis dans tous les domaines n'est en réalité qu'une restriction au droit de propriété (restriction justifiée par toutes les prétentions au bien commun); ces permis sont aussi une taxe permettant de financer le contrôle (le champ des activités qui deviennent des privilèges, assortis de conditions et de pénalités, s'élargit constamment).
 
          Parmi les causes externes de décès, les décès dus à des véhicules à moteur se classent en deuxième, après les suicides. La plupart de ces morts dites accidentelles sont réellement dues à la négligence et nous remarquons de plus en plus de cas de suicides au moyen d'une automobile. Voyons maintenant quelques différences majeures entre le permis de conduire et le permis d'armes à feu, ce qui nous permettra de voir en quoi la loi C-68 est plus scélérate que le Code de la route. 
  
• Le renouvellement du permis de conduire est presque automatique, même si le formulaire (qui tient sur une carte postale) pose des questions sur l'état de santé. Cependant, malheur à vous si, mu par la franchise, vous répondez oui à une des questions car vous venez de déclencher tout un processus d'enquête... Mais en cochant les cases de la bonne façon, il est possible d'obtenir ce permis en ayant les deux bras et les deux jambes amputées! Au contraire du permis d'armes à feu, vous n'avez donc pas à remplir à tous les cinq ans un long questionnaire qui vous demande, par exemple, si vous avez perdu votre emploi, si vous avez subi un traitement à la suite d'une dépression, si vous avez vécu un divorce, une séparation, etc., et qui exige que deux personnes attestent que vous dites la vérité. Si votre conjoint ou ex-conjoint ne signe pas le formulaire de permis d'armes à feu (PPA), il ou elle recevra un appel de la police. 
 
• Il est curieux que, dans ce questionnaire pour l'obtention du permis d'armes à feu, la police demande si vous avez été reconnu coupable d'une infraction au Code criminel et si vous êtes visé par une ordonnance d'interdiction de posséder des armes à feu. Curieux, car ce sont précisément les deux seuls points que la police devrait elle-même vérifier, sans poser la question. Veut-elle nous piéger, pour nous incriminer, car une fausse réponse est un acte criminel? 
 
• Il est aussi possible, légalement..., de posséder une automobile sans détenir un permis de conduire, quoique ce soit rarissime (dans ce cas, l'automobile est immatriculée au nom du propriétaire, même s'il n'a pas de permis de conduire); par contre, la possession d'une arme à feu sans permis est, depuis le 1er janvier 2001, une infraction au Code criminel (maximum cinq ans: art. 91 du Code). 
 
• Vous perdez le droit de posséder vos armes à feu (même si elles sont enregistrées) si vous ne renouvelez pas le permis à son échéance. Vous n'aurez alors d'autre choix que de les vendre à une personne qui détient un permis (il y a à ce moment une zone floue où vous êtes en situation d'illégalité), les remettre à la police, ou les déclarer volées... 
 
• La simple possession d'une arme non enregistrée (après le 31 décembre 2002), même si vous détenez un permis, est elle aussi visée par l'art. 91 du Code criminel. L'article 91, tel que libellé, oblige aussi un chasseur à avoir en mains à la fois son permis et le certificat d'enregistrement de l'arme. C'est sur le chasseur que repose le fardeau de la preuve, à défaut de quoi il sera emprisonné et son arme saisie et même confisquée (art. 117). S'il s'agit d'une carte plastifiée, malheur à vous si vous l'oubliez à la maison ou si vous la perdez au cours d'une excursion de chasse! L'agent du tyran n'a pas à consulter le registre pour constater une infraction. 
  
• Les soi-disant certificats d'enregistrement sont soit des étiquettes que vous pouvez coller sur l'arme à feu (gare aux intempéries), soit des cartes plastifiées, et elles ne portent pas le nom du propriétaire. Comment dire que le fusil n'a pas été volé? 
 
• L'article 92 reprend l'article 91, mais en doublant la peine lorsque l'infraction est délibérée, c'est-à-dire quand la personne est présumée savoir qu'elle ne détient pas le permis et le certificat d'enregistrement. Comment peut-on juger que quelqu'un sait ou ne sait pas qu'il commet une infraction, en particulier lorsqu'il s'agit d'une première infraction? À ce sujet, l'art. 92 du Code criminel réfère à l'art. 112 de la Loi sur les armes à feu. Or ce dernier article stipule simplement ce que dit l'art. 92: que le propriétaire d'une arme à feu doit en détenir le certificat d'enregistrement... et que « dans toute poursuite intentée dans le cadre du présent article, c'est au défendeur qu'il incombe de prouver qu'une personne est titulaire d'un certificat d'enregistrement ». De nouveau, à quoi peut bien servir le registre si la loi ne l'admet pas comme preuve? C'est le règne de l'arbitraire. 
 
