| Ayant posé cette théorie, les juges majoritaires concluaient que les 
			dons du syndicat en l’espèce n’étaient pas suffisamment reliés aux 
			préoccupations de l’unité de négociation et qu’ils violaient donc la 
			liberté d’association de Lavigne, mais que cette violation était 
			justifiée en vertu de l’article premier de la Charte. Ils devaient 
			donc finalement rejoindre les juges dissidents quant à la décision 
			et au résultat concret, bien qu’ils aient divergé sur le fond.
 
 ii – Les juges minoritaires
 
 Les juges Wilson et L’Heureux-Dubé (motifs rédigés par Wilson), 
			appuyés essentiellement par le juge Cory, concluaient que la formule 
			Rand ne viole pas l’alinéa 2 d) de la Charte parce que la Charte ne 
			protègerait pas la liberté de ne pas s’associer.
 
 Citant l’ancien juge en chef Dickson dans une autre affaire(7), les 
			juges minoritaires expliquent ainsi le rôle de la liberté d’association:
 
 
			
				|           La liberté 
				d’association, c’est la liberté de s’unir dans la poursuite d’un 
				objectif commun ou pour promouvoir une cause commune. |            Aucune mention d’une obligation quelconque de 
			s’unir jusqu’ici. Poursuivant dans leur référence au juge Dickson:
 
			
				|           À mon sens, la 
				garantie constitutionnelle de la liberté d’association vise à 
				reconnaître la nature sociale profonde des entreprises humaines 
				et à protéger l’individu contre tout isolement imposé par l’État 
				dans la poursuite de ses fins. |            Il est dommage que ceci n’ait pas attiré 
			l’attention de la Cour, mais on aurait déjà dû admettre, à ce stade, 
			que l’adhésion forcée à un groupe constitue nécessairement un 
			isolement imposé à l’individu dans la poursuite de ses fins qui ne 
			sont pas partagées par le groupe et qui ne sont réalisables que dans 
			l’environnement contrôlé par celui-ci.
 Quoi qu’il en soit, sur la foi de certains passages de jurisprudence 
			sélectionnés, les juges minoritaires déterminaient que le but visé 
			par la liberté d’association est de « protéger la poursuite 
			collective d’objectifs communs ». Les juges majoritaires 
			rectifiaient heureusement cette interprétation dans leurs motifs en 
			reconnaissant que cette protection sert en fin de compte des 
			aspirations individuelles (voir ci-haut).
 
 S’il n’en 
			avait tenu qu’aux juges dissidents dans Lavigne, le caractère 
			individualiste de la liberté d’association aurait donc été 
			entièrement évacué pour ne donner protection qu’à la poursuite 
			d’objectifs communs. Pourtant, il semble que la facette 
			individualiste ou « égoïste » du besoin d’association ou de 
			non-association ne saurait être remise en question lorsque l’on va 
			au-delà des textes et que l’on s’attarde à la réalité des personnes 
			elles-mêmes. Comme le philosophait Francesco Alberoni, « La 
			solidarité n’existe pas: n’existe qu’une coalition d’égoïsmes. 
			Chacun reste avec les autres pour se sauver soi-même »(8).
 
 iii – Remarques
 
 Que l’arrêt Lavigne ait consacré qu’une personne cherche à 
			s’associer pour servir ses aspirations propres plutôt que celles des 
			autres était une victoire en soi pour la liberté au Canada, malgré 
			le résultat auquel devait mener la décision. Pour plusieurs, le fait 
			même qu’il ait pu y avoir un débat corsé à savoir si la liberté de 
			s’associer inclut la liberté de ne pas s’associer peut être 
			troublant. Mais dans un contexte où le socialisme et le 
			collectivisme ont fait d’aussi importantes avancées depuis les 
			dernières décennies, et où les fondements sur lesquels s’appuient la 
			liberté et la civilisation ont été progressivement oubliés 
			parallèlement à ces avancées, rien ne saurait être pris pour acquis 
			et ce gain dans Lavigne doit être considéré comme important.
 
