Montréal, 15 mars 2003  /  No 121
 
 
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Martin Masse est directeur du QL. La page du directeur.
 
 
ÉDITORIAL
 
ÉLECTIONS: OÙ FAIRE SON X?
 
par Martin Masse
 
 
          La campagne électorale pour l’élection d’un prochain gouvernement provincial vient de commencer. Loin d’être une période d’excitation et d’effervescence politique, elle constitue pour les libertariens le moment où se concentrent toute l’irrationalité et l’immoralité de l’étatisme démocratique. Les « promesses » qui sont l’élément central de cette farce visent en effet essentiellement une chose: faire croire au plus grand nombre d’électeurs possibles qu’ils pourront retirer des bénéfices de la gestion d'un nouveau gouvernement, sans avoir à en payer les coûts. 
 
          Comme l'a écrit l'économiste français Frédéric Bastiat, « l'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. » 
  
          Au 2e jour de la campagne, Bernard Landry a une nouvelle fois montré, s’il en était encore besoin, à quel point l’exercice de la démocratie majoritarienne mène à la tyrannie. Le premier ministre a promis que si son gouvernement obtenait un 3e mandat, il allait forcer les entreprises à être plus « flexibles » en permettant aux jeunes parents qui le désirent de réduire leur semaine de travail, avec réduction proportionnelle de salaire mais sans perte de leurs avantages sociaux. C’est, dans le jargon péquiste, un plan de « conciliation travail-famille » 
  
          Évidemment, cette flexibilité implique des coûts pour les entreprises et pour tous les autres travailleurs qui devront écoper pour subventionner les choix de ces jeunes parents. De nombreuses entreprises ont déjà de tels programmes pour leurs employés, lorsque cela est dans l’intérêt mutuel de chacune des parties. Mais les apparatchiks du Parti québécois ont décidé qu’il y aurait plus de votes à gagner qu’à perdre en promettant une « loi-cadre », c’est-à-dire une mesure coercitive pour imposer ces programmes partout selon des règles bureaucratiques. 
  
Couteau sur la gorge 
  
          Désirant rallier entreprises et syndicats à ce projet, Landry a alors déclaré: « Nous ne voulons pas mettre le couteau sur la gorge de personne, mais nous voulons que tout le monde sache dans la société québécoise que nous avons décidé d’être solidaires. » (La Presse, 14 mars) Irrationnel et immoral, disais-je.  
  
          L’adjectif solidaire signifie entre autres: « Se dit de personnes qui répondent en commun l’une pour l’autre d’une même chose; qui se sentent liées par une responsabilité et des intérêts communs. » Si je suis solidaire avec quelqu’un, ou avec un groupe de personnes, si je me sens lié à eux par une responsabilité et des intérêts communs, je serai spontanément amené à agir pour les aider ou pour répondre à leurs besoins, dans la mesure de mes moyens. La solidarité ne se décrète pas, elle ne s’impose pas. Elle se ressent et s’exprime volontairement.  
  
     « Cette vermine politicienne n’exprime strictement aucune solidarité, individuelle ou sociale. Ce qui est en jeu, c’est sa volonté bien égoïste de sauvegarder son pouvoir en soudoyant une partie de la population avec l’argent des autres, et en se servant de la force si nécessaire pour arriver à ses fins. »
  
          Le premier ministre affirme pourtant que son parti et son gouvernement ont « décidé » pour nous tous d’être solidaires. Il veut que tout le monde le sache. Et il menace du même souffle de recourir à la force pour imposer cette « solidarité » si jamais des groupes sont réticents à en payer le prix. Si tout le monde, s’exprimant collectivement par la voix de l’État, avait toutefois réellement décidé d’être plus solidaire avec les jeunes familles en se sacrifiant de cette façon, cela se ferait volontairement et dans l’allégresse. Pourquoi alors nous annoncer ce que nous avons collectivement décidé? Pourquoi parler de couteau sur la gorge?  
 
          Parce qu’évidemment, tout ce discours n’est qu’une mascarade mal montée. Une mascarade irrationnelle, parce qu’on tente de nous faire croire que les intérêts individuels divergents de plus de sept millions d’individus peuvent se fondre miraculeusement dans le corps mystique de l’État, celui-ci devenant alors l’incarnation de la volonté du peuple. Une mascarade immorale, parce que cette vermine politicienne n’exprime strictement aucune solidarité, individuelle ou sociale. Ce qui est en jeu, c’est sa volonté bien égoïste de sauvegarder son pouvoir en soudoyant une partie de la population avec l’argent des autres, et en se servant de la force si nécessaire pour arriver à ses fins.  
 
          La volonté collective n’existe pas. Dans notre système de gouvernement, certains groupes organisés, représentant les intérêts communs de certains individus, réussissent à s’approprier le pouvoir de l’État et à imposer leur volonté sur d’autres groupes organisés et sur l’ensemble des payeurs de taxe non organisés. La solidarité n’existe en fait qu’à l’intérieur de ces groupes. Mais pour légitimer ce système de parasitisme à grande échelle, les sociaux-démocrates qui nous gouvernent sont passés maîtres dans l’art de discourir sur la « solidarité sociale » qui unirait l’ensemble du peuple.  
  
          Cette corruption morale et intellectuelle découle de l’idée qu’un gouvernement détenant son pouvoir d’une majorité peut légitimement imposer ce qu’il veut, même le vol et la violation des droits fondamentaux, parce que toutes ses décisions résultent d’une « volonté démocratique » 
  
          Dans une société libre, nous n’aurions pas besoin de choisir entre différentes programmes nous offrant des façons variées de nous voler le produit de notre travail. Le Droit, protégeant la propriété de chacun et les relations volontaires de coopération entre les individus, suffirait pour maintenir l’harmonie sociale. La véritable solidarité s’exprimerait spontanément, par les choix et les actions individuelles plutôt que par la coercition étatique.  
  
          Aussi longtemps que nous nous laisserons tromper par cette mascarade, l’exploitation des citoyens productifs par les parasites se poursuivra. Au lieu de faire un X pour choisir les moins pires parmi la vermine politicienne le jour du vote, pourquoi ne pas plutôt faire une croix sur la politique elle-même?  
 
  
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