• Le paragraphe 5 des articles 91 et 92 fait toutefois exception, pour ce qui est du certificat d'enregistrement, d'une arme prétendument empruntée « afin de subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille ». Ce paragraphe se retrouve dans plusieurs articles et exempte en particulier les Autochtones dont le taux de suicide et d'homicide est le plus élevé. 
 
• Il n'est pas obligatoire de garer son automobile dans un endroit verrouillé et de vider le contenu du réservoir...; une arme à feu non entreposée selon le règlement rend son propriétaire passible de deux ans d'emprisonnement selon l'article 86 du Code criminel! Si vous avez un fusil dans un coin de la chambre à coucher et que la gâchette n'est pas verrouillée par un dispositif, c'est en effet un acte criminel selon l'article 8 du Règlement sur l'entreposage, même si le fusil n'est pas chargé. Bienvenus les criminels! 
 
• Vous pouvez conduire une automobile sur un terrain privé sans qu'elle soit immatriculée. Par contre la possession d'une arme non enregistrée pour la chasse sur votre terrain vous expose à dix ans d'emprisonnement. 
 
• Sauf pour les automobiles ayant servi à perpétrer des actes criminels, il n'y a pas de confiscation. Les armes à feu peuvent être confisquées, et tous les permis avec, sans compensation, si la police croit qu'il y a des motifs raisonnables (une notion élastique) de croire que vous êtes coupable d'un délit. 
 
• La simple possession, sans les papiers requis, d'une arme à feu en vue de la céder (par la vente ou autrement) est un acte criminel selon l'art. 100 (maximum dix ans, minimum un an). Avis aux administrateurs d'une succession! 
 
• L'art. 117 du Code criminel accorde aux policiers des pouvoirs de perquisition et de saisie sans mandat sur la simple foi qu'« il existe des motifs raisonnables » de le faire, en tout lieu, sauf une maison d'habitation; dans ce dernier cas, les policiers doivent obtenir l'autorisation de l'occupant avant de procéder à une inspection (armes à feu, fichiers d'ordinateur, etc.); s'il y a refus, ou « des motifs raisonnables de croire que tel sera le cas », ils doivent obtenir un mandat (art. 104 de la Loi sur les armes à feu). Toutefois, si les policiers ont des motifs raisonnables de croire qu'il y a plus de dix armes à feu et qu'il y a infraction, ou qu'il y a urgence, la « visite » peut être faite sans mandat. Autrement dit, la loi soumet les propriétaires d'armes à feu aux motifs raisonnables imaginés par les policiers. 
 
• Le pouvoir de réglementation dévolu au ministre (le gouverneur en conseil) par l'art. 117 de la Loi sur les armes à feu est très étendu: types d'armes prohibées, à autorisation restreinte, entreposage, conditions des permis et leur coût, etc. C'est aussi le ministre qui détermine si l'inobservance de l'un ou l'autre des règlements est une infraction au Code criminel. 
 
          Cette législation ne ressemble donc en rien au Code de la route. Elle n'aura d'autre effet que de criminaliser de nombreux propriétaires d'armes à feu, la majorité étant des chasseurs, pour l'unique raison qu'ils ne se sont pas soumis aux multiples procédures imposées par la loi. Faut-il alors s'étonner que cette législation s'accompagne d'autant de résistance? 
 
     « L'aspect sans doute le plus scélérat de cette législation est le sort qu'elle réserve aux victimes d'actes criminels. La légitime défense n'est pas prohibée, mais l'État lui enlève le moyen le plus efficace, face aux criminels. Le seul moyen de défense des victimes: composer 9-1-1... »
 
          Mais l'aspect sans doute le plus scélérat de cette législation est le sort qu'elle réserve aux victimes d'actes criminels. La légitime défense n'est pas prohibée, mais l'État lui enlève le moyen le plus efficace, face aux criminels. L'État se réserve graduellement le monopole de la sécurité alors qu'il ne peut en pratique l'assurer que lorsque, généralement, il est trop tard. Un bel exemple qui illustre ce qui précède est le double meurtre de personnes âgées commis récemment à Val-des-Monts (dans l'ouest du Québec) par deux assaillants, dont au moins un était connu des policiers. Le seul moyen de défense des victimes: composer 9-1-1... 
 
