| Stephen Harper préférait  se définir comme libéral 
                    classique plutôt que comme libertarien, un terme qui avait selon 
                    lui des connotations trop idéologiques. Il n’avait aucune 
                    sympathie pour les positions anarcho-capitalistes, mais se 
                    sentait à l’aise avec la position voulant que l’État devrait 
                    se concentrer sur quelques fonctions essentielles
                    (sécurité, défense, justice, affaires extérieures, etc.) et 
                    que l’interventionnisme étatique devrait être réduit à sa 
                    plus simple expression. La NCC n’avait alors aucune présence 
                    au Québec et il m’avait proposé de mettre sur pied une aille 
                    québécoise à partir du réseau du QL. Des divergences 
                    stratégiques et son retour en politique ont fait en sorte 
                    que ce projet n’a pas abouti.
 
 Lors de la course à la 
                    chefferie de l’Alliance canadienne à l’automne 2001 et 
                    l’hiver 2002, j’étais le « contact » officiel de la campagne 
                    de Stephen Harper au Québec. Après avoir constaté pendant 
                    cette campagne le manque 
                    d’intérêt du chef et de son entourage à développer à court 
                    terme une 
                    organisation au Québec, j’ai décidé 
                    de ne pas perdre mon temps à m’impliquer après son élection 
                    (voir mon article à ce sujet dans le National Post 
                    lors de la campagne électorale de juin 2004: «
                    
                    Stephen Harper rediscovered Quebec too late »).
 
 
                      
                        | Un politicien socialiste comme tous 
                        les autres |            
                    Tout de même, le Stephen Harper de 2002 avait encore des 
                    instincts libertariens. Sa priorité numéro 1 était de 
                    réduire le fardeau fiscal – à un niveau plus bas que celui 
                    des Américains! (Voir «
                    How to 
                    get Canada back on track »). Aujourd’hui, il promet de 
                    réduire la TPS de deux points de pourcentage, ce qui n’aura 
                    qu’un effet marginal sur le revenu disponible des Canadiens.
 Le Stephen Harper que 
                    j’ai fréquenté n’aurait jamais défendu le système de santé 
                    en faillite du Canada. Aujourd’hui, il promet de s’opposer 
                    au développement du privé en santé, ce qui en fait un 
                    politicien socialiste comme tous les autres chefs fédéraux. 
                    Lors du dévoilement du programme complet du PC vendredi 
                    dernier – par ailleurs rempli de promesses de dépenses et 
                    d’appui du gouvernement à tout un chacun –, le critique 
                    conservateur des Finances Monte Solberg a déclaré en parlant 
                    des programmes sociaux: « Spending continues to go up. There 
                    will be no cuts. ... We will protect the social safety net. 
                    » Bref, c'est le statu quo, l'État fédéral ne subira 
                    aucune cure d'amaigrissement.
 
 Voilà ce qu’on obtient 
                    aujourd’hui, avec un chef de parti et futur premier ministre 
                    au passé le plus libertarien qu’on puisse imaginer, compte 
                    tenu de l’influence restreinte de notre mouvement. Ce 
                    gouvernement conservateur gouvernera en fait comme l’aurait 
                    fait le vieux Parti progressiste-conservateur (que Harper 
                    et ses camarades réformistes avait pourtant quitté à la fin 
                    des années 1980 à cause de ses compromissions). Il pourrait 
                    même faire moins bien  que le 
                    gouvernement de Jean Chrétien entre 1993 et 2002, alors que 
                    Paul Martin mettait un peu d'ordre dans les finances 
                    publiques, éliminait le déficit, contenait les dépenses et 
                    réduisait un peu les impôts (voir à ce sujet
                    
                    l’étude de l’IEDM sur l’évolution des dépenses fédérales au 
                    cours des dernières décennies). Outre la promesse de se 
                    retirer de l’accord de Kyoto et d’abolir le registre des 
                    armes à feu, le programme de Stephen Harper n’a pratiquement 
                    rien de clairement moins étatiste que celui de Paul Martin.
 
 Comme je l’ai écrit 
                    plusieurs fois dans mes éditoriaux et sur le Blogue du QL, 
                    la politique partisane est une perte de temps pour ceux qui 
                    veulent vraiment réduire la taille de l’État. La démocratie 
                    est un système collectiviste dont toute la logique repose 
                    sur l’achat de clientèle électorale. Ou bien on refuse de 
                    jouer ce jeu et on reste marginal; ou bien on veut 
                    absolument obtenir le pouvoir, et alors il faut abandonner 
                    ses principes libertariens et adopter une attitude 
                    opportuniste.
 
 Stephen Harper veut 
                    devenir premier ministre et a fait une excellente campagne 
                    pour y arriver. Mais pour cela, il est devenu un autre 
                    politicien étatiste insignifiant, qui au mieux maintiendra 
                    l’État fédéral canadien à sa taille actuelle, au pire le 
                    fera croître comme l’a fait George W. Bush, un président que 
                    plusieurs conservateurs admirent. Comme on dit, ça va 
                    changer le mal de place, et les rats libéraux méritent 
                    certainement une défaite spectaculaire. Mais si lui, un 
                    ancien lecteur et admirateur du QL, ne peut en fin de 
                    compte faire mieux, que peut-on espérer de plus par des 
                    moyens politiques?
 
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