Montréal, 25 mars 2007 • No 218

 

COMMENT ÊTRE FRANÇAIS?

 

Patrick Bonney est polémiste et éditeur en Belgique.

 
 

VOTER OU « VEAUTER »?

 

par Patrick Bonney

 

          La campagne présidentielle française bat son plein. On appréciera donc l’opportunisme du collectif de la viande de veau qui a choisi cette période propice pour lancer sur les écrans de télévision une campagne de publicité dont le slogan « Veauter » va bien au-delà du mauvais jeu de mots.

 

          Les plus anciens se souviendront en effet qu’en son temps, le général De Gaulle, dans une formule aussi définitive que lapidaire dont il avait le secret et que l’on ne saurait lui disputer en cruauté, avait lâché: « Les Français sont des veaux ». Et ce veau-là n’est pas d’or!

          Car, inutile de préciser que nonobstant le caractère doux et familier de cet animal de ferme, le propos n’avait rien d’un compliment. Doté d’une intelligence réduite aux acquêts et soupçonné, à l’instar du mouton, d’être la victime consentante d’un instinct routinier, le veau occupe dans l’imaginaire animalier une place qui n’est guère enviable puisque c’est celui que l’on mène à l’abattoir!

          On notera d’ailleurs au passage que l’actuel président de la République, Jacques Chirac, est lui-même grand amateur de... tête de veau. Plat roboratif que l’on sert en général avec une sauce gribiche, mot dont l’origine est incertaine mais que l’on dit meilleure relevée. Un peu comme la vie en somme...

          ...Tête de veau que les bouchers de jadis avaient coutume d’exposer en vitrine avec du persil dans les oreilles. En conséquence, s’il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, les Français auraient des excuses. Et l’analyse de leurs « veautes » ne saurait donc faire abstraction de cette obturation pavillonnaire. S’expliquent ainsi les élections de Pompidou en 1969; Giscard en 1974; Mitterrand en 1981 et 1988; Chirac en 1995 et 2002.

          Quant à la récente campagne, elle serait plutôt placée sous le signe du mouton. On nous a servi l’agneau à la Royal et Sarkozy ne le voit plus qu’obsessionnellement égorgé par d’affreux musulmans ayant transformé leur baignoire en lieu de sacrifice. Bayrou, lui, avant de les achever, murmure à l’oreille des chevaux. Comme Kristin Scott Thomas à celle des vieux beaux. Sauf que pour lui et Le Pen, les beaux se sont faits « beaufs » et qu’ils n’ont même pas besoin d’être vieux. C’est bien connu, en la matière, la valeur n’attend pas le nombre des années. Version revisitée du fameux « j’en parlerai à mon cheval » dont il faut espérer qu’il a le tympan solide.
 

« On nous a servi l’agneau à la Royal et Sarkozy ne le voit plus qu’obsessionnellement égorgé par d’affreux musulmans ayant transformé leur baignoire en lieu de sacrifice. Bayrou, lui, avant de les achever, murmure à l’oreille des chevaux. »


          Si La Fontaine était encore parmi nous, il lui faudrait écrire de nouvelles fables dont la morale ne le serait pas: il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Et les animaux sont plus que jamais malades de la peste.

          On sait que les vaches ont toujours aimé regarder passer les trains, mais à la vitesse du TGV, elles finissent par ne plus voir grand-chose. Pour autant le veau n’est pas, loin s’en faut, une espèce en voie de disparition. Et il y a même fort à parier que son avenir soit des plus prometteurs et des mieux assurés. Un hiérarque gaulliste du nom de Sanguinetti avait d’ailleurs en son temps affirmé que si son parti avait présenté un chien aux élections, ce dernier eût été élu sans coup férir.

          Et à ce propos, il est surprenant que, compte tenu de la place réservée à l’alimentation des animaux domestiques dans les supermarchés, on ne leur ait pas encore accordé le droit de vote. Mais dans ce cas là, il n’y aurait plus de raisons de le refuser aux immigrés sauf à admettre qu’on les traite moins bien que des chiens. Ceci explique cela.

          Dans le même temps, le débat sur l’euthanasie fait rage, mais seules les mauvaises langues y verront un lien de cause à effet. On achève bien les chevaux, mais on hésite à abattre les veaux!

          En tout cas, me voilà rassuré. Car si j’ai longtemps cru que mon combat pour le libéralisme – et plus généralement pour la liberté – était celui d’un vivant se débattant au milieu des morts, force est d’admettre que j’avais tort. Qui aurait pu entendre un homme au milieu du troupeau? Humain trop humain! Nietzsche a bon dos.

          Mais n’était-ce pas ce dernier qui écrivait: « il faut posséder avant tout une faculté qu’on a précisément le mieux oublié aujourd’hui, une faculté qui exigerait presque que l’on ait la nature d’une vache et non point en tous les cas, celle d’un "homme moderne": j’entends la faculté de ruminer... »

          L’avenir, je vous le disais, est au bovin!

          Quant à moi, je sais ce qu’il me reste à faire. Au lieu de parler ou d’écrire, je vais désormais bêler, meugler, beugler, mugir, braire, piailler, bramer, miauler même si à choisir il me sera toujours plus facile... d’aboyer! Ouahf, ouahf...
 

 

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