Montréal, 10 septembre 2006 • No 192

 

LIBRE EXPRESSION

 

Gilles Guénette est diplômé en communications et éditeur du Québécois Libre.

 
 

LES GROUPES DE FEMMES
CRAIGNENT POUR LEUR AVENIR

 

par Gilles Guénette

 

          L’incertitude plane sur le financement des groupes de femmes au Canada. C’est que d’ici la fin du mois, le gouvernement Harper doit décider du sort du Programme de promotion de la femme. Ce programme quinquennal de près de 11 millions de dollars par année qui offre du financement aux groupes de femmes et organismes de défense « du droit à l’égalité » depuis 1973 est arrivé à échéance. Inutile de vous dire que les intervenantes sont sur les dents!

 

Futurs incertains

          Déjà, nous disait-on dans un reportage diffusé à la radio de Radio-Canada, un premier organisme voué à la défense des droits des femmes a dû fermer ses portes. L’Association nationale femmes et droit, qui existe depuis plus de 30 ans, a fermé ses portes il y a deux semaines parce que sa subvention n’a pas encore été renouvelée. Imaginez, trente ans d’existence et vous êtes forcé de fermer vos portes parce qu’une subvention tarde à entrer.

          Plusieurs groupes en attente de financement, comme l’Alliance canadienne féministe pour l’action internationale, craignent le pire, c’est-à-dire que le programme soit aboli. Ce qui aurait des conséquences dramatiques selon Nathalie Goulet, du Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail: « Si le programme était aboli, ça serait la fermeture d’un très grand nombre de groupes de femmes à travers le Canada. Ça n’a absolument pas d’allure. »

          Michèle Asselin, de la Fédération des femmes du Québec, estime qu’Ottawa a l’obligation de maintenir son engagement envers les femmes: « On ne pourrait pas accepter qu’un pays riche comme le Canada se retire du financement des groupes de femmes. » Questions: les Canadiennes ne profitent-elles pas de toute la richesse qu’elles aident à créer? Les hommes canadiens sont-ils les seuls à en profiter? De toute façon, qui a dit qu’un pays riche a le devoir de subventionner des groupes de pression?
 

Dur, dur, d’être subventionné

          Les organismes subventionnés sont des créatures qui recherchent la stabilité. Leur plus grand rêve serait de fonctionner sur une base de budgets récurrents et surtout prévisibles. C’est pourquoi ils sonnent l’alarme. Les subventions fédérales leurs sont accordées au compte-gouttes, disent-ils, et ils craignent de voir disparaître l’enveloppe annuelle sur laquelle ils pouvaient compter depuis des décennies.

          À la fin 2004, ces organismes de « défense des femmes et de promotion de l’égalité » ont participé à des audiences présidées par le Comité permanent de la condition féminine qui ont accouché d’un rapport intitulé Augmentation du financement des organismes revendiquant l’égalité.

          On peut y lire que « [...] face à l’inégalité persistante entre femmes et hommes, les membres du Comité permanent de la condition féminine sont d’avis que les dépenses actuelles sont nettement insuffisantes. » Par conséquent, ils recommandent au gouvernement fédéral « d’augmenter d’au moins 25% le financement accordé au Programme de promotion de la femme de Condition féminine Canada pour les investissements dans des groupes de femmes et des organismes qui revendiquent l’égalité. Ces groupes contribuent au développement de collectivités saines et novatrices qui assurent le plein accès des femmes et des hommes. »
 

« À regarder aller ces groupes "de défense" des femmes, c’est comme si la situation de la femme n’avait pas évoluée d’un iota en trente ans au Canada. En fait, c’est comme si elle avait régressé. Qu’elle s’était détériorée. »


          Non mais sur quelle planète vivent-elles? Onze millions $ par année et ce n’est pas encore suffisant pour aplanir les soi-disant « inégalités »!? Qu’est-ce que c’est que ce charabia? Qu’est-ce qu’une collectivité saine et novatrice? En quoi est-ce que cela m’assure, à ma mère et moi, un plein accès? Un plein accès à quoi?
 

