Montréal, 15 juin 2004  /  No 143  
 
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Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de Thatcher à l'Elysée (éditions Odilon Média).
Page personnelle
 
OPINION
 
IL NE FAUT PAS RÉFORMER L’ÉTAT,
IL FAUT LE DÉGRAISSER
 
par Michel de Poncins
  
  
          «Bercy remet à plat l’informatique de l’État.» Ce titre des journaux reflète sans doute un énième scandale dans l’histoire tumultueuse des tentatives publiques d’informatisation de l’État. 
  
          L’État, en effet, vient d’annuler un début de contrat en vue de l’informatisation de ses services. Ce devait être un système géant s’appliquant à toute la dépense publique: le rêve communiste en quelque sorte. Déjà à la belle époque de l’État soviétique, les apparatchiks avaient espéré sauver leur entreprise en utilisant l’informatique de l’Ouest pour bâtir une immense machinerie de direction de l’économie: ils avaient oublié tout simplement que l’informatique était le fruit de la liberté et non de la contrainte.
 
           La dernière tentative française, qui a donc du plomb dans l’aile, devait s’inscrire dans l’application de la «LOLF» ou «Loi organique relative aux lois de finances». Les professionnels auraient dû se méfier, car l’arrivée d’un nouveau sigle aussi obscur est bien le signe que rien ne va marcher. 
 
          La bataille était formidable entre les grands groupes avec probablement un zeste de corruption ici ou là. Le projet aurait pu conduire à supprimer 4 000 emplois, ce qui pour les chefs syndicalistes n’est guère acceptable. Le pouvoir a reculé aussi devant l’incertitude juridique: nous avons déjà dit que le pouvoir ne manoeuvre plus aucun levier tant les galaxies d’usines à gaz sont complexes. 
 
          Il y a un ministre à la fonction publique et à la réforme de l’État, et, en plus, un secrétaire d’État à la réforme de l’État. On ne peut imaginer d’autres actions que des batailles homériques entre services avec destruction de tout travail utile. Tout le monde sait, en fait, que l’État français par son obésité phénoménal n’est pas plus réformable que ne l’était l’État soviétique auquel il ressemble tant et qui a fini par s’écrouler. 
 
          Mais dès lors que l’on prétend vouloir réformer, on lance des chimères successives qui renforcent l’étatisme car elles font croire qu’il peut être amélioré, et celle de l’informatisation en est une qui offre l’avantage pour ses promoteurs de faire moderne. Il est question d’informatiser toute l’administration et même de la mettre sur le réseau Internet! Merveille, les citoyens pourront remplir leurs multiples formalités sur leurs ordinateurs, ce qui ne supprimera aucune formalité. Voilà ce qui est justement en train de s’écrouler par la «remise à plat». 
 
          Une structure spéciale avait été créée par Raffarin II: l’Agence de l’administration électronique, nouveau mammouth. Elle ne fait pas beaucoup parler d’elle à cette occasion. Au risque donc, une fois de plus, d’aller contre l’opinion courante et de surprendre, on peut affirmer que cette chimère est une nouvelle source de ruine; à supposer que ce puisse être un succès, hypothèse parfaitement improbable, la chimère n’aurait aucun effet pratique dès lors que l’on ne veut supprimer aucun fonctionnaire. 
 
     «Tout le monde sait, en fait, que l’État français par son obésité phénoménal n’est pas plus réformable que ne l’était l’État soviétique auquel il ressemble tant et qui a fini par s’écrouler.»
 
          Les structures administratives sont contradictoires, inefficaces, de ce fait somnolentes; les vrais contrôles en sont absents et il n’y a pas de culture véritable du travail bien fait. Les chefs syndicalistes sont embusqués au coin de chaque couloir et personne ne sait qui dirige vraiment. Plaquer l’informatisation générale sur un tel désordre ne pourra jamais donner rien de bon. 
 
          D’ores et déjà, le plus complet fouillis à la française règne dans les équipements informatiques des administrations tels qu’ils sont. Un seul exemple: au ministère des Finances, 18 sites Internet ont été développés sans aucune cohérence entre eux, malgré leur proximité géographique à Bercy. Et pourtant le bâtiment est rempli d’énarques «que le monde entier nous envie». 
 
L'informatique à l'école 
  
          Rappelons aussi la triste histoire de l’informatique à l’école. Un plan d'informatique pour tous à l’école avait été mis en place vers 1987. Un nombre respectable de milliards avait été englouti; quant aux ordinateurs, ils sont aujourd’hui dans un coin, quand ils n’ont pas été récupérés pour usage privé. 
 
          En 1997, rebelote. La plus haute autorité de l'État a décrit, personnellement, la déroute de l'école puisqu'il fut avoué tout tranquillement que beaucoup de Français ne savaient pas lire, ce dont les politiques sont eux-mêmes responsables. Que proposait-on pour corriger? Il suffit de citer: «Je veux que, pour l'an 2000, tous les établissements d'enseignement secondaire soient connectés au réseau.» Na et na! Et l’illettrisme à présent continue de plus belle! 
 
          Rappelons aussi la carte vitale qui devait «sauver la sécurité sociale». Des millions de feuilles de soins ont été supprimées sans qu’un seul employé soit économisé! 
 
          La mairie de Paris, célèbre mammouth, est entrée dans la danse. Il y a une adjointe au Maire chargée des nouvelles technologies, Danielle Auffray, et elle a regretté qu’un Parisien sur deux n’a pas Internet: horreur! On va donc leur donner à boire de force. «Il faut inventer» et on a créé avec l’argent public 29 «parvis» (cela voudrait dire: Paris ville numérique). En fait on concurrence ainsi les cybercafés gérés par des privés, ce qui est évidemment intolérable. Un des projets, énoncé sans rire, est de donner la possibilité d’inscrire les enfants à la cantine ou au tennis par Internet et dans le concert de louanges ce projet est signalé comme un «progrès majeur». 
 
          Réformer l’État obèse en le modernisant est une tâche impossible. Un vrai pouvoir de droite rendrait la liberté au peuple français en supprimant un grand nombre de tâches étatiques avec suppression des administrations et des impôts correspondants. Alors les tâches restantes dans un État amaigri pourraient être améliorées avec de solutions adaptées à chaque cas et conduites avec prudence. L’informatique pourrait, comme dans le privé, devenir un atout essentiel. 
  
  
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