Montréal, 15 avril 2005 • No 153

 

OPINION

 

Jean-Christophe Delmas est professeur d’histoire et habite Paris.

 
 

RÉFÉRENDUM DU 29 MAI: LETTRE OUVERTE AUX STALINIENS POUR LE NON

 

par Jean-Christophe Delmas

 

          Ils sont tous là, pas un bouton de guêtre ne manque, les agités du « non » au traité constitutionnel sont en campagne, que dis-je, au combat.

 

          Nous retrouvons donc en formation serrée nos amis trotskystes, les staliniens repentis dont on ne peut même plus dire qu’ils ne sont pas à gauche, mais à l’Est, puisque l’arrivée des anciennes démocraties populaires au sein de l’Union leur flanque une trouille bleue. Au coude à coude avec leurs nouveaux potes, les socialistes renégats que la volée qu’ils ont prise au référendum interne du PS n’empêche pas de continuer obstinément à la ramener, d’un meeting l’autre. La CGT, dont la capacité de nuisance est devenue inversement proportionnelle à la représentativité réelle des travailleurs dont elle prétend toujours être la voix. Les Verts, enfin pas tous.

          L’incontournable José Bové, qui ne se contente pas de nous emmerder avec les OGM (eh! il y a des gens qui bouffent grâce à ça sur cette planète, pendant que vous et votre camarilla massacrez les parcelles sur lesquelles nos chercheurs tentent de travailler). Qui d’autre? L’insupportable Clémentine Autain, l’alibi gauchiste de la mairie de Paris – qu’est-ce qu’elle est jolie! Mais comment la faire taire? En oublions-nous? Ah oui, les souverainistes, les lepenistes, les protectionnistes, mais il est bien sûr strictement interdit de les assimiler aux précédents. Et pourtant…

          Lorsque j’entends Henri Emmanuelli éructer que le « oui », c’est un blanc-seing aux délocalisation, marteler que la directive Bolkestein – que ses amis orthographient ou prononcent de traviole trois fois sur quatre, et qu’ils vous n’avez même pas lue –, c’est la porte ouverte aux hordes de travailleurs polonais qui déferleront pour piquer nos emplois, j’ai envie de rétorquer que les Polonais ne sont pas une catégorie sous-évoluée du Peuple européen, qu’ils sont venus par le passé trimer dans nos usines et se ruiner la santé dans nos mines.
 

« Le monde ne va pas arrêter de se mondialiser, les échanges de se fluidifier et des populations entières – mais pas à Saint-Denis, France, j'en conviens – voir leur niveau de vie augmenter grâce à cet odieux triomphe du libéralisme, que vous n'avez de cesse de dénoncer. »


          J’aimerais lui signaler que l’on peut fort bien souhaiter interdire les délocalisations, qui créent pourtant de la richesse dans d’autres pays, que l’on est en droit de protéger des travailleurs français face à une hypothétique invasion de slaves forcément sous-éduqués et payés au lance-pierre. Qu’il est autorisé de préférer le français au polak, son voisin au français lambda, sa soeur à son voisin, etc. Mais que tout ça porte un nom: la « préférence nationale ». Et que lorsqu’on brandit ce genre d’argument, il ne faut pas s’étonner si de mauvais esprits vous fourrent dans le même sac que les ultranationalistes du FN.

          Vous nous serinez que vous n’accepterez qu’une Europe sociale, pas l’Europe libérale que – soit disant – ce Traité nous imposerait. Non! Vous ne voulez pas d’Europe tout court! Vos contre-propositions sont irréalisables, et vous le savez bien. Le monde ne va pas s’arrêter de se mondialiser, les échanges de se fluidifier et des populations entières – mais pas à Saint-Denis, France, j’en conviens – voir leur niveau de vie augmenter grâce à cet odieux triomphe du libéralisme, que vous n’avez de cesse de dénoncer. La vérité, c’est que si l’on suivait le bout du bout de votre logique, nous construirions l’Europe du collectivisme et des nationalisations, avec obligation pour ceux qui ne rentrent pas dans le rang de la boucler (dites, l’Europe du goulag pour les libéraux, les financiers et les patrons, ça ne vous tente pas, les gars?).

          Deux guerres mondiales ne vous ont donc pas suffit pour comprendre les priorités? Les camps, soviétiques ou nazis sont loin de nous à présent. Mais c’est la construction d’une Europe forte qui empêchera les massacres de Bosnie ou d’ailleurs.

          J’affirme contre vous que je suis européen et libéral, et que vous, vous êtes le nationalisme, même grimé sous les atours de l’exigence de protection sociale. Et le nationalisme, c’est la guerre. Vous êtes des protectionnistes, et le protectionnisme, c’est la pauvreté. Votre « non », c’est le « non » de la peur, de l’égoïsme et de la bêtise crasse qui ont endeuillé le siècle précédent.
 

 

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