Tournées vers le passé

          À regarder aller ces groupes « de défense » des femmes, c’est comme si la situation de la femme n’avait pas évoluée d’un iota en trente ans au Canada. En fait, c’est comme si elle avait régressé. Qu’elle s’était détériorée. Une chose est sûre, la situation des groupes de pression, elle, ne s’est pas détériorée! Dans le rapport du Comité permanent de la condition féminine, on apprend que le financement du Programme de promotion de la femme est passé de 223 000 $ en 1973-1974 à 10 750 000 $ en 2004-2005.

          Peut-être que les femmes auraient plus d’argent pour mieux subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants si elles n’étaient pas aussi imposées qu’elles le sont pour financer tous ces groupes chargés de les « défendre » – et les programmes qu’ils réussissent à faire créer. Les femmes ont accès à tous les secteurs de la société (comme leurs amis, leurs frères ou leurs pères) et participent pleinement à son enrichissement.

          Dans La Presse du 31 août dernier, dans un éditorial intitulé « Les femmes et l’argent », Michèle Boisvert nous apprenait que le pourcentage des couples canadiens où la femme avait un salaire supérieur à celui du mari était de 11% en 1967. Quatre décennies plus tard, la proportion de ménages où la femme est le principal gagne-pain a triplé. « Ces chiffres […] sont le reflet de l’entrée massive des femmes sur le marché du travail et surtout de leur prise d’assaut des facultés universitaires. Plus instruites, les femmes occupent davantage d’emplois bien rémunérés. »

          Sans grande surprise, l’éditorialiste soulignait que les familles où la femme est le soutient principal ont un revenu plus bas. Mais plusieurs facteurs expliquent cette situation. « L’expérience de travail en est un, les hommes ont en moyenne 17,5 années d’expérience de travail à temps plein, contre 14,4 pour les femmes. » Et un sondage conduit récemment par la firme Decima Research perce peut-être une partie de ce mystère: « Alors qu’ils avaient à identifier ce qui les satisfait le plus dans leur travail, 26% des hommes ont répondu leur salaire. Seulement 12% des femmes considéraient le salaire comme l’élément le plus important. Par ailleurs, 44% des hommes insatisfaits de leur travail affirmaient qu’une augmentation de salaire serait ce qui les rendrait heureux; deux fois moins de femmes ont répondu de cette façon. »

          Jeudi dernier, le chroniqueur économique de La Presse, Claude Picher, soulignait que selon une étude de Statistique Canada, le taux d’activité sur le marché du travail chez le Canadiennes de 25 à 54 ans se situe à 81%. « Autrement dit, dans ce groupe d’âge, quatre femmes sur cinq occupent un emploi (à temps plein ou à temps partiel) ou sont activement à la recherche d’un emploi. C’est une des proportions les plus élevées au monde. Il s’agit d’une donnée d’autant plus remarquable que ce taux s’établissait à 70% en 1986 et à seulement 52% en 1976. En 30 ans, la progression des femmes sur le marché canadien du travail a été spectaculaire. » (« Chéri, c’est à ton tour de faire la vaisselle… », 6 septembre 2006.) Et pourtant, le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail a toujours pignon sur rue...

          Tout cela pour dire que les Canadiennes n’ont pas besoin de 11 millions $ de groupes de femmes par année pour accéder à quoi que ce soit. Elles n’ont pas plus besoin d’être protégées par une armée de groupes de femmes que les hommes de l'être par une armée de groupes d’hommes. S’il existe un écart salarial entre les deux sexes, ce n’est pas à cause d’un vaste complot visant à exploiter les femmes, ou je ne sais quoi. Cette situation s’explique de plusieurs façons, toutes plus plausibles les unes que les autres – par exemple, le rapport à l’argent des femmes versus celui des hommes, l’expérience de travail, les départs de maternité, etc.

          Les femmes sont à des années-lumière du temps où elles étaient confinées à leur cuisine... Qu’on cesse de faire comme si rien n’avait changé. À la fin du mois, souhaitons que le gouvernement Harper décide d’abolir le Programme de promotion de la femme.
 

 

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