Montreal, 15 août 2005 • No 157

 

OPINION

 

Mathieu Bréard habite à Montréal.

 
 

ONU: IL EST TEMPS DE METTRE
LA CLÉ DANS LA PORTE

 

par Mathieu Bréard

 

          Envisager le démantèlement des Nations Unies est un sujet tabou dans les grands forums internationaux. Peu de parlementaires s'aventurent sur ce terrain glissant de peur d'être l'objet de critiques. Pourtant, cette institution – qui ne cesse de cumuler les crises et les désillusions – n'a pas la moindre légitimité. Il ne s'agit pas d'un fait nouveau, mais d'une réalité qui existe depuis des décennies.

 

          Si les libertariens sont de nature très critique envers l'État, imaginez leur ressentiment envers ce type d'institution qui regroupe plus de cent quatre-vingt-quatre États à un même endroit! Une tribune où se confronte plus d'une centaine d'intérêts nationaux qui se paralysent entre eux au cours de longues séances de masturbation intellectuelle… Est-il possible de mettre enfin un terme à ce cirque?

Portrait d'une erreur

          Depuis sa fondation, l'Organisation des Nations Unies s'est avérée inefficace pour maintenir la paix et n'a jamais empêché ses membres les plus influents de contourner ses mécanismes pour mener des opérations unilatérales. Le machin, comme l'appelait si bien le général de Gaulle, sert avant tout les intérêts des fonctionnaires qui l'utilisent pour légitimer leurs ambitions politiques. À l'aube de la Guerre froide, il fallait être profondément naïf pour s'imaginer que les beaux mots de la charte allaient à eux seuls assurer la pacification du monde.

          Lorsque les chefs d'État, après avoir combattu le nazisme, se sont réunis pour apposer leur signature sur ce document, c'était avant tout pour se donner bonne conscience et rassurer des millions d'individus encore sous le choc de la guerre. Ils ont réussir à endormir leur méfiance, en mettant sur pied une institution ayant de grandes similitudes avec la défunte Société des nations (SDN). On s'est simplement contenté de changer le nom qui à lui seul continue à entretenir le mythe et les illusions.

          Ainsi, au début des années 1950, pendant que des centaines de diplomates et d'ambassadeurs du monde entier débarquent à New York pour inaugurer les locaux de l'organisation, celle-ci est déjà complètement paralysée. La guerre psychologique et idéologique que se livrent les États-unis et l'Union Soviétique suffit à elle seule à donner le ton aux relations internationales pour les trente prochaines années. Les secrétaires généraux qui se succèdent à la tête de l'ONU ne peuvent qu'assister impuissants aux événements. De plus, malgré les condamnations répétées de l'Assemblée générale, celle-ci ne pourra empêcher l'annexion du Tibet par la Chine, la guerre du Vietnam, la guerre entre l'Iran et l'Irak, la guerre en Libye ou encore l'invasion de l'Afghanistan.
 

Un nouvel ordre mondial?

          Après l'effondrement du Mur de Berlin (1989), l'espoir renaît subitement chez tous ceux qui souhaitent voir l'ONU retrouver sa légitimité. En a-t-elle déjà eu une? Quoi qu'il en soit, ses fonctionnaires se mettent à fantasmer et à fabuler. Toutes les raisons sont bonnes pour sauver cette institution, mais surtout son job. En coulisses, on parle de la naissance d'une nouvelle ère basée sur le droit et la justice entre les États! Une lune de miel qui ne sera que de courte durée.

          En 1990, le président irakien Saddam Hussein ordonne à ses troupes d'envahir le Koweït, un des principaux producteurs de pétrole du Golfe persique. Même si l'on utilise la Charte des Nations Unies pour condamner l'agression, les États-unis torpillent toutes possibilités d'un règlement pacifique en envoyant une importante force militaire dans la région. L'opération « Desert Storm », bien qu'appuyée par plusieurs pays, sera menée entièrement par la Maison-Blanche. La victoire fut celle d'une seule et unique nation et certainement pas de l'ONU qui fut acculée au pied du mur. En d'autres mots, on a obtenu son approbation sur simple demande.

          Ce fut également le cas pour l'opération américaine en Somalie et durant l'opération française au Rwanda. En Bosnie, l'ONU a fait si piètre figure qu'elle est obligée de céder le terrain à l'OTAN. Le coup de grâce aura lieu en avril 2003, lorsque le président George W. Bush, au nom de la guerre contre le terrorisme, décide d'attaquer l'Irak sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU. L'organisation en ressort si affaiblie qu'elle n'a plus aucune crédibilité.