 
			
				| IV – L’arrêt Advance Cutting |            Dans l’affaire Advance Cutting, la Loi sur la 
			construction du Québec était soumise à l’appréciation de la Cour 
			suprême, et plus particulièrement ses dispositions exigeant que 
			toute personne souhaitant obtenir un certificat de compétence en 
			construction au Québec (nécessaire pour travailler sur un chantier) 
			devienne membre de l’un des cinq groupes syndicaux identifiés à la 
			loi. Les appelants ont fait valoir que cette obligation est 
			inconstitutionnelle car portant atteinte au droit de non-association 
			reconnu comme faisant partie de la liberté d’association protégée 
			par l’alinéa 2 d) de la Charte. 
 Huit des neuf juges confirmaient l’opinion de la majorité dans 
			Lavigne et se dire d’avis que la liberté d’association comprend la 
			liberté de ne pas s’associer. Seule la juge L’Heureux-Dubé devait 
			poursuivre dans la voie de la dissidence rendue dans Lavigne.
 
 La Cour déterminait ensuite, à cinq contre quatre, que la Loi sur 
			la construction viole la liberté d’association protégée par la 
			Charte. Toutefois, toujours à cinq contre quatre (le juge Iacobucci 
			« changeant de camp » sur ce point), elle déterminait que cette 
			violation se justifiait en vertu de l’article 1 et déclarait la loi 
			valide constitutionnellement.
 
 i – Les juges majoritaires
 
 Les juges Lebel, Gonthier et Arbour (motifs rédigés par Lebel), au 
			dispositif desquels souscrivaient les juges Iacobucci et L’Heureux-Dubé, 
			ont proposé, dans leurs motifs, une analyse du contexte historique 
			de la construction au Québec et du syndicalisme dans cette industrie 
			que l’on ne peut aborder ici, faute d’espace.
 
 Abordant ensuite la liberté d’association elle-même, ils 
			confirmaient la nature individuelle de cette liberté:
 
 
			
				|           Notre Cour est 
				d’avis que, même si le droit d’association représente un 
				phénomène social qui crée un lien entre des personnes, il 
				revient d’abord à l’individu. Ce droit favorise 
				l’accomplissement de soi en permettant à la personne de 
				développer ses qualités en tant qu’être sociable. Le fait de se 
				livrer à des activités légales avec d’autres est protégé par la 
				Constitution. L’analyse est axée sur l’individu, non sur le 
				groupe. |            Les juges convenaient toutefois que si violation à 
			la liberté d’association il y a, la loi est justifiée en vertu de 
			l’article premier de la Charte.
 Ceci étant dit, tout comme dans Lavigne, l’affaire Advance Cutting a 
			amené la Cour à se pencher sur l’argument de la coercition 
			idéologique que peut entraîner l’adhésion ou la contribution forcée 
			à des syndicats. Le débat tenu mérite que l’on s’y intéresse:
 
 
			
				|           Pour tirer une telle 
				conclusion, il faudrait que notre Cour prenne connaissance 
				d’office de la présumée tendance idéologique des syndicats 
				québécois. [...]
 La participation des syndicats aux débats politiques et sociaux 
				est un fait bien connu et bien documenté, et pourrait faire 
				l’objet de la connaissance d’office. [...]
 
 Prendre connaissance d’office du fait que les syndicats 
				québécois ont une idéologie constante, appuient continuellement 
				une cause ou une politique particulière et cherchent à imposer 
				cette idéologie à leurs membres semble prêter beaucoup plus à 
				controverse.
 |  ii - Les juges dissidents
 On pourra reprocher aux juges majoritaires d’avoir été timides sur 
			ce sujet. Les juges dissidents, à savoir la juge en chef McLachlin 
			et les juges Major, Bastarache et Binnie (motifs rédigés par 
			Bastarache) l’étaient beaucoup moins et ont abordé la question de 
			face. Référant à l'auteur canadien David
			Wright(9):
 
 
			
				|           Il affirme que les 
				syndicats ont joué un rôle important dans l’évolution du Nouveau 
				Parti démocratique et du Parti Québécois, que leur objet 
				transcende la négociation collective au nom des membres et que 
				l’un de leurs buts fondamentaux est la représentation politique 
				des membres. |            Référant ensuite aux auteurs 
			Jean Boivin et Jacques Guilbault(10):
 
