Montréal, 15 octobre 2004  /  No 147  
 
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COURRIER DES LECTEURS / READERS' CORNER
  
LIBERTARIANISME VS SEXE ET DROGUES
  
          C'est tout à fait par hasard que je suis tombé sur l'un des articles de votre site. Votre nom de domaine m'ayant intrigué, je me suis dirigé vers votre page d'accueil à partir de laquelle j'ai lu, d'un bout à l'autre, le texte de Martin Masse intitulé « Qu'est-ce que le libertarianisme ». Je dois admettre que la plupart des préceptes que vous prônez rejoignent mes propres convictions, bien que je ne les ai jamais circonscrites de façon aussi claire que la vôtre. Permettez-moi quelques questions qui m'aideront à déterminer si je souhaite connaître d'avantage votre courant et peut-être m'y impliquer de façon concrète. 
  
1. Vous ne vous opposez à aucune pratique sexuelle. Qu'en est-il des pratiques pouvant avoir un impact défavorable sur les enfants (ou, question plus difficile, sur les « mineurs », au sens légal)? Par exemple, je suis convaincu que vous proscrivez les relations sexuelles faites sous contrainte (ex.: un homme ayant une relation avec un enfant de 4 ans), mais où tracer la ligne dans le cas d'une conduite disons « borderline »? Par exemple, 4 membres d'une même famille qui réussissent à convaincre une (nièce/cousine, etc.) de 15 ans d'avoir une relation sexuelle avec chacun d'eux de façon simultanée? Au-delà de la simple notion de consentement ou de volonté, n'y a-t-il pas des cas où l'État doit intervenir afin d'empêcher certaines pratiques, même si tous les participants y ont supposément consenti? 
  
2. Les mêmes questions se posent quant à la drogue par exemple. Qu'un adulte (au Québec, 18 ans et plus) ait le droit de se détruire en se shootant à l'héroïne, je pourrais peut-être l'accepter (je suspens mon jugement sur cette question). Par contre, que la liberté de commerce et sa propre liberté lui permettre d'en vendre à quelqu'un âgé de 14 ans, il y a un pas que je ne peux franchir. 
  
3. Revenons à la consommation de drogue. Je veux bien que quelqu'un ait le droit de fumer autant de joints de marijuana qu'il le désire, mais je ne crois pas que cette personne devrait être autorisée à conduire en véhicule sous l'influence de cette drogue (ou d'une autre). Bien que la liberté de consommation ne doive pas être complètement prohibée, ne doit-elle pas être encadrée de façon à ce que la sécurité et la quiétude des autres ne soient pas perturbées ni diminuées par celle-ci? 
  
          Je ne pense pas avoir fait le tour des interrogations qui m'animent face à votre courant, mais je suis définitivement curieux d'en savoir plus. 
  
          Salutations, 
  
M.C.
Montréal
 
Réponse de Mickaël Mithra: 
  
Cher Monsieur,  
  
          Les cas que vous invoquez s’inscrivent dans ce que j’appelle « l’argument du risque ». Comme vous le dites fort justement, il n’y a aucune garantie dans un monde sans État pour que des abominations comme celles que vous évoquez ne se produisent pas. On pourrait multiplier les exemples à l’infini. Vous auriez pu également évoquer les possibilités d’abus de la propriété privée (et si le propriétaire de l’unique puit dans un désert refuse de vendre son eau?), du port d’armes (et si un fou mitraille les gens dans le métro à l’heure de pointe?), les risques écologiques (et si un capitaliste sans scrupules pollue les océans?), etc. Tout cela peut arriver. Il peut arriver également des viols, des assassinats, des overdoses de drogue chez les jeunes, etc. 
  
          Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il n’y a aucune raison de croire que l’État soit une solution à ces problèmes. Aucune raison d’aucune sorte. Au contraire, une analyse objective et démystifiée de l’État, d’un point de vue historique (et donc empirique) aussi bien que structurel – de la nature de l’État et ce qui doit en découler –, montre que l’État ne réduit pas les risques, mais que bien au contraire il les augmente massivement et à grande échelle. Avant de revenir plus précisément aux cas que vous invoquez, je voudrais attirer votre attention sur ce qui constitue ordinairement un argument « fort » en faveur de l'État: les États seraient censés empêcher la guerre de « tous contre tous ». Cet argument est symptomatique d'un aveuglement idéologique profond, car enfin il est manifeste pour toute personne de bonne foi que ce sont les États eux-mêmes qui ont toujours provoqué, et qui provoquent aujourd'hui encore, la guerre de « tous contre tous ». Les famines de l'URSS, les bombardements de mégapoles, la boucherie de 14-18, les goulags et les chambres à gaz, etc., sont le fait des États, et non d'individus isolés. 
  
