Montréal, 15 août 2004  /  No 145  
 
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MOT POUR MOT
 
CRTC vs CHOI-FM: LES PLAINTES
  
  
          Le 13 juillet dernier, on apprenait que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) refusait la demande présentée par Genex Communications inc. en vue de renouveler la licence de radiodiffusion de la station de radio commerciale de langue française CHOI-FM à Québec. Voici, de la Décision de radiodiffusion CRTC 2004-271, quelques-unes des plaintes déposées.
 
Plaintes relatives au contenu verbal de CHOI-FM   
  
Conformité à l’article 3b) du Règlement  
  
48. Il y a infraction à l’article 3b) du Règlement lorsque les propos diffusés comprennent les trois éléments suivants: 
    1- Les propos sont offensants. 
    2- Les propos offensants, pris dans leur contexte, risquent d’exposer une personne ou un groupe de personnes à la haine ou au mépris. 
    3- Les propos offensants visent la personne ou le groupe de personnes pour des motifs fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge ou la déficience physique ou mentale.
Plainte de M. François-Pierre Gauvin du 8 mai 2003 
  
49. Dans le cadre de commentaires traitant d’une nouvelle concernant les mauvais traitements subis par un patient d’un hôpital psychiatrique, l’animateur Fillion a mentionné ce qui suit à l’antenne de CHOI-FM le 8 mai 2003: «Pourquoi un moment donné on tire pas sa plogue. Non mais il ne mérite pas de vivre. C’est un esti de paquet de troubles pour la société ce bonhomme là.» Quelques minutes plus tard, un intervenant travaillant dans le centre d’hébergement en question a téléphoné à l’animateur et indiqué que l’aile dans laquelle on garde les cas lourds, comme celui faisant l’objet de la discussion, est appelée le «zoo» par les employés du centre. Suite à cet appel, M. Fillion a ajouté: «Moi je pense que dans le zoo on devrait remplir les chambres pis que un moment donné, y a une switch pis que une fois par quatre mois, tu pèses sur le piton pis qui sort rien qu’un petit gaz pis que tu vas là pis tu ramasses ça dans des sacs.» 
  
50. Lorsque questionnée sur cette plainte à l’audience, la titulaire a réitéré la réponse écrite à sa plainte. Elle a refusé d’admettre qu’il y avait un problème avec ces propos et a argumenté qu’il fallait les prendre dans le contexte d’une discussion qui a duré 25 minutes et qui constituait un débat de société. La titulaire a mentionné qu’elle n’était pas d’accord qu’il s’agissait d’une violation du Règlement et que les propos n’exposaient pas du tout les personnes handicapées à la haine ou au mépris. La titulaire a ajouté que les propos étaient prononcés sous forme humoristique et que c’était une caricature exagérée d’une situation pour faire prendre conscience.  
  
51. À la fin de la période d’interrogatoire, lorsque le comité d’audition est revenu sur cette question, la titulaire a concédé au Président du Conseil que ces propos étaient totalement inacceptables et contraires au Règlement mais elle a ajouté qu’elle a tenté de les placer dans un contexte et dans des circonstances qui les rendent «un peu moins pires».  
  
52. À la suite de l’écoute de l’extrait commentant cette nouvelle qui a duré environ une demi-heure entre 7 h et 7 h 35 le 8 mai 2003, le Conseil note que les propos furent mentionnés dans le cadre d’un débat d’opinions sur un sujet d’intérêt public controversé, soit l’euthanasie et la dignité humaine. Les animateurs discutaient notamment des limites à la dignité humaine, de l’euthanasie et des qualités requises pour travailler dans des centres d’hébergement de personnes atteintes de déficience mentale. Le Conseil estime que de tels sujets méritent d’être traités de façon à présenter différents points de vue à la société.  
  
53. Cependant, quoique le débat d’opinions pouvait soulever d’importantes questions d’intérêt public, le Conseil considère les propos de l’animateur offensants, dégradants, irrespectueux et méprisants envers les personnes atteintes de déficience mentale. Le Conseil considère que, pris dans leur contexte, les propos risquaient d’exposer à la haine ou au mépris les personnes atteintes de déficience mentale. Il est même difficile d’imaginer un contexte qui pourrait justifier de tels propos. 
  
