Montréal, 5 novembre 2006 • No 200

 

PERSPECTIVE

 

Jean-Louis Caccomo est économiste à l'Université de Perpignan et auteur de L’épopée de l’innovation. Innovation technologique et évolution économique (L’Harmattan, Paris 2005).

 
 

PRÉSIDENTIELLES DE 2007:
LETTRE AUX LIBÉRAUX!

 

par Jean-Louis Caccomo

 

          Sur une radio de grande écoute, j’écoutais récemment un débat à l’occasion duquel les invités regrettaient la disparition de grands intellectuels à l’instar de Sartre et toute sa clique. Puis j’ai rapidement compris que, pour eux, les grands intellectuels ne pouvaient être engagés qu’à gauche. Intellectuel voulait dire: « celui qui développe un discours critique par rapport au marché et à l’ordre établi ».

 

          Dans cette grille de lecture reposant sur des définitions imposées, Aron et Revel n’étaient même pas cités au rang des intellectuels regrettés tandis que les philosophes actuels étaient considérés comme des « moralistes médiatiques adoubés par le pouvoir néolibéral ».

          J’en reste encore songeur. En France, la promotion des idéologies dont l’application fidèle et scrupuleuse a abouti aux camps de travail, à la famine et à la déportation, en Russie, en Asie ou en Afrique, fait de vous un « intellectuel engagé ». Par contre, la diffusion de la philosophie libérale qui fut la condition de la libération des peuples et de l’augmentation de leur niveau vie, conséquence logique de la reconnaissance des droits fondamentaux des individus, ne vous permet pas même de prétendre au rang de penseur.

          S’il y a un changement climatique, en France, c’est le climat intellectuel qui devient malsain et qui annonce un retour inquiétant de tous les obscurantismes. Mais il est connu qu’il n’est pire sourd que celui qui ne veut rien entendre. Les philosophes et penseurs libéraux ont laissé des oeuvres inestimables à la postérité permettant une éclosion de la pensée libérale à la fin du XXe siècle qui a nourri la pensée et fondé l’action politique. Mais voilà, à partir du moment où l’on a considéré que le libéralisme ne saurait être une pensée, qu’un intellectuel ne pouvait être libéral, nos penseurs officiels décrètent qu’il n’y a plus d’intellectuels, regrettant ces intellectuels parisiens qui s’extasiaient devant Staline ou Mao.
 

Comment mon pays a-t-il pu tomber si bas?

          Depuis plus de 30 ans, c’est la gauche qui dicte les règles du débat politique et impose sa vision de la société. Et la droite s’incline devant son diktat parce que ses représentants ont simplement peur de perdre leur place confortable. Je ne veux ni de cette gauche, ni de cette droite engluée dans un conservatisme devenu suicidaire alors que les finances publiques ne sont plus maîtrisées et que l’État-providence est à bout de souffle. Il est temps de partir sur de nouvelles bases ou bien la France sera mise sous tutelle.

          La France a donc besoin d’une politique libérale (libéralisation, décentralisation, ouverture à la concurrence); mais qui la mettra en oeuvre? Peut-on croire un instant que, parmi les candidats favoris, il y a celle ou celui qui entreprendra les réformes structurelles qui ont été systématiquement enterrées par les partis qu’ils représentent?

          C’est pourquoi je me suis réjoui de la création de Alternative Libérale qui envoie dans la course aux présidentielles son président Édouard Fillias. Bien sûr, ce parti est tout récent et ne pourra pas modifier la donne en 2007. Mais c’est aujourd’hui qu’il faut se lancer dans la course si l’on veut être aux rendez-vous historiques qui attendent toujours un pays au bord du gouffre.

          À mon avis, les dés sont jetés pour la France dont les politiques n’ont pas changé de cap depuis les trente dernières années. Le débat pour les présidentielles de 2007 se fait déjà à l’intérieur de grands cadres imposés par la gauche, notamment à travers les médias (et les « peoples ») dont la grande majorité est acquise à la gauche et trouve sympathique les Besancenot, Bové et autres farfelus de la révolution rouge. Dans ce contexte biaisé, il n’est pas étonnant de voir les candidats socialistes rivaliser en promesses démagogiques: Dominique Strauss-Kahn promet de relever le SMIC à 1500 euros tandis que Laurent Fabius fustige la loi du profit. En face, la droite répond en promettant de redonner du pouvoir d’achat. Refrain archi ressassé pour cautionner des politiques conjoncturelles usées.
 

