Montréal, 1er février 2003  /  No 118  
 
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MOT POUR MOT
 
BIG BROTHER RÉSIDE À OTTAWA
  
 
          Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, George Radwanski, rendait public son Rapport annuel au Parlement 2001-2002 le 29 janvier 2003. Dans un communiqué, M. Radwanski lançait un « avertissement formel et pressant » à l'effet duquel le gouvernement fédéral est en voie d'anéantir les droits essentiels à la vie privée et des aspects importants de la liberté que nous connaissons. 
  
          Voici les principales mises en garde émises par le Commissaire:
 
 
          « Le gouvernement utilise les événements du 11 septembre comme excuse pour justifier de nouvelles collectes et utilisations de renseignements personnels sur nous tous, les Canadiens et Canadiennes. Ces mesures ne peuvent justifier les besoins de la lutte contre le terrorisme et, par le fait même, n'ont pas leur place dans une société libre et démocratique. »  
  
          « J'aimerais souligner, d'entrée de jeu, que je n'ai jamais, en aucune circonstance, soulevé d'objections fondées sur la protection de la vie privée relativement à la moindre mesure de protection contre le terrorisme... Je me suis opposé uniquement à l'élargissement des soi-disant mesures anti-terroristes pour servir d'autres buts qui n'ont absolument rien à voir avec la lutte contre le terrorisme, ou à des atteintes à la vie privée dont la pertinence ou la nécessité n'ont nullement pu être démontrées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Et pourtant, le gouvernement continue de faire la sourde oreille. »  
  
          « Je parle plus précisément de la nouvelle base de données sur les voyageurs, du style Big Brother, de l'Agence des douanes et du revenu du Canada; des dispositions de l'article 4.82 du projet de loi C-17; des pouvoirs sérieusement accrus de l'État relativement à la surveillance de nos communications, tels qu'ils sont décrits dans le document de consultation "Accès légal"; de la carte d'identité nationale comportant des identificateurs biométriques que propose le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Denis Coderre; et de l'appui du gouvernement à une mesure qui établira un précédent en matière de surveillance vidéo des voies publiques par la GRC. »  
  
          « La base de données de l'ADRC fait entrer en scène la création de dossiers de renseignements personnels sur tous les citoyens respectueux de la loi pour un large éventail de sujets d'enquête. L'article 4.82 du projet de loi C-17 exige, pour la première fois, l'auto-identification obligatoire de facto à la police à des fins d'application générale de la loi. Le document "Accès légal" prône la surveillance généralisée de nos activités de communication et de nos habitudes de lecture. Une carte d'identité nationale nous ferait perdre le droit à l'anonymat dans notre quotidien. La surveillance vidéo par la GRC n'est ni plus ni moins qu'une observation systématique, par la police, des citoyens vaquant à leurs occupations légitimes sur les voies publiques. »  
  
          « Maintenant, je dois informer le Parlement que, de toute évidence, le mépris du gouvernement pour des droits à la vie privée d'une importance cruciale ne s'affiche plus seulement que dans des cas isolés, il devient systématique. Le droit fondamental de chaque Canadien et Canadienne est donc profondément compromis. Cette tendance doit être renversée sans délai. »  
  
     « Malheureusement, ce gouvernement a perdu tout repère moral en ce qui concerne le droit fondamental de la personne à la vie privée. »
 
          « La situation est d'autant plus inquiétante que le gouvernement fait tout cela à découvert, au mépris flagrant et répété des préoccupations qu'il est de mon devoir d'exprimer en tant que haut fonctionnaire du Parlement chargé de superviser et de défendre les droits à la vie privée de tous les Canadiens et Canadiennes... Si le gouvernement peut, en toute impunité et sans susciter de réaction vigoureuse de la part du Parlement, rejeter du revers de la main les mises en garde du Commissaire à la protection de la vie privée et faire ce que bon lui semble, alors la protection de la vie privée dans notre pays sera progressivement dépouillée de son sens et des incursions de plus en plus graves dans la vie privée deviendront inévitables. »  
  
          « Malheureusement, ce gouvernement a perdu tout repère moral en ce qui concerne le droit fondamental de la personne à la vie privée. »  
  
          « Si quelqu'un s'immisçait dans notre vie privée, que ce soit en pénétrant dans notre foyer, en fouillant dans les effets personnels de notre bureau, en lisant par-dessus notre épaule dans l'autobus ou dans l'avion, ou en écoutant nos conversations, nous nous sentirions mal à l'aise, voire violés. Imaginez, donc, comment nous nous sentirions s'il devenait coutumier que les bureaucrates, les agents de police et d'autres représentants de l'État se mêlent de tous les détails de nos vies: où et quand nous voyageons, et avec qui; qui sont les amis et connaissances avec lesquels nous avons des conversations téléphoniques ou échangeons des messages électroniques; ce que nous lisons et les sujets sur lesquels nous effectuons des recherches; où nous aimons aller et ce que nous aimons faire. »  
  
          « Nous nous faisons souvent dire: "Si vous n'avez rien à cacher, vous n'avez rien à craindre." Si nous acceptons ce raisonnement, bien sûr, il nous importera peu que la police puisse pénétrer dans nos maisons à n'importe quel moment juste pour y jeter un coup d'oeil, que toutes nos conversations téléphoniques soient surveillées, que tout notre courrier soit lu, que toutes les protections que nous avons élaborées au fil des siècles soient balayées. Entre ce résultat et les mesures portant atteinte à la vie privée déjà mises en œuvre ou envisagées, il n'y a qu'un pas. »  
  
          « Nous devons prendre garde de devenir la proie de l'illusion que l'érosion en bloc du droit à la vie privée est un moyen raisonnable, nécessaire ou efficace d'accroître la sécurité. Nous devons nous protéger contre la tendance qu'a démontré le gouvernement de créer de nouvelles bases de données transgressant le droit à la vie privée en s'appuyant sur la nécessité légitime et exceptionnelle d'accroître la sécurité, puis de tenter d'utiliser ces renseignements pour toute une gamme d'autres objectifs d'application de la loi ou d'ordre public qui n'ont rien à voir avec la lutte contre le terrorisme – tout simplement parce qu'ils existent. Nous devons aussi nous prémunir contre l'empressement des organes d'application de la loi et autres organismes de l'État à se servir de la réaction au 11 septembre comme d'un cheval de Troie pour acquérir de nouveaux pouvoirs envahissants ou abolir les mesures de protection établies tout simplement parce que cela fait leur affaire. »  
  
          « Même avec l'aide et le soutien de mes collègues provinciaux et territoriaux, des autres défenseurs de la vie privée et des nombreux membres sérieux de la presse – à tous ceux dont je suis profondément reconnaissant – en ma qualité d'ombudsman, je n'ai pas le pouvoir d'arrêter les attaques sans précédent du gouvernement sur la protection de la vie privée. Ce pouvoir, seuls l'insistance du Parlement et les protestations du public peuvent l'exercer. J'espère sincèrement que ce pouvoir sera exercé de toute urgence. »  
 
 
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