			
				|           Au-delà de son rôle 
				de parti souverainiste, qui est d’ailleurs sa principale raison 
				d’être, le Parti Québécois ne s’est pas caché pour affirmer son 
				« préjugé favorable aux travailleurs » sans pour autant être un 
				véritable parti travailliste, comme c’est le cas du Labor Party 
				en Angleterre ou même du NPD au Canada. Cet aspect du programme 
				politique du PQ, en plus de s’expliquer par les traditionnelles 
				raisons électoralistes, correspond à la réalité sociologique de 
				ce parti qui, nous l’avons déjà dit, s’appuie largement sur les 
				mouvements populaires et les militants syndicaux de toutes les 
				centrales. |            Toujours selon les juges dissidents, l’exercice du 
			pouvoir par le PQ depuis 1976 a permis de vérifier l’ampleur de ce 
			« préjugé favorable aux travailleurs », et a amené les diverses 
			organisations syndicales à préciser leur véritable orientation 
			idéologique. Plus loin, rappelant qu’être membre d’un groupe a un 
			sens et jugeant utile de citer à nouveau Boivin et Guilbault:
 
			
				|           Le discours 
				politique actuel de la FTQ se situe dans la même perspective que 
				la social-démocratie vers laquelle tend le PQ, même si 
				formellement aucun lien d’affiliation ne réunit ces deux 
				organisations. [...]
 Par ailleurs, s’il est plutôt facile de comprendre la sorte de 
				régime économique dont la CSN et la CEQ ne désirent pas (le 
				capitalisme), il est cependant beaucoup plus ardu de connaître 
				le type de société souhaité. [...]
 
 Si la CSD ne cherche pas à détruire le système capitaliste dans 
				lequel elle vit, elle désire quand même y apporter de profondes 
				modifications [...] 
				(11).
 |            Les juges dissidents concluaient que la loi 
			amenait donc une forme de coercition qui ne peut pas être totalement 
			séparée de la conformité idéologique. Leurs propos étaient sans 
			équivoque quant à la nature générale de la loi. Rappelant ces termes 
			du juge Dickson:
 
			
				|           Le travail est l’un 
				des aspects les plus fondamentaux de la vie d’une personne, un 
				moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout 
				aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. 
				L’emploi est une composante essentielle du sens de l’identité 
				d’une personne, de sa valorisation et de son bien-être sur le 
				plan émotionnel(12). |            Ils tiraient ensuite les conclusions suivantes:
 
			
				|           Dans cette affaire, 
				il y a manifestement atteinte à la liberté de ne pas s’associer.
				[...] C’est un cas manifeste de 
				coercition gouvernementale, où les travailleurs du secteur de la 
				construction au Québec sont forcés de se regrouper en quelques 
				syndicats désignés et approuvés par le gouvernement.
				[...]
 Des travailleurs peuvent être absolument contre l’adhésion 
				syndicale pour différentes raisons, mais ils doivent faire 
				abstraction de leurs croyances et convictions, qu’elles soient 
				de nature morale, religieuse ou politique, s’ils veulent 
				travailler dans le secteur de la construction au Québec. Ce sont 
				les seuls travailleurs à être ainsi touchés. 
				[...]
 
 Comme je l’ai dit, la conformité idéologique entre en jeu 
				surtout parce que les membres des associations participent par 
				nécessité à un régime d’association forcée et de contrôle 
				étatique des possibilités d’emploi, et l’appuient indirectement. 
				C’est un cas où les droits démocratiques des travailleurs sont 
				retirés. être forcé d’accepter un régime restreignant de façon 
				importante le principe démocratique en matière de relations du 
				travail et d’y participer constitue une forme de coercition qui 
				ne peut pas être totalement séparée de la conformité 
				idéologique. Si le législateur prévoyait qu’une personne devait 
				être membre d’un parti politique donné pour avoir un emploi dans 
				la fonction publique du Canada, la situation serait analogue. 
				Certains prétendraient qu’on n’est pas obligé de croire et qu’il 
				suffit d’être membre, mais, comme je l’ai affirmé au par. 16, je 
				pense qu’il y aurait toujours une conformité idéologique 
				évidente.
 |            Les juges prenaient notamment la peine de préciser 
			qu’en l’espèce, les dispositions contestées de la loi ne visaient 
			pas à protéger le public en garantissant la compétence des 
			travailleurs, le certificat de compétence ayant principalement pour 
			but de maintenir la priorité d’embauche.
 iii - La juge Claire L’Heureux-Dubé
 
 Dans Advance Cutting, faisant fi d’Alexis de Tocqueville ou de la 
			Déclaration universelle des droits de l’homme, la juge 
			L’Heureux-Dubé persiste et signe dans sa vision strictement 
			collectiviste de la nature de la liberté d’association. Réitérant sa 
			dissidence dans Lavigne, elle ajoute notamment ce qui suit à son 
			exposé:
 
