Montreal, 15 juin 2005 • No 155

 

OPINION

 

Mathieu Bréard habite à Montréal.

 
 

WAL-MART: L'HYPOCRISIE SE POURSUIT

 

par Mathieu Bréard

 

          Depuis quelques semaines, la pression sur Wal-Mart ne cesse de s'amplifier et l'entreprise est de toute évidence le nouveau souffre-douleur des groupes de pression. Après les communautés religieuses et la Fédération des producteurs de lait, qui ont fait pression auprès de l'entreprise pour qu'elle présente un rapport sur son « développement durable », voilà que la Caisse de dépôt et placement du Québec vient de se joindre au mouvement. La population québécoise naïve et conformiste participe à cette campagne sans trop savoir pourquoi, mais comme il s'agit d'une mode et que le voisin le fait, pourquoi ne pas faire comme lui?

 

          Malheureusement, cet épisode n'est que la pointe de l'iceberg, car depuis l'annonce de la fermeture de la succursale de Jonquière, notre « go-gauche » ne manque pas d'imagination pour alimenter sa croisade. « Wal-Mart est dirigée par des terroristes du capitalisme », affirme un lecteur du journal Le Devoir et ce, pendant que le chef du Parti québécois Bernard Landry, en mal de popularité, continue d'inciter la population à boycotter le géant américain qui apparemment exploite et maltraite les pauvres travailleurs du Québec. Devant toute cette démagogie, une petite mise au point s'impose.

Remettre les choses en perspective

          Wal-Mart est une multinationale de la vente au détail (seulement 8% des ventes aux États-Unis) dont le chiffre d'affaires atteint plus de 300 milliards de dollars. Des millions de consommateurs s'y rendent chaque semaine pour profiter de ses produits et services à faibles coûts. La politique de l'entreprise envers les syndicats n'a jamais été un secret pour personne, puisqu'elle s'inscrit dans sa stratégie pour maintenir son rendement et surtout soutenir la concurrence.

          Il faut comprendre que ce modèle de gestion nécessite un énorme contrôle sur les coûts. Si demain matin on relâche même un peu ce contrôle, une bonne part des profits disparaîtra comme neige au soleil. Par conséquent, il est normal de voir la direction adopter des décisions impopulaires pour défendre sa rentabilité. Wal-Mart n'existe pas pour plaire aux syndicats, aux médias et encore moins aux politiciens. Elle existe pour vendre de bons produits et pour satisfaire sa clientèle, un point c'est tout. De plus, elle assure une redistribution de la richesse vers les citoyens puisque le téléviseur que le consommateur payerait 500 $ chez le concurrent, il le payera beaucoup moins cher chez Wal-Mart – ce qui lui donne l'opportunité de l'acquérir et de dépenser l'économie réalisée sur autre chose.

          Évidemment, la taille gigantesque et le succès de Wal-Mart dérangent. C'est pourquoi tous les démagogues de cette planète voudraient lui faire un procès comme ce fut le cas pour Coke, McDonald's et Microsoft. Ces empires commerciaux n'ont pas eu de cadeaux et se sont érigés grâce à de la discipline et de la rigueur. À se demander s'il n'y a pas de la jalousie derrière tous ces mouvements de contestation... Aurions-nous des problèmes avec les succès de l'entrepreneurship américain?

          Ce qui est étrange dans le débat actuel, c'est qu'il existe un tas d'autres entreprises d'origine canadienne et québécoise où l'on n'entend jamais parler de syndicalisation, et personne ne s'en offusque. Il suffit de penser au Groupe Jean-Coutu, Couche-Tard, Brault & Martineau, Ameublement Tanguay, Les Ailes de la mode ou encore Canadien Tire, qui sont bien souvent des compétiteurs de Wal-Mart. Tout comme cette dernière, ils cherchent à élargir leurs horizons pour satisfaire une clientèle toujours plus large.

          Or pour mener sa sale guerre, le mouvement syndical québécois avait besoin de frapper sur une cible de choix: Wal-Mart. Faut-il s'en étonner? Non, car la campagne actuelle en est une anti-américaine menée par une bande de gauchistes racistes en mal de popularité. Dans une société où l'on commence à remettre en question le pouvoir des syndicats, ces derniers se devaient de saisir cette occasion pour entretenir leur image auprès de la population. Ils ont réussi, en quelques mois, à imposer à travers les médias une panoplie de mythes sur Wal-Mart.

