Montréal, 25 mars 2007 • No 218

 

OPINION

 

 Serge Rouleau est éditeur du Magazine nagg.

 
 

SOUVERAINISME
NE RIME PAS AVEC ÉTATISME

 

par Serge Rouleau

 

          Marc Dean, ex-président de la Société nationale des Québécois et des Québécoises de la Capitale (SNQC) disait:
 

          L’indépendance, la souveraineté, la séparation, la sécession ou exercer en toute liberté le pouvoir de faire ses lois, de percevoir tous ses impôts et d’établir des relations internationales avec qui l’on veut. Construire un pays à son image. Se donner la chance de vivre l’expérience républicaine de la liberté, de l’égalité et de la fraternité en lui donnant une saveur de chez nous, une saveur québécoise.

 

          Le projet de la souveraineté du Québec réclame, à juste titre, la liberté, l’autonomie et la responsabilisation du Québec. Malheureusement, les gouvernements qui se sont succédés à Québec depuis quarante ans favorisent tous un régime d’État-providence. L’étatisme, en brimant les libertés de choix, favorise la dépendance et la déresponsabilisation des Québécois. Donc, les valeurs imposées aux Québécois par leurs gouvernements sont contraires aux valeurs nécessaires au succès du projet de souveraineté.
 

Qu’est-ce que la culture?

          D’après Laurent Mucchielli, la « culture » est un ensemble d'acquis partagés par les membres d'un groupe. Ces acquis sont les représentations, les croyances, les normes de jugement ou d'actions, les attitudes, les valeurs et les conduites généralement jugées comme acceptables. Ils servent de références et facilitent l’analyse, l’évaluation et les décisions journalières des individus. Donc, le terme « culture » représente un ensemble de savoirs et de pratiques déterminés par des valeurs et des normes partagées par un groupe.

          Une valeur est intimement liée à l’individu et à sa conduite. Elle traduit souvent ce qu’il y a de plus profond en lui. Mais elle n’est pas statique, elle se consolide ou se transforme au fur et à mesure de nos expériences. Les valeurs sont des points de repère qui nous guident dans la vie.

          Les valeurs déterminent les préférences personnelles que nous adoptons en fonction de notre éducation, notre milieu de vie, nos coutumes, etc. Sécurité, liberté, responsabilité, autonomie, indépendance, solidarité, égalité, conformisme, compétition, altruisme, justice, excellence, individualisme, tolérance, etc., sont des exemples de valeur.
 

La culture québécoise

          La Révolution tranquille a permis aux Québécois de s’affranchir du clergé et de s’approprier certains des leviers essentiels au développement de l’économie. Toutefois, comme la vie a horreur du vide, les syndicats, les artistes et les intellectuels de gauche ont rapidement remplacé le clergé. La gauche joue le rôle de gardiens de la « bonne morale » et de la conscience de la société. C’est à elle qu’on doit rendre des comptes.

          Quiconque désire agir doit au préalable obtenir la bénédiction de ses porte-parole. Dans le cas contraire, il trouvera sur son chemin tous les groupes d’intérêts. Les partisans de l’immobilisme, qui désirent avant tout préserver leurs acquis, entreront rapidement dans la parade. Les politiciens sans vision, impressionnés par les médias spectacles, s’empresseront d’intervenir à des fins électoralistes.
 

« Le Québec ne pourra accéder à la souveraineté qu’en affranchissant les Québécois de leur dépendance envers l’État. C’est un pré-requis incontournable à la souveraineté. »


          Ces groupes, tous dépendants des largesses de l’État, ont compris que leurs succès étaient intimement liés à la prépondérance de l’État dans l’économie québécoise. Fort des succès bien relatifs d’Hydro-Québec et de la Caisse de dépôt et placement, ils prétendent que l’État est la seule institution capable de servir les Québécois en respectant les valeurs morales qui leur sont si chères.

          Les grandes centrales syndicales ont rapidement pris le contrôle des monopoles d’État. Bénéficiant du pouvoir politique et économique que leur confère un membership captif, elles sont devenues des pouvoirs politiques parallèles. Elles exigent et obtiennent des lois qui, au fil des ans, ont transformé le Code du travail en Code de la syndicalisation, comme le dit si bien Réjean Breton. Elles utilisent leurs monopoles syndicaux pour véhiculer des valeurs qui assurent leur pérennité: solidarité, égalité, conformisme, tolérance, etc. Pour elles, l’individu doit être au service de l’institution, en l’occurrence le syndicat, et non pas le contraire.

          Les artistes, parfois naïvement, souvent par opportunisme, dénoncent les abus du libre marché. Ils ne semblent pas réaliser que la plupart des problèmes qu’ils dénoncent découlent de l’interventionnisme de l’État. Ils préconisent un monde idéal à leurs yeux où la culture est le seul produit de consommation acceptable. Ils s’allient aux syndicats pour promouvoir des valeurs de solidarité, d'égalité et de tolérance. Pour eux, l’individu ne peut se réaliser qu’à travers la consommation des produits culturels et des valeurs véhiculées par les artistes.

          Certes, les valeurs de solidarité, d'égalité, de conformisme et de tolérance sont des valeurs importantes qu’il faut encourager. Toutefois, lorsque ces valeurs sont érigées en dogme et promues en opposition aux valeurs de liberté, d'individualisme, d'excellence, de compétition, etc., elles ont des effets négatifs. Elles créent des individus dépendants qui craignent le risque et fuient les responsabilités.

La charrue devant les boeufs

          Les frustrations des échecs référendaires de 1980 et 1995 aurait dû favoriser la remise en question des valeurs sociales prédominantes des Québécois. Mais, au contraire, pour protéger les acquis d’une minorité bruyante, les leaders politiques ont préféré promouvoir des valeurs qui maintiennent les Québécois dans la dépendance des institutions. La responsabilisation et l’autonomie des individus sont sacrifiées au profit de l’égalitarisme et du nivellement par le bas de l’ensemble de la société.

          La société québécoise est nécessairement le reflet des individus qui la composent. Le Québec d’aujourd’hui est à l’image des Québécois comme le réclame Marc Dean. Le Québec blâme le fédéralisme et la mondialisation pour expliquer sa piètre performance. Les Québécois blâment l’État et ses institutions pour expliquer leur immobilisme. Dans ce contexte, prôner la souveraineté du Québec équivaut à « mettre la charrue devant les boeufs ». Le Québec ne pourra accéder à la souveraineté qu’en affranchissant les Québécois de leur dépendance envers l’État. C’est une condition préalable incontournable à la souveraineté.

          Malheureusement, ce n’est pas pour demain. Changer une culture est un défi de taille qui requiert une vision politique que les politiciens carriéristes d’aujourd’hui ne semblent pas avoir.
 

 

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