Montréal, 15 juillet 2004  /  No 144  
 
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André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.
Page personnelle
 
 
ÉTHIQUE LIBERTARIENNE
 
L’ARGENT: MÉTAL ET MONNAIE
 
par André Dorais
  
  
          Avant que l’homme ne lui découvre des qualités, l’argent métallique n’était qu’une simple ressource naturelle ayant peu d’utilité. Ses diverses expériences avec le métal lui ont permis de l’apprécier davantage jusqu’à l’accepter comme moyen d’échange, c’est-à-dire comme monnaie. L’argent métallique a servi de monnaie pendant des siècles, voire des millénaires. Ce n’est que tout récemment qu’on l’a remplacé par une monnaie de papier. Les gouvernements n’en sont pas à leur première expérience avec de la monnaie fiduciaire, mais toujours ils ont dû revenir au métal, car on ne détruit pas une loi économique par la législation. 
 
L’argent comme marchandise 
  
          Une ressource naturelle disponible en quantité limitée peut trouver, grâce à l’ingéniosité humaine, des applications illimitées. À l'inverse, l’abondance d’une ressource naturelle ne la rend pas utile pour autant. Bien que le pétrole, l’aluminium, le radium et l’uranium soient présents sous terre depuis des millions d’années, ces ressources ne sont utilisables économiquement que depuis à peine 150 ans. Ce n’est donc pas la rareté ou l’abondance en soi qui donne de la valeur à la ressource, mais son utilité en combinaison avec sa disponibilité et son accessibilité.  
  
          Il n’en va pas autrement de l’argent métallique. Au moins trois secteurs d’activités l’utilisent: photographie, joaillerie/argenterie et électrique/électronique. À l’exception du pétrole, l’argent métallique est la marchandise qui possède le plus d’applications industrielles. Il est nécessaire aux films, rayons X et imagerie médicale. Malgré l’avènement du digital en photographie il ne faut pas croire à la disparition de l’argent pour autant. Les films 35mm sont devenus plus abordables, par conséquent plus utilisés notamment dans les pays en voie de développement.  
  
          On se sert de l'argent comme biocide dans les salles de bains et autres lieux propices aux germes; comme super conducteur dans la construction de trains suspendus de façon magnétique; comme catalyseur pour transférer la chaleur et la lumière et de plus en plus dans le matériel électrique et électronique. Notons que dans la très grande majorité de ses applications l’argent ne constitue qu’une infime partie du produit fini, ce qui rend la demande peu sensible à une augmentation de prix.  
  
          La demande d’argent est telle que les producteurs ne peuvent fournir. Sa production est déficitaire depuis quinze ans. La différence est comblée, en partie, par la récupération, notamment des films recyclés. Bien que l’argent soit pratiquement indestructible il n’est que partiellement récupérable. L’argent est donc consommé. Malgré cela, son prix a été maintenu artificiellement bas notamment grâce à des «contrats à termes» (de vente) contrôlés par une poignée de firmes. Cela est possible pour quelques raisons: la petitesse du marché, les fausses idées véhiculées à son sujet (abondance et inutilité du métal) et un certain laxisme réglementaire relativement aux autres marchés. Bien que les gouvernements aiment la réglementation, ils préfèrent la réglementation qui fait leur affaire(1) 
  
          Un autre facteur qui maintient bas le prix de l’argent est une pseudo location du métal par quelques firmes. Celles-ci empruntent le métal auprès des rares banques centrales qui en détiennent encore un peu, pour ensuite le vendre. En principe, le métal doit être retourné à qui de droit, mais étant donné que les gouvernements n’ont jamais été des plus soucieux de leurs actifs ils laissent faire. Quand bien même les banques centrales demanderaient leur dû elles ne pourraient en récupérer qu’une partie, car cet argent a été consommé par l’industrie. Si elles exigeaient le retour du métal lui-même, son prix s’enflammerait, ce qui n’est pas nécessairement dans leur intérêt. Elles ont donc l'habitude de chercher des ententes négociées. 
  
          Selon quelques analyses, dont celle de la Commodity Futures Trading Commission (organisme de réglementation américain), l’inventaire disponible d’argent est réduit à l’équivalent de six moins de consommation(2). À cause du bas prix de l’argent, de nouvelles technologies qui permettraient une augmentation marquée de production semble improbable.  
  