« Wal-Mart hypothèque l'économie des régions »

          Les gens qui affirment ce genre de choses ont bien souvent une vision à court terme de l'économie. Lorsqu'une grosse entreprise comparable à Wal-Mart s'installe dans une région, il est normal de voir disparaître quelques petits commerçants moins rentables et productifs. Toutefois, ce nouveau contexte économique pousse la concurrence vers l'innovation et l'amélioration de ses services. Certaines entreprises vont même aller jusqu'à se spécialiser dans un domaine plus pointu. Bien sûr, à l'intérieur d'une telle dynamique il y a des gagnants et les perdants trouveront toujours le moyen de crier à l'injustice.
 

« Ce qui est étrange dans le débat actuel, c'est qu'il existe un tas d'autres entreprises d'origine canadienne et québécoise où l'on n'entend jamais parler de syndicalisation, et personne ne s'en offusque. »


          Le professeur Jim Simmons de l'Université de Ryerson est l'auteur d'une étude fort intéressante sur la question qui démontre que l'implantation d'un Wal-Mart dans une région a un impact positif sur le développement des autres commerces. À Thetford Mines, l'arrivée d'un Wal-Mart a suscité des réinvestissements importants de la part d'entreprise comme Jean-Coutu et Canadian Tire tout en assurant la création de nouveaux emplois. À Saint-Constant, sur la Rive-Sud de Montréal, un énorme complexe de restaurants, de boutiques s'est érigé autour du Wal-Mart, offrant l'opportunité aux citoyens de faire tous leurs achats dans un seul et même endroit.
 

« Wal-Mart exploite ses employés »

          Sans doute le mythe le plus populaire. Tout d'abord, si c'était le cas plusieurs se seraient contentés de quitter l'entreprise et de trouver un autre travail. Wal-Mart ne force personne à travailler dans ses succursales. Les politiques salariales sont connues au moment de l'embauche et demeurent dans la moyenne de l'industrie. Il s'agit bien souvent de postes à temps partiel qui visent les étudiants et les personnes à la retraite.

          De plus, l'entreprise offre de très bons avantages sociaux: un fonds de pension payé par l'employeur, 10% de rabais sur les produits en magasin, une journée à 20%, et des programmes d'assurance médicaments et dentaires parmi les meilleurs de l'industrie. Ce sont des éléments que l'on se garde bien de présenter dans les médias québécois – trop occupés qu'ils sont à faire de Wal-Mart une entreprise de despote. Le lecteur se souviendra de l'intervention de Claude Charron, animateur sur les ondes de TVA, qui avait qualifié l'entreprise de nazi de l'économie…

« Wal-Mart incite à la surconsommation »

          Les consommateurs sont entièrement responsables de leurs habitudes d'achat et surtout de leurs excès. Wal-Mart ou pas, cela se passe entre les deux oreilles. Dans le jargon, on appelle cela la « magasinite aiguë », c'est-à-dire une personne qui a un besoin viscéral d'acheter afin d'obtenir un soulagement émotionnel.

« Wal-Mart ne fait affaire avec aucun fournisseur canadien »

          Telles étaient les paroles du maire de la ville de Châteauguay, Sergio Pavone, qui, frustré d'avoir été boudé par Wal-Mart aux profits de la municipalité de Saint-Constant, sombre dans ce genre de déclaration gratuite. Le principal fournisseur de Wal-Mart est Beco Industrie, une entreprise canadienne et l'un des plus importants fabricants et exportateurs de textiles domestiques (draps, douillettes, couvre-lits, couvertures, etc.). Le bureau chef de l'entreprise se trouve à Anjou où elle possède également un centre de distribution. Mega Bloks, basée à Montréal, est l'une des 10 marques de jouets les plus vendus en Amérique du Nord et qui, le 19 février 2003, a été reconnue comme un fournisseur exceptionnel et distingué.

Conclusion

          Ces quelques exemples ne sont qu'un aperçu de tout ce que l'on véhicule sur Wal-Mart et ce, sans parler de toutes ces fausses études sans la moindre référence qui pullulent sur le réseau Internet. Cet effet d'entraînement, loin de déplaire aux syndicats, est largement encouragé et ceux-ci profitent de chaque tribune pour rajouter de l'huile sur le feu. Bien sûr, ces leaders ne sont pas fous et savent pertinemment que le citoyen moyen est prêt à croire n'importe quoi sans la moindre vérification.

          Pour conclure, faites-vous cette réflexion: pourquoi les syndicats ne s'intéressent-ils pas aux entreprises québécoises et canadiennes qui oeuvrent dans le même domaine que Wal-Mart? Seraient-ils parfaitement conscients des répercussions désastreuses d'une telle action sur l'économie du Québec? La vérité est que si demain l'ensemble des succursales de Wal-Mart se syndicalise, cela va entraîner une hausse massive des coûts et des services. La concurrence ne se sentant plus menacée agira exactement de la même façon en augmentant ses prix. En bout de ligne, le consommateur en sera la première victime.