Montréal, 22 novembre 2003  /  No 133  
 
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André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.
 
ÉTHIQUE LIBERTARIENNE
 
LES ORIGINES DE LA MONNAIE *
 
par André Dorais
  
 
          Dans un régime purement socialiste, où la propriété privée aurait été abolie, l'argent ne serait pas nécessaire. Au contraire, dans un monde où la propriété est respectée, l'échange est facilité par l'argent. Plus une société se développe, plus la division du travail se complexifie. Du troc on passe à l'échange indirect à l'aide d'un moyen d'échange, c'est-à-dire une monnaie, de l'argent. 
 
          À travers le temps, certaines ressources naturelles ont été choisies comme monnaie, car elles facilitaient l'échange. Les ressources les plus monnayables, c'est-à-dire les plus populaires, pour des raisons telles que leur durabilité, leur divisibilité en pièces homogènes et leur capacité à maintenir leur valeur, ont fini par être considérées comme moyens d'échange. Comme le résume Ludwig von Mises: « L'argent est le plus monnayable des biens que les gens acceptent, car ils désirent l'offrir subséquemment lors d'échange impersonnel. » (Human Action, p. 401, traduction libre) 
  
          L'argent facilite les transactions de crédit, c'est-à-dire l'échange de biens présents contre des biens futurs nécessairement incertains. Il sert également de transmetteur de valeur, car il peut être thésaurisé. Si l'homme pouvait prédire l'avenir il détiendrait les biens qui maximiseraient ses choix, mais comme il en est incapable il se contente de thésauriser la monnaie. 
  
          L'argent transmet la valeur, mais ne la mesure pas. C'est que la valeur est subjective et il est donc impossible de la mesurer objectivement. On peut ordonner les valeurs, mais on ne peut pas les mesurer.  
  
          Essayez donc de mesurer objectivement vos sentiments, avec des « unités d'amour », lorsque votre blonde vous demande: m'aimes-tu plus que ton ex? C'est la même chose avec l'argent. Dans le langage de tous les jours vous dites peut-être, en pointant du doigt un objet, qu'il vaut 100 $, mais en réalité il n'est pas question de valeur, plutôt d'un montant d'argent que le marchand vous demande pour l'objet en question. Cette distinction peut vous sembler pointilleuse, mais elle n'en demeure pas moins cruciale. L'argent mesure des prix, mais ne mesure pas des valeurs car celles-ci sont subjectives. Pour comprendre la monnaie il faut d'abord comprendre que la valeur économique est subjective.  
  
          On peut ainsi dire que l'action humaine est un processus d'échange. Vous agissez pour substituer à un état un autre plus satisfaisant. Ce faisant vous ne mesurez pas, vous comparez. Pour Mises, les problèmes référant à des mesures ne constituent pas des problèmes économiques. 
  
Quatre types de monnaies 
  
          Mises définit quatre types de monnaies: les pièces de métaux de base (les tokens), la monnaie fabriquée à partir de métaux précieux, le crédit et les substituts légaux. La monnaie métallique (faite de métaux précieux) est le moyen d'échange déterminé librement par le marché, soit une ressource faite monnaie. Le substitut est un reçu légal pour la monnaie métallique; il se présente sous forme de certificats ou de billets bancaires et est censé être encaissable en totalité sur demande. On peut donc qualifier ledit substitut de promesse de payer immédiatement. 
  
          Lorsqu'il y a davantage de substituts qu'il y a de monnaie métallique Mises qualifie les reçus excédants de « monnaie fiduciaire ». Remarquez qu'il n'y a aucun moyen pratique de distinguer les certificats (reçus légitimes) de la monnaie fiduciaire (reçus illégitimes). 
  
     « L'argent mesure des prix, mais ne mesure pas des valeurs car celles-ci sont subjectives. Pour comprendre la monnaie il faut d'abord comprendre que la valeur économique est subjective. »
 
          Le crédit est une réclamation contre une personne physique ou légale. Ces réclamations ne sont pas encaissables sur demande et par conséquent ne sont pas entièrement sécuritaires. On peut donc parler du crédit comme étant une promesse de payer à une date ultérieure. Nous avons donc les promesses de payer immédiate et ultérieure, la monnaie métallique, qui n'est pas une promesse de payer et qui se présente sous forme de pièces ou de lingots et les tokens 
  
          La monnaie est donc un moyen d'échange choisi librement. Au cours des âges, l'homme libre a fait de l'or et de l'argent métallique ses principaux moyens d'échange. Cependant, si certains hommes sont capables du meilleur, d'autres sont capables du pire. Ces derniers comprennent mal la liberté et par conséquent ils en ont peur, d'où leur besoin d'imposer aux autres leurs diktats. Ils ont rejeté la monnaie métallique pour imposer le papier-monnaie auquel ils assignent une valeur arbitraire.  
  
          Aujourd'hui, le commun des mortels ne réalise pas que la source de la monnaie est dans la valeur attribuée par ses ancêtres à une ressource que ceux-ci considéraient utile, pratique et des plus avantageuses pour échanger biens et services. Il a été endoctriné par les hommes de l'État. Ainsi, il croit que le papier-monnaie possède la valeur que l'État lui attribue.  
  
          Or, la loi des prix, nous dit Mises, n'est pas subordonnée à l'État, puisque comme tout agent moral l'État doit se plier à la loi de l'offre et la demande. Ce n'est pas en légiférant que l'État peut se prémunir d'une loi économique. Ainsi, pendant des siècles la valeur d'une monnaie n'était rien d'autre que son poids et sa qualité. Lorsque l'État a décrété un prix pour la monnaie, toutes les pièces de plus grande valeur sont disparues du marché, car les gens ne voulaient pas perdre au change. Au contraire, les pièces de moindre valeur ont continué à servir de moyen d'échange. Si avant ladite intervention législative le marché utilisait l'or et l'argent métallique, après l'intervention les individus n'utilisaient plus, du moins au grand jour, que la monnaie sous-évaluée. La monnaie forte était soit thésaurisée, soit utilisée dans un marché plus juste, c'est-à-dire au « noir ». Ces conséquences sont également connues d'après l'auteur qui les a formulées, soit sous le nom de « loi de Gresham ». 
  
          Les hommes de l'État n'en sont pas à une bêtise près. Ils ont non seulement fait disparaître du marché les substituts légitimes (les certificats d'or), mais l'or elle-même. Cependant, la loi de Gresham s'applique toujours. En créant du crédit sans se soucier d'une contrepartie métallique l'État réduit le pouvoir d'achat de la monnaie.  
  
          Dans un premier temps, l'État a empêché les individus d'échanger leurs certificats ou billets bancaires contre la monnaie métallique. Il s'agissait donc d'un bris de contrat par le gouvernement. Après avoir crée des reçus illégitimes (monnaie fiduciaire), l'État déclarait que ce crédit nouvellement crée était de valeur égale aux certificats précédemment émis. Cependant, une valeur décrétée n'a de valeur que le nom. Si une monnaie ne cesse de se dévaluer, les gens finiront par l'abandonner. 
  
          L'État peut décréter des prix entre différentes monnaies, mais comme pour toutes les tentatives de contrôle des prix, il en résulte soit des surplus, soit des pénuries. Seul un marché libre des interventions gouvernementales peut s'assurer de maintenir le pouvoir d'achat d'une monnaie. Le monopole d'État sur la monnaie est une violation des droits de propriété et d'échange. Qui plus est, les conséquences pourraient s'avérer désastreuses si on le maintient. 
 
 
* Il s’agit d’un résumé personnalisé de la 1ère partie de Mises on Money par Gary North. 
 
 
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