54. Pour ces motifs, le Conseil considère que ces propos constituent une violation à l’article 3b) du Règlement. De plus, ces propos sont loin de répondre à l’objectif de haute qualité énoncé dans la Loi [Loi sur la radiodiffusion] et leur diffusion sur les ondes publiques ne constitue pas une programmation qui traduit les valeurs canadiennes. De l’avis du Conseil, le préjudice qui a pu être causé au groupe visé porte atteinte au droit à l’égalité reflété dans la politique canadienne de radiodiffusion et dans la Charte.  
  
55. Ceci est la deuxième plainte de cette nature au dossier de la titulaire. Le Conseil trouve inexcusable le fait qu’il s’agit d’un cas de récidive de la part de la titulaire puisque, dans la décision 2002-189, il avait trouvé la titulaire en violation de ce même article du Règlement lorsqu’elle avait comparé sur les ondes les enfants handicapés à des animaux, en référence à l’affaire Latimer, une cause judiciaire où un père était accusé du meurtre de sa fille handicapée. 
  
Plainte de l’Université Laval reçue le 9 janvier 2004 
  
56. M. André Arthur a mentionné ce qui suit à l’antenne de CHOI-FM le 3 novembre 2003:  
    À part de ça, on est toujours là à se vanter d’être international et d’accueillir à Québec à l’université des étudiants étrangers, notamment de l’Afrique du Nord. L’Université Laval est une des plus grandes universités d’Afrique du Nord.  

    Le problème, c’est qu’on oublie que, en Afrique, dans les pays musulmans et dans les pays d’Afrique Noire, ceux qui sont envoyés à l’étranger pour étudier, c’est les fils des écoeurants, c’est les fils de ceux qui possèdent le pays pour mieux le gouverner. C’est les fils des pilleurs, des cannibales qui dirigent certains pays du Tiers-Monde et qui eux ont les moyens d’envoyer leurs jeunes étudier au Québec si ce n’est de la corruption directe des compagnies désireuses d’avoir accès à des ressources naturelles en Afrique, vont payer des études à Québec pour les fils des écoeurants qui gouvernent ces pays-là.  

    Mais on est toujours fier, à Laval, de l’accueil qu’on fait des étudiants étrangers. On oublie de dire que ces étudiants étrangers-là sont, par définition, sauf exception, les enfants des plus écoeurants dirigeants politiques au monde, les gens qui écrèment leur pays, qui tuent pour prendre le pouvoir et qui torturent pour le garder. Ceux que, au sens de la langue française, on appelle des cannibales, c’est-à-dire des gens d’une extrême cruauté.

57. La titulaire a soutenu qu’il fallait prendre les propos dans leur contexte et que l’animateur avait un «bagage culturel» qui lui permettait d’avancer que ces propos reflétaient la réalité et étaient d’intérêt public. Elle a allégué que ce que l’animateur voulait signifier était une exagération pour que les gens s’interrogent à savoir s’il y a dans nos universités des fils de tyrans, de dictateurs et de meurtriers.  
  
     «Le Conseil trouve inexcusable le fait qu’il s’agit d’un cas de récidive de la part de la titulaire puisque, dans la décision 2002-189, il avait trouvé la titulaire en violation de ce même article du Règlement lorsqu’elle avait comparé sur les ondes les enfants handicapés à des animaux, en référence à l’affaire Latimer, une cause judiciaire où un père était accusé du meurtre de sa fille handicapée.»
  
58. À la fin de la période d’interrogatoire, lorsque le comité d’audition est revenu sur cette question, la titulaire a concédé au Président du Conseil que les propos pourraient aller à l’encontre du Règlement. Par contre, à la suite de l’audience, la titulaire a envoyé un courriel au Conseil le 27 février 2004 qui citait des passages d’un intervenant à l’audience, M. Zylberberg, qui a affirmé, selon la titulaire, avoir eu des étudiants fils de dictateurs dans les cours qu’il a enseignés à l’Université Laval et qu’ainsi, les propos de l’animateur étaient fondés et donc acceptables.  
  