          Mais revenons au cas de la sexualité que vous évoquez. Qu’ont fait les États par le passé? Ils ont réprimé – et répriment encore – des comportements que vous jugez pourtant tout à fait acceptables (relations entre adultes non mariés, relations homosexuelles, etc.), et cela à grande échelle. À d’autres périodes, ils ont généralisé la pédophilie (mariage forcé de fillettes de neuf ans). Il est donc pour le moins stupéfiant d’imaginer que les solutions dans ce domaine puissent provenir d’une intervention de l’État. Encore très récemment, vous avez sans doute entendu parler de cette histoire d’un élève et de son professeur qui ont eu un enfant ensemble: le professeur (une femme) a été emprisonné. À sa sortie, elle a revu son amant devenu adulte malgré l’interdiction du juge. Résultat, lui aussi s’est retrouvé en prison. Actuellement ils sont en train de faire des démarches pour avoir le droit de se marier… en prison! Ne trouvez-vous pas cela navrant? N’est-il pas évident que dans ce cas, les limites d’âge fixées arbitrairement par les hommes de l’État sont inadaptées? 
  
          En réalité, ici comme ailleurs, les interventions – par définition brutales – de l’État empêchent les solutions rationnelles et harmonieuses d’émerger. Les hommes de l’État ne connaissent pas la solution à ces problèmes mieux que vous et moi, mais le plus grave est qu’ils n’ont aucune raison de chercher à les résoudre: ce qu’ils cherchent, c’est la maximisation de leur pouvoir et de leurs profits, non le « bien de la société ». Il est donc totalement inconscient de vouloir s’en remettre à eux. Dans une société de liberté, des solutions émergeraient qui résoudraient au mieux les problèmes que vous invoquez, sans toutefois les résoudre complètement – ce qui n’est jamais possible. 
  
          L'étatisme (la croyance que l'État constitue la « solution » à un problème quelconque) n'est rien d'autre que la volonté de remplacer l'incertitude du mal par la certitude du pire. 
  
          Voilà. C’est une courte introduction aux pistes de réflexion que l’on peut trouver dans ce domaine. Je vous recommande vivement de lire L’éthique de la liberté de Rothbard. Ce livre répondra sans doute à un grand nombre de vos interrogations. Vous pouvez en trouver quelques extraits sur lemennicier.bwm-mediasoft.com et sur heresie.org. Aussi, un article un peu déroutant peut-être, mais vraiment très profond en définitive, « L'État, règne de la Magie Noire, des sacrifices humains et autres superstitions modernes » de François-René Rideau. 
  
          Bien cordialement, 
  
M. M. 
  
 
Réponse de André Dorais: 
  
Bonjour,  
  
          Voici une réponse succincte à vos questions. 
    1. Ce n'est pas tant l'État qui doit intervenir qu'un tiers parti. Faire appel aux amis, à des intervenants spécialisés dans le domaine constituent des alternatives à la police qui sont pratiquées aujourd'hui. La police n'est pas à exclure dans la mesure où l'on soupçonne une agression. Les cas « à la marge » ne sont pas aussi rares que l'on croit, ils font plutôt rarement les manchettes. 
      
    2. Proposer de la drogue ou une relation sexuelle à un jeune innocent ne démontre pas un grand respect de la nature humaine, mais vous aurez beau tenter de punir cette pratique – ce qui est difficile en soi –, elle se poursuivra néanmoins. L'éducation des enfants est une responsabilité parentale qui devrait habiliter un peu l'innocent à faire face à ces propositions. 
      