 
			
				|           Il existe une raison 
				additionnelle pour laquelle la « poursuite collective d’objectifs 
				individuels » n’entre pas dans le cadre de l’analyse de la 
				liberté d’association. L’interaction des individus entraîne un 
				élément de synergie dans la société. La simple addition 
				d’objectifs individuels ne suffit pas. La société est plus que 
				la somme de ses parties. Autrement dit, une rangée de taxis 
				n’équivaut pas à un autobus. |            Il est étrange que cette remarque inspirante de la 
			juge l’ait amenée à se conforter dans l’idée que la liberté 
			d’association ne comporte pas de facette individualiste. On doit 
			être d’accord avec elle pour affirmer que l’interaction entre 
			individus entraîne un élément de synergie dans la société et crée un 
			ordre supérieur à ce qui existerait sans interaction humaine. Mais 
			on doit refuser sa vision comme quoi les seules interactions 
			productives en ce sens sont celles réalisées par le truchement 
			d’associations, et d’autant plus lorsque ces interactions ou 
			associations sont forcées et non libres.
 Ce sont justement les simples additions d’objectifs individuels qui, 
			amenant les individus à poser des actions ou à interagir en vue de 
			les atteindre dans un cadre de coopération volontaire, créent la 
			grande société et la civilisation que nous connaissons. Pour 
			reprendre Adam Smith une énième fois, « Ce n'est pas de la 
			bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger qu'il faut 
			espérer notre souper, mais de leur propre intérêt »(13).
 
 iv - Remarques
 
 On peut regretter que la Cour n’ait pas accordé plus d’importance 
			aux propos qu’elle tenait elle-même dans Lavigne, alors qu’elle 
			indiquait à fort juste titre que « l’association forcée étouffera la 
			possibilité pour l’individu de réaliser son épanouissement et son 
			accomplissement personnels aussi sûrement que l’association 
			volontaire la développera ». En laissant passer des violations aussi 
			importantes à la liberté d’association justifiées par des 
			préoccupations comme « le besoin de préserver la paix industrielle », non seulement accepte-t-on de présumer que la paix industrielle 
			n’est possible qu’en autorisant la coercition syndicale, mais on 
			néglige qu’une paix maintenue par la force n’est jamais une 
			véritable paix.
 
           C’est Karl Marx qui, dans Le Capital, nous 
			invitait à ne considérer que les possibilités collectives qu’offre 
			l’association:
 
			
				|           En agissant 
				conjointement avec d'autres, dans un but commun, et d'après un 
				plan concerté, le travailleur efface les bornes de son 
				individualité, et développe sa puissance comme espèce. |            Ces écrits, sur lesquels repose toujours la 
			philosophie syndicale, sont intéressants en ce qu'ils placent bien 
			le débat qui doit s'articuler autour de la liberté d'association. On 
			ne peut effectivement nier qu'une fois associées, des personnes 
			peuvent réaliser des objectifs qu'elles n'auraient pas pu réaliser 
			individuellement. En ce sens, les bornes de l'individualité sont 
			dépassées, et Marx et de Tocqueville se rejoignaient à cet égard.
 Toutefois, ce que Marx et les groupes syndicaux omettent, sciemment 
			ou naïvement, et ce qui explique pourquoi la Cour suprême devrait 
			tempérer l’importance qu’elle accorde aux possibilités collectives 
			qu’offre l’association lorsqu’elle examine la nature de la liberté 
			d’association et les justifications légitimes à sa violation, c'est 
			que le groupe ne peut permettre d'effacer que les bornes priorisées 
			par le groupe et non les autres.
 
 Le professeur Hayek remarquait avec justesse que bien qu’un individu 
			peut voir son intérêt principal être promu et avancé par le groupe 
			dont il est membre, ce seul intérêt organisable peut être moins 
			important pour lui que la somme de tous ses autres intérêts(14). 
			Ainsi, pour un individu qui ne partage qu'une seule priorité avec le 
			groupe, même sa plus importante, le groupe devient un instrument de 
			confinement lorsqu'il l'empêche de poursuivre ses autres 
			aspirations.
 