          Ainsi, nous avons une importante réduction des stocks, une demande plus grande que l’offre et des industriels qui risquent de commencer à accumuler le métal pour s’assurer de ne pas en manquer. Ces raisons devraient suffire pour prédire une hausse du prix de l’argent, mais vous pouvez également compter sur l’aide empoisonnée des gouvernements qui dévaluent leur monnaie, poussant ainsi les gens à se réfugier dans les métaux précieux pour ne pas perdre leur pouvoir d’achat.  
  
L’argent métallique comme moyen d’échange 
  
          Le métal blanc n’est pas uniquement l'objet d’une demande industrielle, mais également comme monnaie. Au même titre que l’or l’argent a de tout temps servi de monnaie, car il possède les qualités qui lui permettent de jouer ce rôle. Il est malléable, divisible, durable, rare, facile à entreposer et à transporter et maintient sa valeur. Ces qualités font de l’argent métallique un meilleur candidat, au titre de monnaie, que l’argent de papier ayant cours légal.  
  
     «L’argent métallique constitue une menace pour les gouvernements, d’où l’intérêt qu’ils ont à le dénigrer et à tenter d’en réduire le rôle quitte à ce que cela se fasse en privilégiant les uns au détriment des autres.»
 
          L’argent fiduciaire perd continuellement de sa valeur d’échange, car il est créé à volonté par les gouvernements. Pour cette raison, l’argent métallique constitue une menace pour les gouvernements, d’où l’intérêt qu’ils ont à le dénigrer et à tenter d’en réduire le rôle quitte à ce que cela se fasse en privilégiant les uns au détriment des autres. Cependant, si l’argent de métal constitue une menace pour les gouvernements il n’en est pas une pour l’homme, de sorte que nous avons intérêt à reprendre le contrôle de la monnaie. Tant que nous leur laisserons ce pouvoir ils nous refileront la facture.  
  
          Voyez comment les étatistes accusent les spéculateurs, notamment les cambistes, d’être la cause des crises monétaires, alors que ces derniers doivent leur existence à la monnaie fiduciaire imposée par leurs accusateurs! Dans un régime de liberté où la monnaie est métallique, les spéculations sur la valeur de la monnaie sont inexistantes, car celle-ci se mesure au poids. Le ridicule ne tue peut-être pas, mais si nous lui confions le pouvoir il nous rend tous plus pauvres.  
  
          La création massive de monnaie au cours des trente dernières années a réduit considérablement le pouvoir d’achat des gens. Si plusieurs ont pu profiter des conséquences de cette inflation dans différents marchés, d’autres, de plus en plus nombreux, en payent le prix. Cette perte de pouvoir d’achat amènera de plus en plus de gens à échanger leur monnaie fiduciaire pour de l’argent de métal qui, bien qu’il ne porte pas intérêt, possède l’énorme avantage de ne pas perdre de sa valeur.  
  
          Les gouvernements ont de tout temps tenté de réduire le rôle du métal comme monnaie, mais jamais ils n’y sont parvenus pour une période prolongée et toujours avec des résultats catastrophiques. Ils empêchent le peuple de l’utiliser comme moyen d’échange, mais continuent de l’entreposer dans leur banque centrale. Ils nous demandent notre confiance quant à la monnaie fiduciaire qu’ils émettent, mais sont incapables de se faire confiance entre eux. Cependant, il n’y a pas qu’imposture de leur part, mais également ignorance. Octroyer le pouvoir à un ignorant n’en constitue pas moins une grave erreur. Cela ne signifie pas qu’il faut confier le pouvoir à celui qui prétend savoir; il faut plutôt ne pas le confier du tout.  
  
          Un retour à une monnaie métallique est peut être plus près que l'on pense, car les conséquences de la création massive de monnaie fiduciaire lors des trente dernières années ne pourront être cachées longtemps sous le tapis. 
  
La monnaie fiduciaire comme moyen d’échange 
 
          Le graphique ci-dessous indique la masse monétaire créée aux États-Unis depuis 1960. La masse monétaire au Canada, en Europe et au Japon croît sensiblement au même rythme. Les États-Unis ne sont donc pas les seuls coupables d’inflation. La différence notoire entre ces monnaies réside dans le fait que le dollar américain est utilisé partout dans le monde comme moyen d’échange. 
  