    3. Un libertarien ne tente pas de se défiler de ses responsabilités. S'il prend des risques, il doit en assumer toutes les conséquences. Le danger est d'utiliser une intervention préventive, c'est-à-dire la force coercitive de l'État pour prévenir une non-agression. Pénaliser davantage l'agression plutôt que pénaliser la non-agression par prévention. Remarquez que ceux qui font le plus de dommages aux autres reprennent presque toujours la route avec la permission de l'État. Il faut croire que la pénalité n'était pas dissuasive. Cette façon de faire n'exclut pas qu'un ami, un parent, ou un collègue n'avertisse pas l'individu des dangers qu'il s'apprête à faire courir aux autres en conduisant en état d'ébriété.
          Bien à vous, 
  
A. D. 
 
 
Réponse de Carl-Stéphane Huot: 
  
Bonjour, 
  
          Ces questions sont en effet d'une actualité criante. 
  
          Notre position générale est que nous estimons que les individus peuvent faire ce qu'ils veulent d'eux-mêmes tant qu'ils ne contraignent pas autrui dans ce qu'ils font. Cela laisse tout de même une certaine place à l'interprétation, et à débat, même pour un libertarien. Pour ce qui est des relations sexuelles des mineures, la limite basse légale (pas toujours suivie) est de 14 ans, avec consentement s'entend. Dans votre cas de figure de la nièce avec les membres de sa famille, un libertarien pourra dire qu'elle savait ce qu'elle faisait et qu'elle pouvait refuser et donc que c'est acceptable, même si cela peut choquer. D'autres pourront vous dire qu'elle n'était pas totalement consentante et qu'elle était sous contrainte, et donc, partant de là, cette relation n'était pas acceptable. 
  
          Le cas de la consommation d'alcool et de drogue est plus intéressant. Si la consommation personnelle ne nous pose pas de problème, son « expression sociale » peut en poser. Par « expression sociale », j'entend par exemple la conduite des véhicules avec les facultés affaiblies, qui met en danger la vie et la santé d'autrui. De même, on sait que la consommation de stupéfiants entraîne la majorité des crimes que nous réprouvons, à savoir le vol sous toutes ses formes, la prostitution sous contrainte et le meurtre. C'est peut-être là une de nos ambiguïtés les plus flagrantes. 
  
          Bien à vous, 
  
C.-S. H. 
  
  
  
  
UNMASKING CBS, A TYPICAL CAPITALIST PROCESS
 
          The CBS blunder in the treatment of the National Guard Record of President Bush is seen by the chattering class as a fortunate instance of democratisation in the news process. I submit that labelling the incident as the product of the democratic process is an invalid characterisation of what is really going on. Even used in a loose sense of involving several participants, the word democratisation can in no way characterize the Rather affair. The episode on the contrary perfectly illustrates how superior the market process can be over the political process. 
  
          The falsification by CBS was not exposed by a political or a governmental process. Such would have been the case if the forgery had been unmasked or stopped by some electoral mechanism or by some political interest groups pressing an administrative body or a Congress Committee into action or inquest. By definition democratisation implies politisation. To qualify as a democratic mechanism, the process would have implied some form of voting or at the least the action of some governmental machinery. None of this was present in the case at hand. 
  
          In fact the forgery was unmasked by bloggers working as individuals looking for advancement in their own endeavour. This was a case of standard competition from decentralised units striving to come out on top, the typical mechanism of the capitalist process. Overall, a big commercial outfit put out a sloppy product (supply) which informed consumers (demand) found wanting and refused to buy. One big corporation lost face and money at the hands of a few individuals only armed with a modern technological plaything. This is all to the good. The democratic route would have at best delayed the outcome way out into the future; at worst it would have elicited the sort of stonewalling exemplified by the CBS attitude. 
    
  
  
  
LE « FLÉAU » DES PRÊTS ET BOURSES
  
          Déjà que les étudiants n'étaient pas trop fébriles à l'idée des prêts et bourses, voilà maintenant qu'ils ont supposément une raison de l'être encore moins: les Libéraux de Jean Charest ont augmenté les prêts. 
  
          Mettons les choses au clair: je suis étudiant à l'université. J'étudie hors de ma région. J'ai le droit à tous les prêts et bourses possibles. Mais je ne m'en plains pas. Curieux n'est-ce pas? 