          Une question qui se pose ici est de savoir si l'État peut être tenu criminellement responsable du fait qu'il oblige les victimes à être sans défense (même le poivre de Cayenne est une arme prohibée)? En principe, la réponse est oui, mais en pratique l'État se protège mieux que les victimes. C'est néanmoins une négation de l'article 7 de la Charte des droits et libertés: « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. » Je tiens à préciser que je ne parle pas de l'État comme d'un être impersonnel; cet appareil (payé par nous) est au contraire l'instrument de personnes, de groupes de pression, de profiteurs, qui sont bien réels, et qui devraient être tenus personnellement responsables de leurs politiques. 
 
3. Une loi inapplicable 
 
          En pratique, le seul moyen qu'aurait le tyran de s'assurer que tous se conforment à la Loi sur les armes à feu serait d'effectuer des fouilles dans tous les domiciles et autres cachettes possibles; même si ce n'est pas impensable, c'est improbable. Il va toujours manquer les vrais criminels au registre des armes à feu... Les vrais criminels s'exemptent des procédures du CCAF, bien qu'à l'occasion ils aient pu obtenir un permis et des armes enregistrées en leur nom (ceci a été démontré cette année lors d'un procès des Hells Angels). Ils n'ont pas l'habitude de commettre un crime avec une arme enregistrée en leur nom et s'ils le font, ce sera avec un fusil dont le canon est lisse et ne laisse pas de rayures sur la balle (slug), évitant ainsi l'identification de l'arme qui a été utilisée... Ceux qui ont concocté cette législation ont-ils réfléchi un instant au fait qu'une arme à feu n'a pas la taille d'une automobile?  

 
          Un des arguments les plus probants contre la loi actuelle est le bilan du registre des armes de poing créé en 1934. La GRC elle-même estimait qu'il y a au bas mot autant d'armes de poing non enregistrées qu'il y en a qui le sont (Rapport de la GRC, 1999: 1,15 million d'armes à autorisation restreinte). Même les dossiers du CCAF comprennent une marge d'erreur élevée quant aux armes de poing enregistrées. C'est ce que révèle le député Garry Breitkreuz, selon des renseignements qu'il a obtenus via la Loi sur l'accès à l'information(17). Le 11 juillet 2002, le ministère de la Justice avait dans ses dossiers 429 316 propriétaires d'armes à autorisation restreinte; au cours de l'été 389 939 avis ont été mis à la poste pour leur rappeler (c'est déjà 39 000 en moins) qu'ils doivent ré-enregistrer ces armes avant le 1er janvier; au 18 novembre, le ministère comptait 11 801 retours de courrier. Il a donc perdu la trace d'au moins 3% des propriétaires. Comment les policiers pourront-ils se fier à un registre d'armes de chasse quand le registre d'armes de poing n'est lui-même aucunement fiable après 68 ans? 
 
          En 1995, le gouvernement estimait à 3,5 millions le nombre de propriétaires d'armes à feu. Selon un sondage effectué à l'automne 2001 (mais diffusé seulement en août 2002), le CCAF a fait chuter ce nombre à 2,3 millions, soit une baisse de 1,2 million en cinq ans. Le CCAF présente en effet un estimé fait par sondage, tant pour le nombre de propriétaires que le nombre d'armes: comment peut-on supposer que tous les répondants au sondage ont réellement dit la vérité quand ils savent que la possession d'une arme à feu sans les papiers requis est un acte criminel? 
 
          En octobre 2002, le nombre de permis émis par le CCAF totalisait 1,9 million, dont près de 500 000 au Québec (voir Garry Breitkreuz). Il en manque donc 400 000 selon les chiffres officiels (2,3 moins 1,9). Outre que le chiffre officiel est sous-estimé, ce 400 000 est déjà énorme car le permis est obligatoire depuis le 1er janvier 2001! Le communiqué de presse du CCAF daté du 20 août 2002 dit que « 2,1 millions de particuliers sont désormais inscrits dans la base de données. » alors que le chiffre dévoilé par Garry Breitkreuz, en date du 19 octobre (soit deux mois plus tard), qui provient du ministère de la Justice, montre 1,9 million. Qui dit vrai? Le CCAF ou le ministère de la Justice seraient-ils perdus dans leur paperasse? 
 
          Avant le sondage fait à l'automne 2001, le CCAF évaluait à 7 millions le nombre total d'armes à feu (toutes catégories). Au dernier sondage, le CCAF l'a haussé à 7,9 millions, dont 5,3 millions étaient enregistrées le 7 décembre (mais sans le nom du propriétaire!). Rappelons que l'échéance est le 31 décembre pour ne pas être un criminel... Une enquête de Statistique Canada en 1974 dénombrait 11,2 millions d'armes à feu au Canada. À ce chiffre, il faudrait ajouter les importations de 1975 à aujourd'hui (légales ou en contrebande), ajouter la production canadienne, soustraire les exportations (minimes), soustraire les destructions (minimes), et on obtiendrait un total qui serait au minimum le double du montant estimé par sondage par le CCAF! 
 
