| Si La 
					Fontaine était encore parmi nous, il lui faudrait écrire de 
					nouvelles fables dont la morale ne le serait pas: il n’y a 
					rien de nouveau sous le soleil. Et les animaux sont plus que 
					jamais malades de la peste.
 
 On sait que les vaches 
					ont toujours aimé regarder passer les trains, mais à la 
					vitesse du TGV, elles finissent par ne plus voir 
					grand-chose. Pour autant le veau n’est pas, loin s’en faut, 
					une espèce en voie de disparition. Et il y a même fort à 
					parier que son avenir soit des plus prometteurs et des mieux 
					assurés. Un hiérarque gaulliste du nom de Sanguinetti avait 
					d’ailleurs en son temps affirmé que si son parti avait 
					présenté un chien aux élections, ce dernier eût été élu sans 
					coup férir.
 
 Et à ce propos, il est 
					surprenant que, compte tenu de la place réservée à 
					l’alimentation des animaux domestiques dans les 
					supermarchés, on ne leur ait pas encore accordé le droit de 
					vote. Mais dans ce cas là, il n’y aurait plus de raisons de 
					le refuser aux immigrés sauf à admettre qu’on les traite 
					moins bien que des chiens. Ceci explique cela.
 
 Dans le même temps, le 
					débat sur l’euthanasie fait rage, mais seules les mauvaises 
					langues y verront un lien de cause à effet. On achève bien 
					les chevaux, mais on hésite à abattre les veaux!
 
 En tout cas, me voilà 
					rassuré. Car si j’ai longtemps cru que mon combat pour le 
					libéralisme – et plus généralement pour la liberté – était 
					celui d’un vivant se débattant au milieu des morts, force 
					est d’admettre que j’avais tort. Qui aurait pu entendre un 
					homme au milieu du troupeau? Humain trop humain! Nietzsche a 
					bon dos.
 
 Mais n’était-ce pas ce 
					dernier qui écrivait: « il faut posséder avant tout une 
					faculté qu’on a précisément le mieux oublié aujourd’hui, une 
					faculté qui exigerait presque que l’on ait la nature d’une 
					vache et non point en tous les cas, celle d’un "homme 
					moderne": j’entends la faculté de ruminer... »
 
 L’avenir, je vous le 
					disais, est au bovin!
 
 Quant à moi, je sais ce 
					qu’il me reste à faire. Au lieu de parler ou d’écrire, je 
					vais désormais bêler, meugler, beugler, mugir, braire, 
					piailler, bramer, miauler même si à choisir il me sera 
					toujours plus facile... d’aboyer! Ouahf, ouahf...
 
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