          Mettons une autre chose au clair: si l’on ignore la tentative du Parti Québécois de s'accaparer la sympathie d'un public étudiant en diminuant le niveau des prêts en 2000, et que l'on actualise le montant de prêts en 2004 pour le comparer avec celui de 1999, en tenant bien sûr compte de l'inflation, le résultat est à peine d'environ 300 $ plus élevé aujourd'hui qu'en 1999. Cette hausse est bien loin du 103M $ que les associations étudiantes tentent de faire accroire aux étudiants en affichant des pancartes un peu partout à l'intérieur des établissements scolaires. Et ce, sans compter que les frais scolaires au Québec sont les moins élevés en Amérique du Nord... 
  
          Soyons réalistes: les prêts et bourses sont une opportunité. Une opportunité pour un jeune qui, comme moi, provient d'une région et d'une famille incapable de financer ses études, de profiter du système scolaire et de tous ses avantages. Pourquoi toujours les voir si négativement? Oui, je sais, on doit les rembourser à la fin. Et puis? Pensez-vous que l'on devrait vous payer pour étudier? Enrôlez-vous dans les Forces armées canadiennes si c'est cette facette qui vous intéresse.  
  
          C'est la moindre des choses de les rembourser, ils nous permettrent de s'éduquer davantage – chance que nous n'aurions pas nécessairement eu sans eux. Oui, c'est plate! Certaines personnes sont chanceuses puisqu'elles demeurent près d'un établissement ou encore que leurs parents sont assez fortunés pour payer leurs études. Elles sortiront de leurs études sans la moindre dette, les chanceuses! En effet, elles le sont.  
  
          C'est vrai, l'idéal serait de ne pas en avoir, de dettes. Mais, certaines personnes n'ont pas le choix et doivent palier à ce petit pépin. Ainsi naquit le programme de prêts et bourses; pour donner l'opportunité à ces gens d'avoir accès à la même chose que les autres. Il y a des gens qui achètent une voiture comptant et d'autres qui empruntent pour se la procurer. Il y a des gens qui achètent des meubles comptant et d’autres qui utilisent leur carte de crédit pour se les procurer. C'est ainsi fait. 
  
          On me dira ensuite: « Oui, mais c'est difficile en début de carrière! Nous sommes peu payés et nous avons beaucoup de dépenses en plus des prêts et bourses. » Je vous l'accorde celle-là! C'est bel et bien vrai. Cependant, dans ce cas, on ne doit pas blâmer les prêts et bourses, mais bien les notions empoisonnées d'ancienneté et d'expérience préconisées par notre machine syndicale chérie. Mais personne n'osera blâmer les syndicats! Bien sûr que non! C'est tellement plus facile de blâmer le gouvernement! Tout le monde le fait! 
  
          Ce qui me fais particulièrement rire dans cette situation est le fait que, généralement, les étudiants mécontents du programme de prêts et bourses sont souvent ceux et celles qui les rentabilisent le moins. Ceux et celles qui veulent toujours moins de cours, moins de devoirs, ces mêmes personnes qui ont souvent la fâcheuse habitude de quitter avant la fin des heures de cours. Cordonniers mal chaussés… 
  
          Ce groupe trop nombreux d'étudiants ne semble pas comprendre le but premier du prêt étudiant: étudier. Eh non! Le but premier du prêt étudiant n'est pas de s'endetter, mais bien d'étudier, d'acquérir de nouvelles connaissances qui serviront, entre autres, peut-être un jour, à avoir un travail valorisant qui nous satisfera pleinement.  
  
          Lorsque l'étudiant comprend et prend conscience de ce fait, il n'y a plus de problème. C'est le meilleur des mondes. Il reçoit l'argent, en profite pour accumuler un bagage de connaissances et de papiers, se décroche un emploi stimulant, rembourse le prêt étudiant, de la même façon que l'on rembourse n'importe quel autre prêt qui nous permet, aujourd'hui, d'acheter quelque chose que l'on ne pourra que payer demain. Eh voilà, le processus est terminé! 
  
          Malheureusement – ou devrais-je dire, évidemment –, la plupart des étudiants bénéficiant de ce programme d'aide préfèrent jouer à l'autruche sur cette question. Ils le voient éternellement comme un méchant prêt que l'on devra rembourser lorsque tout sera fini. Au fond, je comprends un peu leur réaction. Ils ont un investissement et ne le rentabilisent pas. C'est toujours plus plaisant de payer une hypothèque lorsqu'on possède la maison qui vient avec. 
 

Guy Anglehart
Étudiant en science comptable à l'Université du Québec à Rimouski
  
  
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