Montréal, 13 août 2006 • No 188

 

OPINION

 

 Serge Rouleau est éditeur du Magazine nagg.

 
 

LES BONNES INTENTIONS NE SUFFISENT PAS

 

par Serge Rouleau

 

          Les gens sont généralement plus sensibles et réceptifs lorsque le sujet discuté fait appel à leurs émotions. Les politiciens et les représentants des syndicats et des groupes de pression l'ont bien compris. Ils utilisent des formules chargées d'émotions pour influencer l'opinion publique en faveur de leurs causes. Les enfants, les malades, les démunis, l'environnement, etc., servent à justifier les demandes des groupes de pression et les programmes gouvernementaux qui en découlent. Rarement fait-on appel à l'économie pour justifier des choix politiques.

 

          L'économie est une science fondée sur la raison et requiert un effort de compréhension que les gens trouvent plutôt ennuyeux. Pourtant, la société est assujettie aux lois de l'économie et ce n'est pas parce qu'on les ignore qu'elles ne s'appliquent pas. Par contre, en les ignorant, les gouvernements choisissent des solutions non optimales et souvent inefficaces.

          L'observateur avisé sait depuis toujours que ce ne sont pas les intentions des politiciens, des planificateurs ou des bureaucrates qui comptent. S'il n'y a pas adéquation entre les moyens utilisés et les buts visés, les bonnes intentions n'y changeront rien. Les résultats recherchés seront invariablement en deçà de ce qui a été promis. Seul un programme d'incitation approprié permet d'obtenir les résultats recherchés.

          Par exemple, un entrepreneur qui déploie de nombreux efforts pour satisfaire ses clients voit son chiffre d'affaire et ses profits augmenter. Donc, il y a un lien direct entre les efforts fournis et les bénéfices que l'entrepreneur en retire.

          Qu'arrive-t-il lorsqu'un service est fourni par le gouvernement? Le fonctionnaire, comme tout individu normalement constitué, tente de maximiser le rapport bénéfices/efforts dans ses activités journalières. Toutefois, la rémunération des fonctionnaires n'est pas liée au nombre de clients desservis ni à leur satisfaction. Pour le fonctionnaire, il n'y a pas de lien entre les efforts fournis et les bénéfices obtenus. Il doit se rabattre sur la variable « efforts » pour améliorer son rapport bénéfices/efforts. Donc, il cherchera à minimiser les efforts dédiés à servir la clientèle. Il utilisera plutôt son temps à satisfaire ses besoins personnels.

          Dans les deux cas, l'entrepreneur et le fonctionnaire cherchent simplement à améliorer leur sort. Mais, contrairement au second, le premier doit nécessairement satisfaire ses clients pour atteindre son objectif. Un programme d'incitation en relation avec les résultats recherchés motive les gens à modifier leurs comportements pour atteindre leurs objectifs.
 

« Si vous consommez deux fois plus d'essence que votre voisin, vous devrez aussi débourser deux fois plus pour bénéficier de ce privilège. Par contre, lorsque les services sont fournis par le gouvernement, il n'y a pas de lien entre le prix payé et le coût des services fournis. »


          Dans une économie de marché, le même principe s'applique aux clients. Si vous consommez deux fois plus d'essence que votre voisin, vous devrez aussi débourser deux fois plus pour bénéficier de ce privilège. Par contre, lorsque les services sont fournis par le gouvernement, il n'y a pas de lien entre le prix payé et le coût des services fournis. Ainsi, lorsque les coûts d'un service sont en deçà des coûts réels, le client aura tendance à exiger un maximum de services dans le but de maximiser le rapport bénéfices/efforts.

          L'effet combiné de ces deux facteurs a des conséquences dramatiques pour la société. Les services fournis par le gouvernement, en plus d'être coûteux et de mauvaise qualité, gonflent artificiellement la demande. Le gouvernement n'a d'autre choix que de restreindre l'offre, ce qui inévitablement crée une pénurie constante. Les groupes de pression, prétextant vouloir éliminer les pénuries et prétendant parler au nom de la population, exigent toujours plus d'argent pour leurs programmes préférés. Les politiciens, encouragés par les demandes répétées de ces groupes, créent de nouveaux programmes. Ce cycle se répète jusqu'à ce que le pays soit en faillite ou que les contribuables se révoltent.

          Quel que soit le parti au pouvoir, ou le niveau de gouvernement impliqué, le résultat est toujours le même. Les partis de l'opposition accusent le parti au pouvoir d'irresponsabilité, mais dès qu'ils sont au pouvoir, le processus reprend de plus bel.

          L'histoire démontre que les politiciens sont incapables de réduire les dépenses gouvernementales à moins d'y être obligés. Je propose donc de réduire sensiblement les revenus des gouvernements tout en maintenant l'objectif du déficit zéro. Ainsi, les gouvernements devront enfin sabrer dans les dépenses inutiles parce qu'ils n'auront plus les revenus nécessaires pour les financer. Les services qui ne seront plus disponibles auprès du gouvernement seront offerts par l'entreprise privée à des coûts et conditions beaucoup plus favorables.

          Enfin, pour se prémunir contre l'irresponsabilité des gouvernements futurs, je propose que la loi exige que les dépenses ne pouvant pas être accommodées par les revenus existants soient soumises à l'approbation populaire par voie de référendum ou à l'occasion d'une élection générale. Un tel encadrement transférerait l'influence politique des groupes de pression aux contribuables et obligerait les politiciens à choisir parcimonieusement les projets qu'ils désirent promouvoir.
 

 

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