Montréal, 27 août 2006 • No 190

 

LIBRE EXPRESSION

 

Gilles Guénette est diplômé en communications et éditeur du Québécois Libre.

 
 

LE MYTHE DU « BS » QUI SE LA COULE DOUCE EN PREND POUR SON RHUME?

 

par Gilles Guénette

 

          Le Conseil national du bien-être social, « un organisme consultatif de citoyens chargé de conseiller la ministre des Ressources humaines et du Développement social à propos des questions relatives aux personnes à faible revenu au Canada », rendait public un rapport sur l’aide sociale cette semaine. « Le tableau que nous dresse le conseil dans son rapport Revenus de bien-être social, 2005 est sombre, peut-on lire dans un communiqué de l’organisme, et la situation ne fait qu’empirer. » En gros, on apprend que le revenu en dollars constants d’une personne touchant des prestations d’aide sociale a chuté depuis 1986 et que moins de Canadiens réussissent à obtenir les dites prestations.

 

          Pour le président du Conseil, John Murphy, le gouvernement fédéral doit faire plus que seulement diminuer la TPS de 1% et offrir une prestation annuelle de 1200 $ pour les services de garde d'enfants. « Il faut augmenter le salaire minimum parce que plusieurs personnes sont sous le seuil de pauvreté», a-t-il dit. « Les gouvernements sont devenus mesquins. La population canadienne a placé les prestataires derrière des portes closes. » Décidément, les abstractions ont la cote chez les interventionnistes cette semaine! Après la « société québécoise » d’André Boisclair qui refuse « de répondre correctement aux besoins des parents qui sont bien réels », voici que la « population canadienne » place les prestataires de l’aide sociale derrière des portes closes...

          Selon la journaliste Louise Leduc de La Presse, « le mythe du "BS" qui se la coule douce en fumant et buvant de la bière toute la journée sur son balcon en prend pour son rhume: avec moins de 10$ par jour au Nouveau-Brunswick, 14$ en Alberta et 19$ au Québec, le bénéficiaire de l'aide sociale qui a encore les moyens d'acheter sa caisse de 24 a vraiment intérêt à rapporter ses bouteilles vides à l'épicerie. » La dame n’a visiblement pas entendu parler du travail au noir… Dans un papier à première vue favorable aux revendications du Conseil, elle présente le cas d’un Montréalais de 63 ans « qu'un ennui cardiaque écarte du marché du travail depuis 30 ans ». Typique. Les prestataires de l’aide sociale seraient tous des gens inaptes au travail. Pourtant, qui ne connaît pas une personne bien portante qui vit de l’aide sociale depuis des années?

          La journaliste rapporte ensuite les propos de Ruth Rose, professeure au département d'économie de l'UQAM, selon qui il faut regarder la réalité en face: « Une mère monoparentale ne peut tout simplement pas être serveuse. Le salaire minimum est très bas, les heures sans cesse coupées, quand le travail n'est pas carrément sur appel. Même en travaillant très fort, quantité de personnes n'arrivent pas à gagner leur vie. » Tout aussi typique. Sans l’aide de l’État, les gens (surtout la mère monoparentale!) ne peuvent pas s’en sortir. La réalité d’aujourd’hui est pire que celle d’hier. Et rien n’indique que les choses vont s’améliorer d’elles-mêmes. Pourtant, les choses s’améliorent. Sauf exceptions, on ne reste pas pauvre toute sa vie.
 

« Aux yeux de M. Murphy ou de Mme Rose, j’étais sans doute considéré comme un pauvre. J’avais pourtant grandement amélioré ma situation en acceptant cet emploi à 5$ l’heure – non, non, je n’ai jamais été sur l’assistance sociale. »


          J’ai vécu durant plusieurs années sous le seuil de la pauvreté. Je travaillais comme commis de plancher dans une pharmacie au salaire minimum. J’étais payé 5$ l’heure. Je réussissais tout de même à me payer un logement dans une tour du centre-ville. Aux yeux de M. Murphy ou de Mme Rose, j’étais sans doute considéré comme un pauvre. J’avais pourtant grandement amélioré ma situation en acceptant cet emploi à 5$ l’heure – non, non, je n’ai jamais été sur l’assistance sociale. Mais je ne me considérais pas comme un pauvre. Comme la plupart des gens qui travaillent au salaire minimum, je savais que tôt ou tard les choses allaient s’améliorer.

          Les gens qui sont considérés comme « pauvres » aujourd’hui par les professionnels de l’industrie de la pauvreté, ont le téléphone cellulaire, l’afficheur, le câble, les vêtements griffés, les broches dans la bouche, etc. Rien à voir avec les grosses familles pauvres de l’époque de nos grands-parents. Selon Statistique Canada, le seuil de faible revenu pour une personne seule avant impôt dans une région urbaine de 500 000 habitants est de 20 778 $ (après impôts, il est de 17 219 $). Je ne sais pas pour vous, mais il me semble que c’est beaucoup! On peut très bien vivre avec 21 000 $ par année.

          Le bien-être social, comme le définit le Conseil national du même nom, c’est « le filet de sécurité de dernier recours au Canada. Il fournit de l’argent aux personnes et aux familles qui n’arrivent pas à répondre à leurs besoins fondamentaux et n’ont plus d’autres formes de soutien. » Ce n’est pas une façon de vivre. Qu’on donne une prestation à des personnes qui ne peuvent vraiment pas travailler – parce qu’elles souffrent d’une grave maladie ou qu’un lourd handicap les empêche de fonctionner en société –, je n’ai pas de difficulté avec cela. Mais qu’on ne vienne pas me faire croire que l’État doit intervenir pour améliorer le sort de gens parfaitement en santé pour qu’ils puissent continuer de parasiter le système. On ne rend service à personne en donnant des chèques (aussi minimes soient-ils) année après année à des gens qui sont en pleine santé.
 

 

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