Montréal, 16 juillet 2006 • No 184

 

COURRIER DES LECTEURS / READERS' CORNER

 

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LES PAUVRES ET LA SÉCURITÉ PRIVÉE

 

Re.: DES POLICES PRIVÉES, le QL, no 101

 

          Vous dites sur votre site que « la police privée dans un marché libre voit son existence directement liée à la qualité de son travail. »

          Je pense au contraire que le principal argument contre les polices privées est qu'elles n'ont pas intérêt à se montrer trop efficaces, puisque leur fond de commerce, c'est justement le sentiment d'insécurité de leurs clients. On arriverait donc à un service de « qualité suffisante », mais pas réellement bon.

          Vous dites que la concurrence devrait empêcher cela, mais le libéralisme est une jungle: vous n'empêcherez pas les ententes illicites (surtout si l'État n'a plus le monopole de la police) et les quelques-uns qui voudront être honnêtes se feront bouffer par tous les autres qui veulent protéger leurs intérêts.

          Le deuxième argument est que je suis persuadé que la sécurité « privée » est et restera quelque chose de très dispendieux à cause des risques que cela implique. Or, les zones les plus chaudes sont justement peuplées de gens aux revenus modestes qui ne pourront certainement pas se l'offrir.

Pierre Colombier
 

 

Réponse de François-René Rideau:

Cher M. Colombier,

          Avec votre argument, les médecins ont intérêt à mal soigner leurs patients, les boulangers à vendre au même prix du pain inférieur en qualité ou en quantité, les fabricants de voiture à faire de la camelote qui tombe vite en panne, les marchands de vêtement à faire des vêtements de mauvaise qualité, etc., etc. Et dans un sens, oui, c'est vrai: tout producteur aurait intérêt à gruger ses clients, si cela veut dire qu'il pourra gagner plus en travaillant moins.

          Mais seul un monopole de droit peut lui permettre de conserver ses clients malgré ses mauvais services. Et seul un monopole de droit peut le garantir contre des poursuites s'il trompe ses clients ou rompt ses promesses. Sans monopole, le mauvais producteur perd ses clients au profit de ses concurrents. Sans monopole, même une apparente « position dominante » est fragile face à l'arrivée de nouveaux entrants qui satisfont mieux les clients. Sans monopole, impossible de gruger impunément, car les clients trompés se retournent contre vous. C'est la concurrence entre producteurs qui seule garantit la qualité de ces producteurs.

          Il en va pour la police comme pour l'épicerie. Dans un régime de monopole, un producteur de services de police incompétent voire malveillant conserve indéfiniment ses clients qui ne peuvent pas s'adresser ailleurs. C'est ce que l'on voit en France, où la police ne fait pas son métier (voir le désordre dans les « banlieues »), et où ceux qui voudraient voir l'ordre rétabli n'ont personne à qui s'adresser et n'ont pas le droit d'établir d'institution concurrente. Dans un régime de concurrence, le service de police indélicat perdrait sa clientèle, et serait passible de poursuites que les polices concurrentes seront ravies de faire respecter. En cas de bavure, la police nationale étouffe l'affaire. Des polices privées poursuivraient le coupable. Quand la police nationale ne fait pas son travail, il n'y a aucun recours. Quand une police privée ne fait pas son travail, elle perd ses clients qui s'adressent au concurrent... ou qui prennent les choses en main et fondent un concurrent!

          Votre description de fournisseurs indélicats qui cultivent le « sentiment d'insécurité » pour refourguer davantage de leurs fausses solutions onéreuses correspond parfaitement à la situation actuelle dans les États européens: des fournisseurs de service de sécurité, chacun en situation de monopole, font monter la pression pour que leurs assujettis exaspérés demandent davantage de ces services mauvais et onéreux, n'ayant pas le choix du fournisseur. Quant aux pauvres incapables de se défendre, c'est bien la situation dans les banlieues avec cet État clientéliste qui favorise les proches du pouvoir et laisse les pauvres impuissants sans défense.

          Associations mutuelles, compagnies d'assurances ou fondations à but non-lucratif, à l'échelle locale ou nationale voire en fédérations transnationales, les formes complémentaires que prend l'organisation volontaire des hommes sont variées, et permettent de satisfaire chacun en toute circonstance. Dans un régime de concurrence, il n'y a aucun sens à chercher « la » forme d'organisation qui prévaudra... toutes les formes d'organisation coexistent pacifiquement, et c'est la volonté individuelle de chaque consommateur qui prévaut.

          La sécurité ne sera pas « chère », car chacun pourra dépenser exactement ce qu'il estime que cette sécurité vaut en échange du service exact qu'il estime valoir en échange – et s'il ne trouve personne pour lui rendre se service, il pourra se le rendre à lui-même. S'il sait fournir de la sécurité de façon plus efficace que l'offre du marché, il est promis à un beau succès commercial! À partir du moment où chacun est libre de choisir son budget de sécurité et la façon de le dépenser, comment pouvez-vous affirmer qu'il dépense ou trop ou trop peu? Chacun dépensera exactement ce qu'il estime nécessaire. Sauf à vous prétendre un être supérieur au-dessus du commun des mortels (et alors je demanderai à voir les preuves de votre rang), vous n'avez aucun titre à leur imposer vos choix.