          La question de la fin de cette partie: à quoi et à qui pourra bien servir le registre des armes à feu?  
 
4. Une loi coûteuse 
 
          Après les « révélations » de la Vérificatrice générale sur le coût exorbitant du programme de contrôle des armes à feu, les partisans des contrôles ont attribué le coût élevé (mais prévisible et annoncé depuis 1995) au retrait de plusieurs provinces (cinq ont refusé d'appliquer la loi) et à la résistance des propriétaires d'armes à feu. Remarquons que ce coût ne comprend pas les dépenses assumées par d'autres ministères et organismes. Pour ce qui est du coût d'une résistance tout à fait prévisible, justifiée et légitime, il faudrait départager ce dernier de celui de l'embonpoint administratif et des complexités dues à l'application de la loi. 
  
• Dans son rapport, la Vérificatrice générale indique que « Les coûts assumés par les organismes provinciaux et territoriaux pour appliquer la loi ne seront pas déclarés non plus. Il en va de même pour les frais qu'ont dû supporter les propriétaires, les clubs, les fabricants, les vendeurs, ainsi que les importateurs et exportateurs d'armes à feu, pour se conformer à la loi. »(18) Mme Fraser a oublié l'impact négatif sur la chasse en tant qu'activité économique, entre autres pour ce qui est du tourisme composé de chasseurs venant de l'étranger et qui sont une source importante de revenus pour les pourvoiries. Une réglementation excessive explique aussi l'escalade des coûts: « Le Ministère [de la Justice] considère que cette réglementation excessive résulte de l'attitude de certains de ses partenaires qui estiment que: l'utilisation d'une arme à feu constitue en soi une activité "louche" [N.B.] qui nécessite des contrôles rigoureux; il n'y a lieu de tolérer aucun écart par rapport à la Loi sur les armes à feu. »(19) Voilà que la chasse est considérée comme une activité « louche »! L'information fournie par le Ministère « ne présentait pas fidèlement les coûts du programme pour le gouvernement. » 
 
« We have provided our estimate of the cost of implementing universal registration over the next five years. We say that it will cost $85 million. We encourage the members opposite to examine our estimates. We are confident we will demonstrate that the figures are realistic and accurate. » (Allan Rock, en février 1995, alors qu'il était ministre de la Justice.) Au 31 mars 2003, le coût cumulatif du CCAF depuis sa création en 1996 sera de 875 M $, soit 450 $ pour chaque propriétaire détenant un permis. C'est environ le double du coût annuel de la Sûreté du Québec. Et ceci n'est qu'un coût minimal, puisqu'il est incomplet. Le professeur Gary Mauser de l'Université Simon Fraser estime que le coût pourrait atteindre 2 milliards $ en 2005. « We don't know how much this fiasco will eventually cost but if it is allowed to continue on the same path, the bill could easily reach $2 billion by 2005. »(20) 
 
• Le 3 décembre dernier, l'actuel ministre de la Justice, Martin Cauchon, a déclaré que la hausse des tarifs imposés aux propriétaires d'armes à feu et aux commerçants est la solution au coût exorbitant dénoncé par la Vérificatrice générale, même si cette législation est rejetée par la grande majorité des propriétaires d'armes à feu. Telle est la récompense de l'État pour la soumission. Ceux qui ont mordu à l'hameçon en pensant faire leur « devoir de citoyen » auront sans doute des remords, et un sentiment de révolte, car la possession d'une arme à feu atteindra des coûts prohibitifs en raison de la nécessité d'obtenir un permis à tous les cinq ans, pour l'achat ou la vente d'une arme à feu. 
 
• Le gouvernement du Parti québécois n'a jamais dévoilé le coût assumé par le Québec pour l'administration de C-68. À ma connaissance, aucun des deux partis d'opposition à l'Assemblée nationale n'a eu la curiosité de lui poser la question. 
 
