Montréal, 25 juin 2006 • No 181

 

OPINION

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 
 

INTERMITTENTS: DES DANSEURS
QUI NE DANSENT PAS

 

par Michel de Poncins

 

          Les intermittents du spectacle partent en guerre chaque année, à l’approche de la saison des festivals, pour bétonner leurs avantages indus. Cette année, ils n’ont même pas eu à se mettre en grève, car le gouvernement s’est couché par avance – sans doute pour ne pas mourir debout devant d’éventuelles émeutes... Le prétexte est toujours le même: culture et tourisme, deux secteurs qui dans un pays libéré devrait relever essentiellement de la sphère privée.

 

          La nouveauté cette année est que le pouvoir de la fausse droite envisage de créer un fonds de soutien à ces professions. Le fonds exercera six missions principales: apporter un soutien financier, une aide sociale, dispenser les formations, aider à la pérennisation des emplois, détecter la vulnérabilité, accompagner la mise en oeuvre progressive de l'accord. Autant dire que ce fonds sera une nouvelle cause de ruine pour l’économie avec parallèlement l’enrichissement de ses dirigeants.

          La Cour des comptes a décrit en détails comment les intermittents créent l’effet de ruine. L’idée est que les métiers du spectacle étant précaires et comportant des phases d’inactivité, il leur faut un régime social différent des autres, en particulier pour le chômage, ceci au lieu de laisser le marché réguler leur spécificité. Tout régime spécial est générateur de combines.

          En dehors des périodes de tournage ou de spectacle, les indemnités leur sont versées s’ils ont travaillé au moins trois mois. En moyenne, ils travaillent 65 jours par an. Ces trois mois de travail effectif leur permettent de vivre. Les indemnités peuvent être très élevées et le déficit du régime est de 4 milliards.

          Quand un coiffeur travaille pour des comédiens, il a droit au statut. De ce fait, après s’être mis au chômage pour avoir la prébende, il travaille au noir. Une jeune technicienne explique: « Quand on débute, on découvre vite comment combiner pour profiter au mieux du système. »

          De 7 089 en 1980, ils sont devenus 92 000 en 2003 et probablement davantage à présent. Les métiers qui donnent droit à la prébende sont nombreux: serrurier, peintre, menuisier, électricien, maçon, tapissier, lingère,… coiffeur! Un accord a permis « d’élargir le champ des employeurs en introduisant les services annexes du spectacle, les employeurs gérant des salles de spectacle et l’industrie phonographique ».

          La Cour ne le dit pas, mais la rumeur publique affirme que certains acteurs des plus prestigieux n’hésitent pas à « bien gérer » la niche et l’on cite le nom d’une star fort connue pour sa beauté en papier glacé… Ce qui prouve que l’on peut être belle et fort intelligente dans sa gestion.
 

« De 7 089 en 1980, ils sont devenus 92 000 en 2003 et probablement davantage à présent. Les métiers qui donnent droit à la prébende sont nombreux: serrurier, peintre, menuisier, électricien, maçon, tapissier, lingère,… coiffeur! »


          Il y a un ballet national à Marseille. Pourquoi? Mystère. Mais il y existe aussi un Opéra qui dispose également d’un ballet. Il y a donc à Marseille, pour ruiner les Marseillais, un ballet national se cumulant avec le ballet de l’Opéra. Cet Opéra avait été méchamment accroché par la même Cour des comptes il y a quelques années. Le résultat était clair. Le spectateur paie sa place 30 euros pour un prix de revient d'environ 335 euros. Plus on joue, plus on chante et plus on perd.

          L'Opéra emploie 400 agents, en plus de nos habiles intermittents. Les plus privilégiés dans la distribution des faveurs semblent être les danseurs. Car, phénomène incroyable, « les danseurs ne dansent pas ». Cette citation est aussi comique que tragique, car que signifie un « danseur qui ne danse pas »? La conséquence directe de ces folies se situe quelque part ailleurs dans le chômage, l'écroulement des retraites et bien d'autres maux de la société française.

          Bien que rien ne soit clair, voici ce que l'on comprend dans cette affaire plutôt étrange et qui nous éclaire sur les formidables intérêts privés engagés dans le conflit permanent des intermittents. Ces danseurs ont, en quelque sorte, des contrats indéterminés. Mais, quand il faut un ballet, on préfère recruter pour l'occasion des intermittents. Pourquoi des intermittents alors que la vocation d'un danseur et son plaisir probable sont… de danser? La Cour n'éclaire pas ce mystère.

          Peut-être qu'à force de ne plus danser ces artistes ont-il pris quelque mauvais rhumatisme peu propice aux entrechats? À moins qu'ils ne soient eux-mêmes intermittents dans d'autres Opéras publics? (Ce qui est le plus probable.) Danseur sans danser à l’Opéra de Marseille et intermittent à Lyon ou peut-être à côté dans le fameux ballet?

          La conclusion est qu'un Opéra public ne peut jamais que susciter l'effet de ruine, comme un musée public ou un ballet public. Or, nous avons un Opéra à Toulouse, un autre à Lyon, un autre à Strasbourg et nous en oublions. Et l'Opéra de la Bastille, gouffre financier de première grandeur. Si tous les chiffres étaient clairement établis et publiés, il ne serait pas étonnant que la ruine imposée aux Français par le truchement des Opéras publics atteigne un milliard d’euros chaque année sans que les amateurs de musique ne soient jamais satisfaits, puisque le contrôle du marché, le seul valable, est par définition absent.

          En Argentine, le tango argentin s’est arrêté tout net il y a quelques années, le pouvoir étant tout aussi pourri qu’ici et le faux plancher d’un cours de change figé s’étant écroulé sous les danseurs corrompus. Enseignants fantômes, étudiants fantômes, retraités abusifs, danseurs qui ne dansent pas… Les politiques français n’en finissent pas eux aussi de danser devant le buffet et feraient bien de réfléchir à ce qui est arrivé naguère à leurs camarades argentins!
 

 

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