          Un pauvre a peu de moyen pour se défendre, mais il a peu à livrer à ses agresseurs. Des pauvres désarmés et laissés sans défense par un monopole indélicat sont des proies faciles et rentablement nombreuses. De nombreux pauvres libres de s'armer, de s'organiser en milices de protection mutuelle et de louer les services de spécialistes efficaces et organisés sont des proies difficiles et dangereusement nombreuses. Si l'on compare des populations de revenu équivalent, y a-t-il plus d'agressions par habitants dans la campagne profonde américaine armée ou dans les banlieues « désarmées » des villes sous la coupe des politiciens socialistes? Le constat est facile à faire.

          L'État, monopole de la production de services de sécurité, désarme les victimes et leur interdit de s'organiser; les criminels eux restent armés, et je compte les criminels légaux tout autant voire plus que les criminels illégaux. Seule la concurrence, qui n'est qu'un mot pour signifier la liberté des consommateurs, peut protéger les consommateurs de sécurité contre l'incompétence et la malveillance des producteurs.

F.-R. R.
 

 

 

LA DÉVALORISATION DE L'ENTREPRENEURSHIP

 

Re.: ÉLOGE DE L'ENTREPRENEUR, le QL, no 183

 

          Concernant l'« Éloge de l'entrepreneur » de Serge Rouleau, les trois derniers paragraphes m'ont amené à cette réflexion: en favorisant l'État interventionniste auprès de l'entrepreneurship au Québec par toute sortes de programmes de subventions et de crédits d'impôts pour favoriser ce dernier, on n'entretient pas justement chez certains payeurs de taxes et travailleurs la perception que les entrepreneurs profitent du système sur leur dos? Cette perception pourrait, en partie, contribuer à dévaloriser l'esprit d'entrepreneurship dans la population québécoise, donc l'inverse de l'effet recherché par les politiciens à prime abord par l'instauration de programmes de subventions aux entreprises. Ai-je tort de penser cela?

Carl Fiset
Québec

 

Réponse de Serge Rouleau:

          Il est juste de croire que les programmes de subvention et d’aide aux entreprises contribuent à dévaloriser l’entrepreneuriat auprès de la population. Les politiciens, en s’arrogeant les rôles de protecteur du citoyen et de créateurs de richesses collectives, ont ainsi relégué les entrepreneurs dans le rôle du vilain.

          Les notions d’entrepreneuriat et de gouvernement sont diamétralement opposées. L’entrepreneuriat implique la primauté des droits individuels. L’entrepreneur est un être fondamentalement libre, créateur et responsable. Il ne tolère pas l’incompétence et rejette toutes les formes d’interventions visant à limiter son droit de propriété et ses champs d’action. Par contre, la notion de gouvernement implique la primauté des droits collectifs(1). Les gouvernements limitent les droits individuels et exproprient les biens privés au moyen d’une fiscalisation usuraire sous prétexte de favoriser le bien commun. En se substituant aux individus et aux entreprises, les gouvernements multiplient le pouvoir des politiciens et encouragent l’irresponsabilité des individus et des entreprises.

          Les politiciens savent très bien que les entrepreneurs sont les principaux créateurs de richesse d’une société. Aussi, dépendent-ils largement d’eux pour faire croître l’économie et par voie de conséquence le gouvernement. Par contre, les entrepreneurs n’ont pas besoin des politiciens. L’histoire démontre qu’un environnement économique libre, c'est-à-dire avec le moins d’interférence politique possible, favorise l’entrepreneuriat et la croissance économique. L’indépendance des entrepreneurs risque de réduire considérablement le pouvoir des politiciens. Aussi, ils utilisent leur pouvoir absolu, c'est-à-dire celui de dicter les règles du jeu, pour maintenir les entrepreneurs dans un état de dépendance et s’approprier le rôle de protecteur du citoyen.

          Dans le but de contrôler les entrepreneurs et sous prétexte de protéger la population, les politiciens réglementent tout ce qui bouge. Ainsi, ils gagnent sur tous les plans. D’un côté, ils se donnent le beau rôle auprès de la population puisqu’ils protègent les citoyens des abus des entrepreneurs peu scrupuleux. De l’autre, ils peuvent mâter les entrepreneurs récalcitrants en les menaçant de nouveaux règlements ou de les soumettre aux inspections tatillonnes et répétées des fonctionnaires.

          De plus, ils utilisent les programmes de subventions et d’aide pour maintenir les entrepreneurs dans un état de dépendance. Dans les faits, ces programmes servent d’abord à promouvoir le parti au pouvoir en laissant croire à la population qu’ils sont les premiers responsables de la création de richesse. De surcroît et non pas par hasard, les largesses gouvernementales servent à remplir les coffres des caisses électorales grâce aux inévitables retours d’ascenseur.

          Ainsi, les politiciens se présentent à la population sous les rôles de protecteur du citoyen et de créateur de richesse collective. Ce faisant, ils cantonnent les entrepreneurs dans le rôle du vilain, c'est-à-dire ceux qui abusent des citoyens naïfs et quémandent l’aide gouvernementale pour mieux s’enrichir. Dans un tel contexte, faut-il se surprendre du peu de valorisation de l’entrepreneuriat?

Serge Rouleau, éditeur
le magazine nagg
 

1. À l’origine, les gouvernements représentatifs ont été créés dans le but explicite de protéger les droits des individus contre les pouvoirs abusifs des monarques. Malheureusement, au fil des siècles les politiciens ont dénaturé la mission des gouvernements en leurs attribuant des pouvoirs quasi monarchiques, dont celui d’exproprier la propriété privée.

 

 

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