Montréal, 15 octobre 2004  /  No 147  
 
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Carl-Stéphane Huot est gradué en génie mécanique de l'Université Laval à Québec.
Page personnelle
 
SCIENCES, INDUSTRIES ET SOCIÉTÉ
  
PAUVRES, PAUVRES PROFS!
 
par Carl-Stéphane Huot
  
   « C’est la décadence, les enfants n’obéissent plus, le langage s’abîme, les moeurs s’avachissent. »
 
–Chroniqueur de l’Égypte pharaonique, 3000 ans avant J.-C.
  
  
          Une série d’articles présentée comme du journalisme d'enquête, mais qui s'est révélée en fait être une belle propagande en faveur des revendications syndicales des enseignants – qui sont actuellement en négociations pour le renouvellement de leur convention collective – a été publiée fin août dans Le Soleil, l’un des deux quotidiens de la ville de Québec.
 
          On y disait que les professeurs avaient de plus en plus de difficulté à gérer leur classe, dû au fait, selon eux, que les enfants et les adolescents sont de moins en moins disciplinés, autonomes et motivés. Et de pointer du doigt les parents qui ne veulent ou ne peuvent plus collaborer, la société qui n’a plus de morale, l’enfant-roi, les jeux vidéo et autres commodités du même genre pour démontrer à quel point leur tâche mérite un salaire et des avantages sociaux plus élevés. Selon moi, une bonne mise au point s’impose. 
  
D'une génération à l'autre 
 
          Les jeunes de toutes les époques et de tous les pays se ressemblent étrangement, si je me fie à mon chroniqueur égyptien cité ci-haut (pour d’autres citations du même genre, voir: www.adonfff.com). Ils sont revendicateurs, rebelles, critiques, naïfs, sans expérience mais souvent curieux, audacieux et entêtés dans leurs conquêtes d’eux-mêmes et du monde. Cela amène les plus vieux à se sentir plus ou moins agressés par cette jeune génération à laquelle ils ont ressemblé jadis, même s’ils semblent (commodément?) l'avoir oublié. 
  
          Cela mène parfois, peut-être un peu plus souvent qu’autrement dans les classes, à des conflits plus ou moins larvés entre les enseignants et ceux et celles qui sont chargés d’éduquer. Les relations humaines étant ce qu’elles sont, ceux-ci sont inévitables et, s’ils ne dégénèrent pas toujours, il peut arriver que certains élèves et certains enseignants ne soient pas capables de cohabiter, aussi corrects soient-ils l’un et l’autre. 
  
          Un autre point important concerne l’autonomie. Au Québec du moins, on semble tenir pour acquis que tout écolier de 6 ans est capable d’organiser son temps, de gérer ses devoirs et ses leçons, de faire preuve de jugement, d’être parfaitement ordonné, structuré, sage comme une image, bref d’être le parfait petit écolier. Et gare à celui qui ne possédera pas en partant la très grande majorité de ces « qualités » – qui en fait sont des techniques –, il se verra noter comme « ne possédant pas une très grande autonomie » 
  
          Pour être parfaitement exact, il me faut dire que cette notion d’autonomie est particulièrement élastique. Les exigences varient non seulement d’un professeur à l’autre, mais aussi d’un élève à l’autre en fonction de l’intérêt porté à l’élève et de ce que l’on pourrait appeler son coefficient d’emmerdement – soit une sorte de classement selon lequel plus un élève demande d’efforts de la part de l’enseignant, plus ce dernier exige d’autonomie de la part de son jeune. Mon expérience auprès des jeunes enfants hyperactifs et de leur famille (voir: RITALIN & TDAH: PERCEPTION ET RÉALITÉ, le QL, no 102) m’a appris hélas que ces jeunes, qui ont généralement d’énormes problèmes à structurer leurs activités et à mener à terme des tâches assez simples, se retrouvent plus ou moins largués par leur prof vers l’âge de 8 ans au nom du sacro-saint principe d’autonomie. Bref, le prof peut dire sans rire: « Il peut échouer, ce n’est plus mon problème, il n’avait qu’à faire preuve de plus d’autonomie, et anyway, je suis payé pareil. » 
  