« À mon avis, les dés sont jetés pour la France dont les politiques n’ont pas changé de cap depuis les trente dernières années. »


          Personne ne veut écouter les avis du dernier prix Nobel d’économie? Mais ne plaide-t-on pas en France pour un prix Nobel alternatif? Il est vrai que les économistes français officiels ont développé une « science économique » incompréhensible pour le reste du monde, pour les responsables d’entreprises et pour les étudiants qui fuient en masse cette filière aujourd’hui discréditée. Mais il semble que cette science n’ait pas fait de véritables miracles sur notre propre économie: elle aurait même cautionné les pires maladresses car nos dirigeants ont sans doute fait plus de mal à notre propre économie que tous les chocs pétroliers réunis…

          Comment donc des responsables politiques, dont le mandat et la mission consistent à gérer les deniers publics, peuvent-ils continuer à tenir encore de tels discours alors qu’ils laissent à chacun de leur passage au pouvoir un état des lieux catastrophiques en termes de finances publiques? Comment peuvent-ils ensuite prétendre donner des leçons aux entreprises (qui sont obligées de bien tenir leur budget) ou même aux ménages dont le revenu disponible rétrécit au fur et à mesure que s’alourdissent les prélèvements sociaux et fiscaux?

          Il faut donc d’ores et déjà se projeter pour les 15 prochaines années, le temps de faire émerger une nouvelle génération. Ceux qui sont actuellement en place ne changeront pas le cap. Il incombera à cette nouvelle génération de sortir la France de cette impasse qui la condamne à un déclin économique irréversible. Sans une économie solide et prospère, rien d’autre n’est possible: ni social, ni culture, ni influence dans le monde, ni recherche scientifique. Et la seule économie qui fonctionne, c’est l’économie de marché. Le message est simple mais incompréhensible pour des esprits déstructurés par des années de lavage de cerveaux.

          Pour faire admettre cette réalité, il faudra donc sortir des pièges tendus par la gauche. Ce sera un combat difficile car la gauche contrôle en ce moment le système éducatif (qui formate les esprits dès le plus jeune âge) et le système médiatique (qui remplit les esprits en fabriquant une « opinion publique »). L’effet conjugué et continuel de l’éducation nationale et des médias constitue ce fameux lavage de cerveaux dont le résultat le plus visible est que la grande majorité des Français ne font pas confiance à la libre entreprise tandis que la grande majorité des étudiants aspirent à passer un concours.

          Et à chaque fois que la gauche arrive au pouvoir, elle assimile ses apports à des « acquis » que nul ne saurait remettre en question, terrorisant ainsi le moindre opposant à ces prétendus acquis. À l’entendre, ses conquêtes sont tellement indiscutables que nul n’aurait le droit de les remettre cause. Quelle prétention!

          Et à chaque fois que la gauche veut conquérir le pouvoir, elle annonce qu’elle cassera ce qu’a fait la droite. Et la droite se laisse piéger. C’est alors à la droite de se justifier sur la sécurité sociale, sur les 35 heures, sur les emplois « jeunes »… alors que ce sont des idées de gauche!

          À son arrivée à l’Élysée, Mitterrand a installé ses amis dans les arcanes dorés du pouvoir, plaçant ses journalistes, changeant les recteurs d’académie… Puis quand Chirac est arrivé au pouvoir, il a promis qu’il ne ferait pas de chasses aux sorcières. Mais les autres ne se sont pas gênés! En ne faisant pas la « chasse aux sorcières », il s’est alors montré complice d’une politique qu’il a feint de combattre, trompant et désorientant son propre camp. Dire que certains présentaient Jacques Chirac comme le Reagan français dans les années 1980.

          Et c’est ainsi depuis plus de deux décennies…

          Les Français sont ainsi peu à peu devenus prisonniers d’un système qui rend toute véritable alternance impossible: pour conquérir le pouvoir, la droite se croit obligée de consolider les politiques de gauche, en récupérant les mauvaises idées de la gauche. Il appartiendra aux libéraux de remettre en cause ce compromis bancal qui fait de notre démocratie un simulacre de démocratie.

          Le temps n’est plus au consensus qui dégénère en pensée unique laquelle interdit toute action, toute véritable politique. Pour faire une politique, il faut un programme et des circonstances. Seuls les libéraux ont aujourd’hui un programme clair et les circonstances joueront en leur faveur s’ils savent faire la pédagogie du libéralisme.

          Choisis ton camp, camarade!
 

 

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