 De dire que le groupe permet de dépasser les bornes de 
			l'individualité ne sera donc vrai que pour certains (ceux qui ont le 
			plus d'intérêt dans les priorités poursuivies par le groupe) et faux 
			pour les autres. De tenir la philosophie marxiste comme une vérité 
			absolue qui ne saurait être questionnée dénature le débat lorsque 
			vient le temps d’établir les fins à poursuivre en définissant le 
			cadre de protection de la liberté d’association.
 
 La science économique, trop souvent négligée par les tribunaux 
			comparativement aux sciences sociales, pourtant abstraites et 
			incertaines, mérite d’être effleurée l’espace de quelques lignes. 
			Résumant sa pensée et celle d’auteurs l’ayant précédé, Hayek 
			expliquait (sans limiter son commentaire aux seuls syndicats) que 
			règle générale, contrairement à la croyance populaire souvent 
			induite en erreur par l’usage de mots tels que « collectif » et 
			« social », les intérêts particuliers des groupes organisés vont 
			habituellement à l’encontre des intérêts de la société prise dans 
			son ensemble:
 
 
			
				|           It is only through 
				the efforts of the marginal producers who can earn a living by 
				rendering their services much below the value which the 
				consumers would be prepared to pay if the total supply were 
				smaller, that we are assured of plenty and that the chances of 
				all are improved. The collective interests of the organized 
				groups, on the other hand, will always be opposed to this 
				general interest and aim at preventing those marginal 
				individuals from adding to the total supply(15). |            Ce principe s’applique bien au contrôle de l’offre 
			et de la demande de la main-d’oeuvre par des groupes organisés, comme 
			dans l’affaire Advance Cutting. Ainsi, les certificats de compétence 
			en construction, utilisés pour contrôler l’entrée sur le marché du 
			travail dans ce secteur, promeuvent peut-être bien les intérêts des 
			groupes syndicaux dans la construction, mais ils ne servent pas 
			nécessairement les intérêts de la société en général.
           La Cour suprême a accepté et confirmé que la 
			liberté d’association revient d’abord à l’individu, qu’elle sert en 
			fin de compte à promouvoir des aspirations individuelles. C’est dans 
			l’analyse du test de l’article 1, lorsqu’elle examine la valeur des 
			justifications invoquées par les gouvernements pour expliquer les 
			mesures violatrices de la liberté d’association que sont la formule 
			Rand et l’adhésion forcée à des syndicats, que la Cour tend à 
			reléguer aux oubliettes les principes fondamentaux qu’elle consacre 
			pourtant sur le fond avec éloquence. L’intérêt des syndicats (et des 
			politiciens, certains diront) finit par l’emporter sur la Charte et, 
			incidemment, sur l’individu.
 Il n’était pas possible de traiter ici en profondeur du test de 
			l’article 1. Observons qu’il reste essentiellement à convaincre la 
			Cour de faire le pont entre la théorie et la pratique, ou à 
			convaincre nos gouvernements de ne pas agir en fonction des 
			campagnes électorales et de refuser de sacrifier la liberté de tous 
			et chacun au profit des intérêts de groupes organisés qui peuvent 
			les appuyer ponctuellement. Comme on l’a vu, les intérêts des 
			groupes organisés vont souvent à l'encontre des intérêts de la 
			société prise dans son ensemble.
 
 Dans Advance Cutting, la stabilité d’emploi supposément garantie par 
			le régime s’opère forcément au détriment des chercheurs d’emploi. Et 
			globalement, chacun d’entre nous, riches et moins riches, afin de 
			permettre au gouvernement d’assurer la syndicalisation complète de 
			l’industrie de la construction et d’éviter que des entreprises 
			non-syndiquées puissent y compétitionner, a renoncé à la possibilité 
			de prix plus abordables sur les habitations.
 
 Il reste une longue route à parcourir au Canada avant que la liberté 
			ne l’emporte dans le domaine des relations de travail. La formule 
			Rand semble pratiquement intouchable tant que le syndicat ne 
			distribue pas l’argent de ses membres au Nicaragua. Une pierre a 
			toutefois été posée lorsque la nature individuelle de la liberté 
			d’association a été reconnue et, à long terme, en construisant sur 
			ces principes fondamentaux, on peut envisager un jour où, au Canada, 
			il sera possible pour toute personne souhaitant gagner honnêtement 
			sa vie d’occuper son emploi en s’associant à d’autres lorsqu’elle le 
			souhaite, sans être forcée de supporter des activités contraires à 
			ses valeurs lorsqu’elle ne le souhaite pas.
 
 
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