  
          La monnaie fiduciaire crée une illusion de richesse, mais un endettement réel. Les détenteurs étrangers de la dette américaine accumulent les dollars à leur risques et périls, car celui-ci se dévalue à vue d’oeil. Les gouvernements pensent contrer ce mal en dévaluant leur propre monnaie, mais ils ne font que jeter de l’huile sur le feu. Ils croient que l’alternative de cesser d’acheter le billet vert est pire encore. À cet égard, peut-être ont-ils raison dans la mesure où ils rendraient alors ce mal plus apparent.  
  
          Les conséquences de l’inflation sont nombreuses et ne frappent pas tout le monde également. Si quelques-uns en profitent le temps de constater une hausse des prix de leurs actifs, la majorité finit par être touchée d’une manière ou d’une autre. Il y aura toujours des gens qui seront moins affectés que d’autres par l’inflation, mais plus grandes seront sa durée et son ampleur, moins de gens elle épargnera et plus graves seront ses conséquences. Or, la création de monnaie fiduciaire depuis l’abandon de l’étalon-or, et cela presque partout dans le monde, est parmi les plus importantes de l’histoire. 
  
          Dans pareille circonstance, les gouvernements dévaluent leur monnaie. Une intervention monétaire ratisse large et entraîne rapidement d’autres interventions. Nous assistons alors à une hausse des subventions, accusations et représailles. L’homme de l’État a tendance à se servir de tous les pouvoirs à sa disponibilité pour se sortir de l’impasse. La guerre n’est jamais exclue. L’utilisation de monnaie fiduciaire ne constitue aucunement un moindre mal. Au contraire, il s’agit d’un pouvoir de plus, et non le moindre, entre les mains de quelques-uns. 
  
          Un des moyens de recouvrer la liberté perdue par la constante dévaluation de la monnaie fiduciaire est de récupérer la monnaie métallique qui a jadis été confisquée par les hommes de l’État. Il est même possible qu’un gouvernement donne l’exemple en faisant de l’argent métallique la monnaie officielle. Cela ne manquerait pas de créer des remous à l’échelle mondiale, mais pourrait également avoir un effet domino. La Chine, le Mexique, voire toute l’Amérique du Sud pourraient revenir à l’argent métallique comme moyen d’échange, tandis que d’autres pays pourraient choisir l’or. Le choix du métal a moins d’importance que la substitution du métal à la «monnaie de crédit».  
  
          Scénario impossible me dites-vous? Les gouvernements ont toujours dévalués leur monnaie d’une manière ou d’une autre et jamais une monnaie fiduciaire n’a survécu. Étant donné que tous les hommes d’État cherchent à garder le pouvoir ils n’auront d’autre choix que d’envisager un retour à une monnaie métallique lorsqu'ils verront que c'est la seule solution à la catastrophe économique. On ne se débarrasse pas de l’or et de l’argent métallique à coup de lois. Ces métaux précieux ont agi à titre de monnaies durant des millénaires et les gouvernements ne peuvent en disposer à leur guise.  
  
          En conclusion, du strict point de vue industriel l’argent métallique semble à deux doigts d’exploser étant donné une réduction importante des stocks et une demande qui ne cesse de croître. Ajoutez à cela l’insouciance et la prodigalité des hommes de l’État et vous avez de bonnes raisons de croire que l’argent à 5$ l’once est chose du passé. Étant donné cet horizon économique, un retour à une monnaie métallique, telle l’argent, est souhaitable dans les plus brefs délais.  
  
  
1. Au lieu de laxisme réglementaire Ted Butler parle plutôt de manipulation du marché de l’argent. Il s’agit d’un point de vue sujet à débats, mais Butler n’en demeure pas moins incontournable pour la compréhension de l’argent métallique. Voir www.investmentrarities.com/tb-archives.html. On peut également se faire une bonne idée dudit marché en scrutant les commentaires de David Morgan (www.silver-investor.com) et de Jim Puplava (www.financialsense.com).  >>
2. Voir www.investmentrarities.com/05-17-04.html>>
  
 
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