• Plus de 500 000 armes de poing sont devenues prohibées avec la loi C-68, sans compensation. Des armuriers et des vendeurs, en raison du coût de la réglementation, ont dû fermer boutique ou ont cessé de vendre des armes de chasse et des munitions. Il y a moins de clubs de tir. Le registre va servir notamment à identifier les types d'armes que le gouvernement entend prohiber à l'avenir (les armes prohibées sont définies par règlement). Les prochaines cibles seront probablement tous les fusils ou carabines de chasse semi-automatiques, qui servent entre autres à la chasse aux oiseaux migrateurs, ainsi que les armes de poing non encore prohibées utilisées dans les clubs de tir. Une des revendications des anti-armes à feu a trait à un entreposage centralisé, contrôlé par la police à l'entrée et à la sortie. Ceci annonce la mort de la chasse comme activité sportive. 
 
• À court terme, il ne peut y avoir qu'une hausse de la criminalité reliée à la possession illégale d'armes à feu, bien qu'il s'agisse d'une criminalité créée artificiellement par l'État. Plus de criminels selon la loi, pas nécessairement selon la justice. Il faut s'attendre aussi à une augmentation du braconnage. Les anti-armes à feu ne font pas non plus état de ces nombreux crimes commis contre des gens qui n'ont d'autre défense que de signaler le 9-1-1. Quel en est le coût? 
 
          Le 4 décembre, en réaction au rapport de la Vérificatrice générale, le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe a réitéré son appui à C-68. Il s'est seulement objecté à la publicité commandée par le CCAF à des amis du Parti libéral du Canada... Et pourtant, il y aurait beaucoup de choses à contester. La législation sur les armes à feu viole de nombreux droits fondamentaux: droit de propriété(21), droit à la liberté et à la sécurité (art. 7 de la Charte), droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives (art. 8), droit à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraires (art. 9).  
  
          La portée de ces droits est toutefois laissée à l'interprétation des juges de la Cour suprême (nommés unilatéralement par le premier ministre); selon l'article 1 de la Charte, ces droits « ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans les limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. » Voilà une notion qui permet de justifier toute intervention étatique. Néanmoins, le fardeau de la preuve revient aux défenseurs de la législation sur les armes à feu et cette justification n'a jamais été faite malgré les prétentions des juges de la Cour suprême dans leur jugement du 15 juin 2000. 
 
Conclusion  
 
          La législation canadienne sur les armes à feu ne peut pas être recyclée, en y ajoutant quelques amendements. Dans ses fondements mêmes, elle s'inspire d'une idéologie totalitaire. Ses auteurs l'ont voulue ainsi: assommer les propriétaires d'armes à feu de nombreuses exigences, les provoquer, criminaliser toute désobéissance à ces exigences, instaurer un climat de surveillance et de méfiance. 
  
          Cette loi doit donc être abrogée. Ses dispositions positives (entreposage sécuritaire, sécurité dans le maniement des armes) ne requièrent aucune législation. Les services de police devraient plutôt s'attarder, à un coût moindre et avec l'espérance d'obtenir plus de résultats, aux vrais criminels et au suivi de ceux qui sont sous une ordonnance d'interdiction de posséder des armes à feu. L'abrogation de la législation sur les armes à feu ne peut conduire qu'à un comportement plus responsable de la part des propriétaires en général, des parents (quand il y a des enfants et des adolescents à la maison), à une vigilance accrue et un suivi de la part des proches dans le cas des personnes suicidaires. L'usage non criminel d'une arme à feu est une affaire de culture, non pas de législation. Ces comportements ne s'imposent pas. 
 
          « Il importe de retrouver et de porter à de nouveaux sommets notre dignité et notre liberté, non pas comme privilège étatique mais comme propriété individuelle pour laquelle nous sommes prêts à nous battre. »(22) (Pierre Lemieux, 2001.) 
 
<< Début (1ère partie) 
 
  
17. « RCMP and Justice have lost track of 11 801 owners of registered handguns ».  >>
18. Rapport de la Vérificatrice générale du Canada, Décembre 2002, Chapitre 10, p.7.  >>
19. Ibid., p. 16.  >>
20. Source: « Massive Cost Overruns in the Gun Registry Completely Predictable », Institut Fraser. Le Prof. Gary Mauser est l'auteur de « Misfire: Firearm Registration in Canada » (Institut Fraser, 2001).  >>
21. Le droit de propriété n'est pas reconnu explicitement par la Constitution canadienne. Toutefois il n'est pas non plus explicitement exclu car, selon l'article 26 de la Charte: « Le fait que la présente charte garantit certains droits et libertés ne constitue pas une négation des autres droits ou libertés qui existent au Canada. » La question est donc de savoir si le droit de propriété existe au Canada...  >>
22. Pierre Lemieux, dans Confessions d'un coureur des bois hors-la-loi, Éditions Varia. 2001. p. 152.  >>
 
 
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