Montréal, 15 octobre 2006 • No 197

 

OPINION

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 
 

RETOUR SUR LE MONT BLANC

 

par Michel de Poncins

 

          Mon dernier article a suscité un courrier plus important que d’habitude. Je me référais aux difficultés provoquées par le nombre croissant des grimpeurs du mont Blanc, d’où la saturation des refuges et l’apparition de beaucoup de déchets salissant la montagne. La conclusion était que la commune de Chamonix, que je pensais propriétaire du lieu, devait mettre en vente le « toit de l’Europe » et la meilleure méthode semblait de profiter du site eBay, devenu la plus importante salle des ventes du monde. Le prix obtenu serait éventuellement si considérable que la commune pourrait devenir un paradis fiscal.

 

          Le propos principal était, en fait, de bien montrer le rôle irremplaçable du droit de propriété dans toutes les questions économiques quelles qu’elles soient.

          D'abord essayons de régler la question de la propriété.

          Il semble certain, selon le courrier, que la commune de Chamonix n'est pas propriétaire mais plutôt la commune de Saint-Gervais-les-Bains. Une autre information énonce qu'en fait la propriété est partagée entre des communes du côté français et des collectivités du côté italien. Si cette dernière information est exacte, il est évident que l'idée de vendre le mont Blanc est impraticable du fait de la difficulté de mettre d'accord toutes les institutions en question.

          Mais le projet évoqué – ou le rêve, comme on veut – confirme l’importance du droit de propriété, base de l’économie de marché, dans tous les domaines.

          Des obstacles à la vente ont été cités.

          Une correspondance insiste sur l’inaliénabilité du mont Blanc qui relève du domaine public. Nous voici au coeur d’un des problèmes de l’économie administrée avec toutes les calamités qui en découlent. Un capital ne peut être correctement géré que s'il est aliénable en permanence. En effet, il est destiné à donner du revenu ou des services et doit être vendu, s’il ne donne plus les revenus ou les services que le propriétaire attend de ce capital. Le rendre inaliénable, c’est le frapper de stérilité. Un pouvoir « libérateur » en France devrait vendre un très grand nombre de biens dits publics.

          La stérilisation conduit aux fraudes. Cela va jusqu'au vol pur et simple – un tapis de vingt mètres carrés de la Savonnerie a dévalé les étages, il y a quelques années, pour aller se réfugier dans la cave de l'immeuble prestigieux où il se trouvait. Ensuite il a disparu, tel un tapis volant… Une telle rapine n'a pu être réalisée que par une personne de très haut niveau et les grandes rapines masquent une foule de petites rapines qui s'exercent sur tout le patrimoine public.

          L’entorse grave au droit de propriété qu’est l'impossibilité d'aliéner le domaine public joue un rôle important bien que non mesurable dans la paupérisation croissante de la France.

          Un autre courrier dit que, depuis janvier 1985, l'aménagement et le développement des zones de montagne relève de la « loi montagne » et qu'en plus, lorsque les montagnes relèvent de plusieurs États, elles sont tributaires de conventions internationales. Le fait qu'il y ait « une loi montagne » est une atteinte aux droits de propriété qui ne peut que générer des calamités, comme indiqué plus haut.
 

« Le droit de propriété et la liberté qu'il sous-tend ont pour effet de créer de la richesse d'une façon que l'on ne peut pas prévoir à l'avance, puisque justement c'est l'imprévisible qui se produit. L’économie de marché va sans cesse à la découverte de nouvelles richesses, comme dans un territoire inconnu. »


          Il reste à évoquer la valeur du mont Blanc si, contrairement à toute probabilité, il était mis en vente et j’avais fait preuve d'un certain optimisme. C'est justement l'occasion de montrer encore sous un autre plan l'intérêt du droit de propriété.

          Le droit de propriété et la liberté qu'il sous-tend ont pour effet de créer de la richesse d'une façon que l'on ne peut pas prévoir à l'avance, puisque justement c'est l'imprévisible qui se produit. L’économie de marché va sans cesse à la découverte de nouvelles richesses, comme dans un territoire inconnu.

          Le site eBay, justement, est devenu en peu d'années la plus puissante salle des ventes du monde. Personne, il y a quelques années, n’aurait pu prévoir une telle création. Probablement les créateurs eux-mêmes n'imaginaient pas leur futur succès, sauf dans leurs rêves les plus fous. Or cette « impossibilité » s'est réalisée et c'est le fruit de la liberté d’action que donne le droit de propriété sur son propre travail dans le domaine de l’Internet, lequel échappe largement aux États. Il se vend sur eBay des objets tout à fait insolites et le monde entier, c'est-à-dire des milliards d'hommes, peuvent enchérir.

          Des doutes ont été émis sur la possibilité de retirer une somme importante du mont Blanc: « Cela ne servirait à rien pour un milliardaire d’en être propriétaire ». Revenons encore à l’action de découverte que crée le capitalisme. L’on ne saurait ce qu'on peut en faire que le jour où quelqu'un l’aurait acheté et, dès maintenant, sans grande imagination, il est possible de penser à des utilisations spectaculaires.

          Quels pourraient être les clients éventuels? J’avais indiqué qu'étant donné le nombre de milliardaires en croissance exponentiel sur la planète, certains d'entre eux pourraient se disputer la propriété de ce site incomparable.

          Pour bien comprendre cet attrait éventuel, il faut se référer à la valeur psychologique de l'argent. À mesure que l'argent à la disposition d'une seule personne augmente, il est évident que sa valeur relative diminue. De nombreux milliardaires ont des dizaines de résidences dans lesquelles ils ne se rendent jamais et qui pourtant, malgré toute délégation de signature, leur demandent du travail. Pourquoi l’un d'entre eux n’achèterait-il pas le mont Blanc, ne serait-ce que pour montrer son immense richesse? Beaucoup de milliardaires se disputent dans les enchères des tableaux mirifiques, qui se révèlent à l’occasion être des faux!

          Ce qui se produit sur le « toit de l’Europe » n’est certes qu’une modeste péripétie. Beaucoup de « parlottes » vont s’enchaîner à ce sujet et une pluie de règlements risque d’en sortir avec les effets négatifs habituels.

          Attendons calmement la suite.
 

 

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