Montréal, 15 décembre 2004  /  No 149
 
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Gilles Guénette est diplômé en communications et éditeur du QL.
Page personnelle
 
LIBRE EXPRESSION
  
VIVE LA JOURNÉE SANS ACHAT!
 
par Gilles Guénette
 
     « For 24 hours, millions of people around the world did not participate in the doomsday economy, the marketing mind-games, and the frantic consumer-binge that's become our culture. »
 
Adbuster, 27 novembre 2004
  
          Comme à chaque année maintenant, j’ai profité de la Journée sans achat, le 26 novembre dernier, pour effectuer mes gros achats de l’année! C’est ma façon à moi de « brouiller » les activités des groupes altermondialistes qui combattent ainsi « la société de consommation ».
 
Pour une « bonne » cause 
  
          Au sujet de ladite journée, on pouvait lire sur le site de la très à gauche Union des consommateurs du Québec que: « Depuis 13 ans, de plus en plus de consommateurs à travers le monde participent à la Journée sans achat, initiée par Adbusters. » (sur le site de ce dernier, on parle de millions de personnes...) Puis, on remerciait les citoyens d’y participer: 
  • pour l'environnement: parce que la majeure partie des problèmes environnementaux sont causés par la surconsommation, le transport, le suremballage, les déchets...
  • pour le juste partage des richesses: parce que notre voracité à consommer s'appuie sur l'exploitation de populations affamées...
  • pour des raisons budgétaires: parce que trop de familles s'endettent et se rendent malheureuses pour maintenir leur rythme effréné de consommation...
  • pour se simplifier la vie: car il y a tant de choses plus agréables à faire que de courir les magasins pour chercher des cadeaux inutiles à offrir à des gens qui n'en ont pas vraiment besoin... 
  • pour retrouver d'autres valeurs: parce qu'il vaut mieux être qu'avoir...
          « ...Surconsommation... », « ...voracité à consommer... », « ...exploitation de populations affamées... », « ...rythme effréné de consommation... »; si le but de l'exercice était de nous démontrer que le monde est un bien triste endroit où vivre, c'est réussi! « ...Chercher des cadeaux inutiles... », « ...des gens qui n'en ont pas vraiment besoin... » Mais qu'est-ce qu'ils en savent, eux? « ...parce qu'il vaut mieux être qu'avoir... » Ça dépend de ce qu'on est! Ou de ce qu'on a! 
  
          Après avoir énoncé les principales raisons pour inciter les gens à la participation, les gens de l'Union y sont allés d’un mini-sondage interne – question de mettre des visages sur les éventuels « non-acheteurs ». Ainsi, on demandait: Quel est le non-achat dont vous serez le plus fier le 26 novembre? Quelques réponses, à titre d’exemples: 
  • André Thibault: L'abonnement au câble, car il fait entrer dans nos maisons la publicité télé, principal vecteur de la surconsommation.
  • Patrice: Tout ce qui a été fabriqué par quelqu'un(e) dont je ne verrai pas la figure!
  • Pierre Fournier: Des objets ou des services provenant des États-Unis.
  • Guylaine Ducharme: Ne pas être allée magasiner au Wal-Mart.
  • Maryse Dubé: Un téléphone sans fil plus « stylisé » que celui que j'ai déjà.
  • Chantal Labonté: La gugusse (friandises, revues) proche des caisses à l'épicerie; je repars avec l'essentiel seulement: lait, pain, oeufs.
  • Nicole Bellavance: Un sapin de noël en moins enlevé aux forêts.
  • Catherine Souquières: Un achat non prémédité inspiré par la frénésie du moment...
  • Ronald MacDonald: Des gras trans.
  • Lysianne Panagis: Des ampoules qui n'économisent pas l'énergie.
  • Sylvain Giguère: N'importe quel produit vendu par une multinationale et non-local...
  • Danielle O'Connor: De la malbouffe.
  • Sophie: Café au travail, souvent de trop et on ne soupçonne pas les impacts: équité et environnement/provenance/production/traitement.
  • Plusieurs ont répondu: De l'essence, des vêtements, des cigarettes, des téléphones cellulaires, et une soirée au restaurant.
          En plus de montrer à quel point les participants à ce genre d’activités maîtrisent assez bien les enseignements du petit catéchisme de l'altermondialiste, ce bref échantillon nous montre qu’il s’agit en fait d’une activité de filles – ce sont majoritairement elles qui ont répondu – et que le système capitaliste n'est pas prêt de s'effondrer – ce ne sont pas de tels « non-achats », non compromettants, qui le menaceront... 
 