59. Le Conseil note que dans tous ces arguments, la titulaire n’a jamais traité de l’article 3b) du Règlement ou semblé comprendre son objectif. De l’avis du Conseil, il ne s’agit pas de savoir si les propos ont un quelconque fondement mais d’examiner s’ils sont offensants et si, pris dans leur contexte, ils risquent d’exposer les étudiants noirs ou musulmans de l’Université Laval à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur la race, l’origine ethnique, la religion ou la couleur, indépendamment de leur pays d’origine.  
  
60. Le Conseil considère que la titulaire a contrevenu à l’article 3b) du Règlement en diffusant les propos mentionnés ci-haut, qui ne répondent pas en outre à l’objectif de haute qualité mentionné à l’article 3(1)g) de la Loi et ne reflètent pas l’égalité sur le plan des droits et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne, tel qu’énoncé à l’article 3(1)d)(iii). Les propos vont également à l’encontre des valeurs qui sous-tendent les articles 15 et 27 de la Charte. 
  
Plainte de Mme Sophie Chiasson du 28 mai 2003  
  
61. La plaignante est animatrice à la télévision, à l’antenne du réseau de télévision TVA, et chez MétéoMédia et Canal Vie, deux services spécialisés de télévision. Dans sa plainte, elle a allégué que de nombreuses attaques personnelles la visant ont été tenues en ondes lors de l’émission matinale de la titulaire le 10 septembre 2002 et le 8 octobre 2002. À la suite de l’écoute des enregistrements contenant des propos tenus les 10 et 27(1) septembre et le 8 octobre 2002, et à la lecture des notes sténographiques, le Conseil a relevé plusieurs propos à l’endroit de la plaignante reliés à ses attributs physiques, et plus particulièrement sexuels. On fait référence à plusieurs reprises à la grosseur de ses seins, à sa «méchante paire de boules»; et on suggère que «la grosseur du cerveau n’est pas directement proportionnelle à la grosseur de la brassière» et que «dans ce cas-ci c’est peut-être inversement proportionnel, effectivement». Les participants se sont même questionnés quant à la texture des seins de la plaignante et à savoir si on a «parlé au tâteux» et si «ça défie la gravité». Selon l’animateur, «tout est dans les seins» et cette paire de seins-là «fait la job sur Alexandre Daigle», ce qui expliquerait pourquoi l’animateur a dit que ce dernier aurait quitté Sheryl Crow pour la plaignante.  
  
62. Les participants ont également traité la plaignante de «experte de la menterie», «chatte en chaleurs», «sangsue après Alexandre Daigle» et mentionné que «une cruche vide, ça a ben beau avoir des gros seins pis une tite taille pis un tit cul, ça ne fait rien», qu’«il y a plusieurs malades chroniques à MétéoMédia», que «des filles qui ont de l’allure pis qui paraissent ben, c’est toujours des connes», et «qu’un imbécile est capable de faire la météo». Ils ont également mentionné que la plaignante «a fait le tour» et que «c’est en coulisse que ça se passe» et tenu plusieurs propos qui laissent croire qu’elle entretient des relations amoureuses et même sexuelles afin d’obtenir des contrats d’animatrice d’émissions de télévision.  
  
63. En réponse, la titulaire a allégué qu’il s’agissait d’une parenthèse faite dans le cadre d’une émission de «showbizz» qui est toujours faite sous le sceau de l’humour et que le tout était fait sur un ton humoristique et imagé et qu’en ce sens, il ne s’agissait pas d’attaques personnelles. Selon la titulaire, il est permis de critiquer le corps et la présentation d’une présentatrice météo dans le contexte d’un débat public car c’est quelqu’un qui gagne sa vie de cette façon, d’une manière publique.  
  
64. Le Conseil est d’avis que CHOI-FM a délibérément ridiculisé et insulté la plaignante, en diffusant plusieurs propos offensants sur ses attributs physiques sexuels et en prétendant qu’elle est populaire seulement à cause d’eux et qu’elle est autrement dépourvue de talent et d’intelligence. Ces propos ont été diffusés pendant plusieurs minutes, à plusieurs reprises. Ils visaient clairement à dénigrer et à rabaisser la plaignante aux yeux du public.  
  