Vers un système de contrôle totalitaire

          À l'heure actuelle, certains pays du Tiers-Monde proposent de réformer les Nations Unies afin de mettre sur pied un gouvernement mondial basé sur une philosophie communiste. Celui-ci aurait, par l'entremise d'institutions coercitives, le contrôle sur toutes les ressources naturelles, financières et technologiques de la planète. Une menace sérieuse pour la libre entreprise et la propriété privée. Il ne s'agit pas uniquement d'une rhétorique, mais bien d'un effort concerté et soutenu dans pratiquement toutes les sphères d'activité de l'ONU. Ces nouvelles politiques sont déjà mentionnées dans une multitude de documents officiels.
 

« Continuer à soutenir les Nations Unies revient à se rendre complices de ses politiques interventionnistes, tout en subissant de la pression pour participer à des opérations douteuses aux quatre coins du globe. »


          Le Law of the Sea Treaty, par exemple, stipule que les fonds marins doivent être une propriété collective. N'importe quel entrepreneur qui souhaite explorer ou extraire un site, devra payer des frais d'exploitation annuels(1). Il va sans dire qu'il faudra recevoir préalablement l'autorisation d'une assemblée dont les griefs risquent de paralyser complètement le commerce international.

          Un contrôle est également envisagé pour l'exploitation de l'Antarctique où se trouvent de vastes ressources naturelles y compris des minéraux, du pétrole, du gaz naturel et de l'eau douce(2). Sans l'entreprise privée, toutes ces ressources demeureront inexploitées et ne pourront être transformées et utilisées. Au nom d'une soi-disant politique de redistribution, les dirigeants du Tiers-Monde utilisent l'ONU pour condamner les mécanismes du marché alors qu'ils sont responsables de leur propre stagnation. Ils étouffent leur économie, confisquent les richesses, empêchent les investissements internationaux et oppriment leurs propres populations.
 

La maison des horreurs bureaucratiques

          Dick Thornburg n'est pas un nom que l'on aime entendre dans les couloirs des Nations Unies. Cet ancien gouverneur de Pennsylvanie fut à l'origine d'une étude fort compromettante sur l'organisation. En épluchant chaque reçu de cette gigantesque bureaucratie, il en est venu à la conclusion que celle-ci est un terrain propice à la fraude et à la corruption. Selon lui, certains employés obtiennent des postes influents malgré leur incompétence et une piètre productivité.

          En août 1993, le Sunday Time, suite à une enquête, découvre que 39 hauts fonctionnaires sont payés à ne rien faire. D'autres rapports internes font état d'employés licenciés recevant des primes de départ beaucoup trop élevées; des conseillers qui détournent les sommes allouées à certain projets à des fins personnelles et qui utilisent leurs heures de bureau pour diriger leur propre entreprise, etc. Bref, pas étonnant que l'on résiste à toute tentative de réforme!
 

Autonomie et indépendance

          L'ONU est sans doute le plus beau mirage de notre siècle. Le drapeau bleu qui flotte sur l'immeuble de la 1e avenue à Manhattan incarne rien de moins qu'une utopie, un vieux rêve déchu. Cette organisation ne mérite pas d'être préservée et contrairement à ce que l'on veut faire croire, la Terre ne va pas cesser de tourner advenant son démantèlement. Le rôle de l'État doit être de protéger les droits individuels de ses propres citoyens. Nous devons conserver la liberté de nous consacrer à ce que nous souhaitons et non nous faire dicter ce que les autres attendent de nous. Nos propres gouvernements nous imposent déjà des politiques liberticides et nous n'avons pas besoin de nous encombrer d'une institution internationale qui veut décider pour tout le monde ce qui est juste et ce qu'il ne l'est pas.

          Peu importe ce qu'en pensent ses partisans, l'ONU est une coquille vide qui ne pourra jamais se placer au dessus des intérêts des États qui peuvent la manipuler et la court-circuiter à volonté. Continuer à soutenir les Nations Unies revient à se rendre complices de ses politiques interventionnistes, tout en subissant la pression pour participer à des opérations douteuses aux quatre coins du globe. Des opérations qui peuvent menacer notre sécurité, miner notre crédibilité et déstabiliser de nombreux pays étrangers. Nous avons tout intérêt à adopter une politique neutre et laisser le soin aux individus de soutenir volontairement des organismes humanitaires.

 

1. Elizabeth Mann Borgese, « Law of the Sea: The Next Phase », Third World Quarterly (October 1982): 707.
2. Remarks of Rep. John Breaux before the American Oceanic Organization, February 18, 1982.