N'importe quoi 
  
          Mais comment un « non-achat » de cigarettes, de téléphone sans fil ou de malbouffe peut-il aider à améliorer le sort de l’environnement? De quelle façon peut-il aider une petite famille (sans doute monoparentale) victime de « la société de consommation » à venir à bout de son surendettement? Comment peut-il entraîner un plus « juste partage des richesses »? Mettre fin à « l'exploitation des populations affamées » du monde? Poser ces questions, c'est y répondre. 
  
     « Les journées sans ci et sans ça sont en fait autant de produits de consommation. Leurs instigateurs, au lieu de nous vendre du café ("non équitable" s’il vous plaît!), du crédit ou des hamburgers, nous vendent des causes. Des visions du monde. »
  
          Les journées sans ci et sans ça sont en fait autant de produits de consommation. Leurs instigateurs, au lieu de nous vendre du café (« non équitable » s’il vous plaît!), du crédit ou des hamburgers, nous vendent des causes. Des visions du monde. Ces produits élevés au rang de causes ne servent en fait qu’à nous donner bonne conscience – tout en faisant vivre quelques petits groupes « progressistes ». À moins d'entreprendre un « Buy Nothing Year », comme le faisait Matt Watkins, un résident de Halifax, en juillet dernier (imaginez...), ils n’ont aucun impact sur les supposées populations exploitées et affamées qu'ils sont censé aider, ou sur l'environnement qu'ils sont censé sauver. 
  
          L'association canadienne Adbusters milite contre la société de consommation... en vendant des magazines et des souliers de course hyper branchés. Elle produit aussi des publicités hyper léchées qu’elle tente, tant bien que mal, de faire passer sur les ondes des chaînes de télés privées. Les gens de l’association (qui fait des profits, sans quoi elle fermerait boutique) se sont trouvé une niche des plus profitables et l’exploitent à fond – certains diront qu’ils exploitent leurs clientèles à fond, mais bon... Qu'ils le veuillent ou non, ils contribuent à faire marcher ce contre quoi ils militent. 
  
          Tous ces antipubs qui crient contre les publicitaires le font... en diffusant leurs propres pubs. Tous ces aficionados de groupes comme la Grey SweatSuit Revolution qui militent contre l’industrie de la mode le font... en créant de nouvelles modes vestimentaires. Les musiciens « engagés » qui dénoncent « le système » le font... en vendant disques, billets de concerts et t-shirts. Les Équiterre & cie qui se battent « pour un monde meilleur » le font... en vendant des cartes de membre et produits « équitables ». Tous ces individus et organisations qui vendent des produits de consommation à peine maquillés contribuent, malgré eux, à entretenir cette société de consommation qu'ils dénoncent. 
  
          Cela dit, nous possédons tous une liste plus ou moins officielle de produits et entreprises que nous n'encourageons pas. Vous avez la vôtre, j'ai la mienne. Ce qu'il y a de bien avec cette approche, c'est qu'elle permet une réelle diversité dans les produits/services boycottés. Par exemple, je n’achète jamais de produits « équitables » – ils sont beaucoup trop chargés idéologiquement et n'auraient sans doute pas une telle visibilité s'ils n'étaient pas imposés dans les milieux gouvernementaux et syndicaux. Je ne fréquente pas non plus le Cinéma Beaubien – un organisme sans but lucratif qui n'existerait sans doute pas s'il n'était pas subventionné à même mes taxes. Et j'ai vendu tous mes disques de U2 – Bono me les casse depuis qu'il s'est découvert un côté Mère Teresa... 
 
 
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