Montréal, 15 juillet 2004  /  No 144  
 
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Christian Michel est propriétaire du site Liberalia.
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PHILOSOPHIE LIBERTARIENNE
  
MARIAGE, PACS,... DE QUOI JE ME MÊLE?
 
par Christian Michel
  
 
          Quand une législation manifeste ses effets pervers, les hommes de l’État ne font pas ce qui serait logique: l’abolir. Ils ajoutent au contraire une nouvelle couche de lois aux contradictions de la première. Un bon exemple nous a été donné récemment en France avec l’introduction du PACS, le Pacte civil de solidarité(1). Cette excroissance juridique a reçu une volée de critiques, mais ses détracteurs se sont trompés de cible. Ce n’est pas la loi sur le PACS qu’il fallait dénoncer, mais toute la législation sur le mariage.
 
Cadre juridique imposé 
  
          Si l’archaïque Code Civil n’existait pas, il n’y aurait pas besoin d’une loi pour le corriger, et les adversaires du PACS seraient satisfaits. Ses partisans aussi, car chacun serait alors libre de choisir avec son partenaire le cadre juridique de leur vie commune. 
 
          Supprimer la législation sur le mariage ne veut pas dire liquider l’institution du mariage. Loin de là. De tous temps, les êtres humains ont sacralisé les serments d’amour, et l’immense majorité de ceux qui s’aiment souhaiteront toujours prendre la société à témoin de leur engagement. Toujours soucieux de faire briller leur pouvoir en administrant la pompe des cérémonies, les hommes de l’État laïc ont simplement récupéré à leur profit l’administration des mariages autrefois dévolue aux prêtres. 
 
          Comment se pratique le mariage dans une société d’hommes libres? Les adultes ne s’y déchargent pas sur les hommes de l’État du soin de régler leur vie privée. Les futurs conjoints établissent tout seuls comme des grands les règles de leur union: ils décident si elle doit être à vie ou pour un temps limité, comment ils partageront les tâches domestiques et les revenus financiers, comment ils vivront la fidélité et les relations avec les tiers, quelle éducation donner à leurs enfants, et ils prévoient les dispositions à prendre en fin de contrat, que ce soit à la suite d’un décès, d’une dénonciation unilatérale ou d’un commun accord.  
  
          La sagesse reconnue de certaines clauses adoptées par d’autres couples, le conseil des proches ou d’un juriste, aident les candidats à la vie commune à se donner de bonnes lois. Ils pourront toujours renégocier les termes de leur union (ce que ne permet pas le rigide Code Civil), mais si l’un d’entre eux se plaint que le contrat est violé, il appartient aux juges (ou aux arbitres, si les parties ont préféré s’en remettre à la décision de parents ou d’amis de confiance) de considérer les termes de l’accord et de trancher. Ah, bien sûr, peu importe que de tels pactes soient entre deux ou plusieurs personnes du même sexe ou de sexe opposé. 
  
     «Par définition, une société de liberté est celle où tous les actes entre adultes consentants sont valides. Si des amoureux souhaitent donner le nom de "mariage" à leur accord, et même le faire sanctionner par une institution religieuse, qui d’autre est-ce que ça regarde?»
 
          Si les fiancés appartiennent à une église instituée, leur démarche est plus facile. Les ministres du culte tiennent à leur disposition des contrats-type, auxquels les fiancés peuvent apporter des aménagements particuliers sans altérer l’essentiel. Ainsi, les contrats de mariage de l’église catholique prévoient l’indissolubilité et ceux des musulmans la polygamie.  
  
L'invention toujours permise 
 
          Puisque le pacte d’union est opposable aux tiers (aux créanciers, aux bailleurs d’un logement…), il est probable que certains contrats-type s’imposeront comme des normes (par exemple, ceux des grandes associations de juristes, des églises, des communautés homosexuelles, etc.). 
  
          Mais l’invention reste toujours permise aux conjoints. Par définition, une société de liberté est celle où tous les actes entre adultes consentants sont valides. Si des amoureux souhaitent donner le nom de «mariage» à leur accord, et même le faire sanctionner par une institution religieuse, qui d’autre est-ce que ça regarde? 
  
          Cet engagement de gens qui s’aiment définissant le cadre juridique de leur vie commune est un acte grave et beau. Mais voilà, nous ne vivons pas dans une société de liberté. Les hommes de l’État n’ont aucune envie de nous laisser gérer nos relations et que nous devenions par là plus conscients de notre autonomie. Le pouvoir combattra toutes les mesures susceptibles de responsabiliser les citoyens. 
  
          L’ardeur juridique des hommes de l’État employée à légiférer sur le PACS cache aussi un problème de gros sous. Il s’agit de protéger le racket des «foyers fiscaux» et celui sur les droits de succession. Mais certains parlementaires, curieusement, arguent que les futurs conjoints n’ont pas tous assez de jugement pour souscrire à des contrats d’union et qu’il faut protéger les faibles contre eux-mêmes. 
  
          Chers parlementaires, veuillez nous définir les critères par lesquels on peut repérer «les faibles» dans la population et «ceux qui ont assez de jugement et doivent décider pour les autres». Cette objection que tout le monde n’a pas la maturité pour se lier par un contrat d’union n’est pas recevable justement de la part de parlementaires. Si les électeurs sont censés avoir assez de jugement pour dire qui doit gouverner le pays, ils doivent bien en posséder assez pour se gouverner eux-mêmes.  
  
          Qu’est-ce qu’un parlementaire, un roi, ou «les autres» ont à voir dans les relations d’adultes consentants, qui ne font de mal à personne? Mariage, PACS…, il faut rétorquer aux hommes de l’État: «De quoi je me mêle?!!» 
  
 
1. Le PACS est un contrat conclu entre deux personnes majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. Il crée des droits et obligations pour les partenaires, notamment «une aide mutuelle et matérielle». (Source: Ministère français des Affaires étrangères)  >>
  
 
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