Montréal, 15 novembre 2005 • No 160

 

OPINION

 

Patrice Vézine est conseiller principal d'Éducation. On peut lire ses réflexions sur son blogue Liberté Avenir

 
 

UNE ANALYSE LIBÉRALE DES ÉMEUTES

 

par Patrice Vézine

 

          L'explosion de violence dans les banlieues doit être pour nous l'occasion d'affirmer une pensée libérale réfléchie, prélude à l'alternative politique que nous appelons de nos voeux. Si nous voulons proposer à nos concitoyens une offre politique convaincante, nous ne devons pas répondre aux violences par la caricature politicienne.

 

          Dans un premier temps, écartons d'un revers de main la stigmatisation de toute une population banlieusarde par l'amalgame:

• Les racailles sont une minorité agissante, la majeure partie des jeunes banlieusards ne doit pas être assimilée à ces délinquants. La banlieue regorge aussi de jeunes qui entreprennent et réussissent.

• La police, garante du maintien de l'ordre et des libertés individuelles, doit être exemplaire: nous ne cautionnons aucune bavure, aucune interpellation brutale injustifiée.

• La banlieue n'est pas représentée par une sous population mais par des femmes et des hommes qui aspirent majoritairement à exercer dignement leur citoyenneté.

          Dans un deuxième temps, nous devons refuser toute compassion démagogique qui excuserait les actes de violence les plus barbares:

La déresponsabilisation par le déterminisme social: un homme pauvre qui commet un acte de violence est un homme personnellement responsable de ses actes. La condition sociale peut expliquer un sentiment de révolte mais n'excuse en rien les débordements de violence.

La déresponsabilisation par le déterminisme géographique: l'État a certes fait construire des quartiers dont on peut contester le confort et l'esthétique, mais la responsabilité de la multiplication des tags et des dégradations à l'intérieur des immeubles revient à certains habitants eux-mêmes. Ce ne sont pas les ministres de l'Intérieur successifs qui sont venus uriner dans les boites aux lettres, « graffiter » les murs ou mettre le feu aux poubelles.

La déresponsabilisation par le déterminisme économique: fabriquer un cocktail Molotov n'est pas le meilleur moyen de trouver un emploi, mettre le feu à une banlieue n'est pas le meilleur moyen de combattre la discrimination à l'embauche, incendier le gymnase neuf d'un collège n'est pas la meilleure preuve de son attachement au service public.

La déresponsabilisation par le combat politicien: en démocratie, la politique d'un gouvernement peut être contestée. De là à rendre personnellement responsable un ministre de la moindre voiture brûlée plutôt que d'accuser son auteur réel, il y a un pas que nous ne pouvons franchir.

La déresponsabilisation par le déterminisme ethnique: l'intelligentsia des salons gauchisante est prête à brandir le carton rouge du racisme à quiconque essayerait de réfléchir aux conséquences d'une immigration incontrôlée, à quiconque dénoncerait le caractère délictueux des agissements d'un Français d'origine étrangère.

          Ces formes de déresponsabilisation, encouragées par la gauche, servent la cause de l'étatisme mais détruisent dans le même temps ce qui fait le fondement d'une République qu'ils prétendent défendre: un État de Droit au service de citoyens libres et responsables, faisant valoir des droits dans la mesure où ils assument des devoirs.
 

« Il est alors facile de comprendre à quel point la gauche se trompe de combat. Mais elle se trompe volontairement car les individus des cités ne l'intéressent pas, sa stratégie se résume au futur score du PS ou de Besancenot et à la façon dont ces émeutes peuvent être exploitées politiquement contre le gouvernement. »


          Car, il convient, dans un troisième temps, de démystifier l'argumentaire des étatistes de gauche:

• Lorsque l'on apprend qu'un gymnase neuf a été brûlé, cela signifie qu'un gymnase avait été construit: pourquoi faire partir en fumée un argent public que l'on réclame sans cesse?

• Lorsque que l'on apprend qu'une école est saccagée, cela signifie que l'on a fait disparaître un service public dans une cité: peut-on dire que les casseurs militent pour la cause du service public?

• Lorsque l'on apprend que des voitures sont incendiées, sont-ce les voitures des ministres ou de gens riches? Non, il s'agit de l'outil de travail d'ouvriers smicards. Peut-on affirmer alors qu'il s'agit d'une révolution sociale?

• Lorsque des caïds s'organisent pour défendre leur marché noir et le racket, peut-on dire que nous ayons à gérer une contestation grave du capitalisme? Non, nous sommes en face d'une délinquance de nature économique dans une zone de non-droit qui porte atteinte à la propriété et à la liberté d'autrui.

          Il est alors facile de comprendre à quel point la gauche se trompe de combat. Mais elle se trompe volontairement car les individus des cités ne l'intéressent pas, sa stratégie se résume au futur score du PS ou de Besancenot et à la façon dont ces émeutes peuvent être exploitées politiquement contre le gouvernement.

          Ainsi l'incendiaire est rapidement transformé en pompier au secours de leur misère idéologique et chargé d'éteindre le feu de leurs luttes de clans.

          Derniers défenseurs d'un idéal républicain humaniste, les libéraux réhabilitent:

• La responsabilité individuelle, sans amalgame collectif et envers et contre tous les déterminismes.

• Un État de droit qui exige de ses représentants l'exemplarité.

• Une citoyenneté des devoirs et non plus seulement l'assistanat sans contreparties des ayants droit.

• La sécurité, garante de la liberté des plus faibles.

• Une politique qui libère les initiatives et encourage le travail, le mérite et l'effort.

• Une rupture avec le collectivisme globalisant qui déverse un argent public qui part aujourd'hui en fumée (écoles incendiées, gymnases brûlés, immeubles dégradés).

• Une vision centrée sur l'individu: il faut clairement nommer les racailles, les punir et favoriser l'accession à la propriété et l'esprit d'entreprise individuel ou associatif des honnêtes gens.