65. Le Conseil considère que les propos diffusés au sujet de Mme Chiasson étaient offensants et risquaient d’exposer la plaignante, et les femmes en général, au mépris pour des motifs fondés sur le sexe, contrairement à l’article 3b) du Règlement. De plus, l’ensemble de ces propos ne répond pas aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée dans la Loi. L’ensemble des propos n’était pas de la programmation de haute qualité, tel qu’exigé par l’article 3(1)g) de la Loi.  
  
66. Le Conseil considère que de tels propos ne servent pas à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale du Canada, ni à refléter la condition et les aspirations des femmes, notamment sur le plan de l’égalité des femmes, tel qu’exigé par l’article 3(1)d)(iii) de la Loi. Le Conseil rappelle que l’égalité des sexes est une valeur visée par l’article 15 de la Charte et il considère qu’une programmation qui mine très substantiellement cette valeur va à l’encontre des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion et n’est pas digne des ondes publiques. 
  
[...] 
  
Plaintes de Mmes Joncas/Brazeau du 14 avril 2003 et de M. Ricky Arsenault du 3 octobre 2003 
  
84. Le Conseil a également examiné deux autres plaintes soulevant des faits qu’il estime aller à l’encontre du Code de déontologie de CHOI-FM. Il s’agit des plaintes de Mmes Joncas/Brazeau et de M. Ricky Arsenault. 
  
85. Mmes Joncas/Brazeau ont participé, le visage voilé, à un reportage télévisé concernant un «tournoi de golf érotique». Elles y ont mentionné que CHOI-FM avait commandité l’événement. Dans leur plainte, Mmes Joncas/Brazeau ont allégué, entre autres, que l’animateur Fillion avait violé leur vie privée lorsqu’il a réclamé en ondes, de la part des auditeurs de CHOI-FM, des informations personnelles les concernant afin de les retracer et lorsqu’il a, par la suite, divulgué leurs noms et adresses électroniques en ondes.  
  
86. En réponse, la titulaire a allégué que la recherche de commentaires de la part des témoins par l’animateur et le fait de tenter de communiquer avec les plaignantes s’inscrivaient dans une démarche journalistique reconnue. La titulaire a argumenté que le droit à la vie privée des plaignantes a été respecté et qu’en aucun cas les circonstances ne justifiaient que leur visage et identité soient cachés au public.  
  
87. Le Conseil considère que cette utilisation des ondes publiques est abusive et malicieuse et que le comportement de l’animateur Fillion a contrevenu à l’article 3 du Code de déontologie concernant le respect de la vie privée ainsi qu’à l’article 6 de ce même code concernant l’utilisation des ondes à des fins personnelles. 
  
88. La plainte de M. Ricky Arsenault portait sur un concours tenu sur les ondes de CHOI-FM qui incitait les auditeurs à dénoncer en ondes leurs voisins n’entretenant pas convenablement leur terrain et étant «crottés». La titulaire s’était alors rendue chez une famille dénoncée par des auditeurs et avait diffusé en direct de chez elle, sans jamais révéler aux occupants la vraie nature du concours et le fait que les animateurs et des personnes appelant à la station ridiculisaient en même temps leur mode de vie sur les ondes de CHOI-FM.  
  
89. À l’audience, la titulaire a mentionné que lorsqu’elle s’est rendue compte que le concours prenait la forme d’une dénonciation puis que cela pouvait mener à des abus, elle a retiré le concours. La titulaire a néanmoins maintenu que la façon dont cette famille avait été traitée ne constituait pas une atteinte à la vie privée car les employés portaient des vestes identifiées en gros à la station et s’étaient présentés avec un gros camion identifié à la station.  
  
90. Le Conseil estime que la titulaire a enfreint l’article 3 de son Code de déontologie en étalant par le biais d’un subterfuge la vie privée de cette famille en ondes. Dans ce cas, comme dans celui de la plainte de Mmes Joncas/Brazeau, le Conseil note que le droit du public à l’information ou que des personnalités publiques n’étaient pas en cause.
 
 
1. Les rubans témoins incluaient aussi la diffusion de propos tenus lors de l’émission matinale du 27 septembre 2002.  >>
  
 
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