     « Ne devrait-on pas enseigner ces techniques dès le plus jeune âge aux enfants plutôt que de les regarder de travers? Je n’ai jamais entendu parler d’enfants nés avec la science infuse. Sauf les problèmes de santé, ils naissent avec les fonctions de base nécessaires à leur survie physique en plus d’une merveilleuse capacité d’imitation. »
 
          À l’autre extrémité, certains programmes universitaires exigent en première session de suivre un cours concernant le b-a-ba de l’organisation scolaire: la prise de notes, l’organisation des leçons et j’en passe. N’y a-t-il pas là une grande incohérence? Ne devrait-on pas enseigner ces techniques dès le plus jeune âge aux enfants plutôt que de les regarder de travers? Je n’ai jamais entendu parler d’enfants nés avec la science infuse. Sauf les problèmes de santé, ils naissent avec les fonctions de base nécessaires à leur survie physique en plus d’une merveilleuse capacité d’imitation. Le reste, soit une partie des valeurs, la culture et les connaissances, devra être appris par la suite avec l'aide des personnes de leur entourage et d’expériences diverses. 
  
L'enfant-roi au pays des profs 
 
          En matière d’enfant-roi et de parents qui ne veulent plus collaborer avec l’école, ou qui soutiennent trop leurs enfants, il y aurait certainement beaucoup à dire, mais je me limiterai à quelques points seulement: il est vrai que certains enfants sont arrogants, mais il ne faut pas oublier que la situation moderne est quand même différente de celle vécue par mon père (né en 1948) ou mon grand-père (né en 1923). N’ayant en général pas vécu ni dans de grandes familles, ni dans la misère, ils ont appris à être plus gourmands parce que leurs parents peuvent leur en donner plus. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que les enfants des professeurs qui crient à l’enfant-roi n’en soient pas eux-mêmes. 
  
          Quant à la partie collaboration, je pourrais retourner le compliment aux écoles, à savoir que dans bon nombre de cas, les parents ont à lutter contre l’école pour obtenir la moindre chose. Signalons que certaines écoles demandent presque aux parents de rester dans le placard sans déranger l’école, jusqu’à ce que l’école ait besoin d’eux… Les parents ayant intérêt à être au garde-à-vous et prêts à obéir au premier coup de sifflet de l’école. 
  
          L’idée voulant que les parents soutiennent trop leurs enfants est loufoque. En effet, si nous ne pouvons pas compter sur les membres de notre famille pour nous soutenir (même si nous avons fait une bêtise), sur qui pouvons-nous compter? Et cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de conséquences après le passage chez le directeur: les parents sont généralement assez finauds pour retarder leurs commentaires de quelques minutes le temps de revenir à la maison, et de laisser alors libre cours à la colère (c’est du moins ce que m’a appris mon expérience d’ancien élève dissipé…). 
  
          Une anecdote en terminant. L’an dernier, ma nièce de 7 ans a un jour remis un travail à ma soeur pour qu'elle le signe. Malheureusement, ma soeur a oublié de le signer avant de le lui remettre. Le lendemain, à cause de l'oubli, la prof a imposé une copie à ma nièce. Bien sûr, ma soeur a refusé que sa fille fasse la copie et est allé expliquer son erreur à la prof. La chicane a alors pris entre ma soeur et la prof, entraînant trois grosses semaines de bouderies de la part de l'enseignante, vexée de ne pas pouvoir faire respecter son droit de copie, en plus d’une interminable série de lettres, téléphones et rencontres. Est-ce cela que l’on appelle TROP soutenir son jeune? 
  
          Rappelons que les enseignant ont deux mois de vacances d’été, un bon salaire et une pension à l’avenant. Bien que certains cas d’enfants à problèmes existent, il ne faut pas prendre le système scolaire et ses intervenants pour des saints. Surtout en période de renouvellement de convention collective, où les « faiseux d’images » du syndicat des enseignants sévissent dans les médias. 
 
  
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