Montréal, 1er avril 2007 • No 219

 

COMMENT ÊTRE FRANÇAIS?

 

Patrick Bonney est polémiste et éditeur en Belgique.

 
 

VIEUX PAYS OU PAYS DE VIEUX?

 

par Patrick Bonney

 

          On se souvient de la harangue de Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, à la tribune des Nations Unies: « C’est le représentant d’un vieux pays qui vous parle... bla... bla... bla... ».

 

          Un vieux pays, mais surtout un pays de vieux! Tout entier frappé par la maladie de Parkinson et qui tremble... Un pays dyspepsique, immense fosse d’aisance à ciel ouvert où – pour employer un langage imagé – la chiasse fait rage. Un pays cacochyme, replié sur lui-même, livré à ses peurs ancestrales et prêt à se livrer au premier prophète venu.

          Le grand Corneille au patronyme usurpé, Pierre de son prénom et auteur du Cid, avait pourtant prévenu:
 

Ô rage! Ô désespoir! Ô vieillesse ennemie!
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie!

          Contrairement à leurs auteurs, les grands mots ne meurent jamais. Et si Sénèque, Cicéron, Ronsard ou Kawabata, devenus barbons, ont pu jouer les cabots, démontrant, non sans talent, que la sagesse valait bien l’enthousiasme, il n’en reste pas moins que leurs derniers feux brillent parfois d’un éclat malsain. « Mignonne, allons voir si la rose » est l’oeuvre d’un dragueur à bout de souffle (au propre comme au figuré) et il n’est plus guère que Ségolène Royal pour se réjouir de sa connotation florale.

          Quant aux Belles endormies, chef-d’oeuvre parmi les chefs-d’oeuvre et viatique obligé de tout mâle ayant dépassé la cinquantaine, il vaudrait aujourd’hui des ennuis, plus grands encore que le prix Nobel, à son auteur, Yasunari Kawabata. Car si les cadres japonais ne jurent plus que par les hôtesses aux allures d’écolières et aux jupes plissées, encore faut-il qu’elles soient majeures.

          Mais ne mélangeons pas littérature et pulsions génésiques. Et si la pudeur n’a jamais été de ce monde, ce n’est pas parce que la coupe est pleine qu’il faut boire le calice jusqu’à la lie. Si trop d’impôt tue l’impôt, trop de survie finit par tuer la vie.

          De Gaulle, au fond plus auteur à succès qu’homme politique, et dont la source est intarissable, n’avait-il pas lancé, prémonitoire, à propos de Pétain: « La vieillesse est un naufrage »? Naufrage qui l’a d’ailleurs lui-même emporté et qui nous emportera tous. Il en est de la politique comme de la boxe, il ne faut pas livrer le combat de trop!
 

« La France est devenue la Floride, mouroir à petit feu, où les Harpagons aux doigts crochus s’agrippent à leur cassette de médicaments. Les restaurants sont vides mais les cabinets de médecins sont pleins. »


          Et, à l’instar du permis de conduire ou du permis de chasse, ne serait-il pas opportun d’instaurer un permis de vote? La question consistant non pas à déterminer l’âge auquel on le donnerait mais, bel et bien, celui auquel on le retirerait.

          La récente actualité a mis en lumière le comportement erratique de certains conducteurs octogénaires dont le manque de discernement les a conduit à emprunter l’autoroute en sens inverse. Il en va de même pour leurs votes. Et les conséquences n’en sont pas moins tragiques.

          Il ne reste plus ensuite aux thaumaturges de tout bord qu’à entonner le refrain conjugué de l’insécurité et du chaos pour que nos vieillards engourdis tombent de leur branche comme un fruit pourri. Par ici la bonne soupe et peu importe que ça bave un peu.

          Et si Sarkozy et Le Pen se sont faits les champions de la peur, compagnon aussi fidèle que le chien de nos amis les vieux, leurs concurrents ne sont pas en reste. Car les mots changent-ils – peur de l’étranger pour les uns et surprotection sociale pour les autres – que le ressort est le même. Sécurité et immobilisme à tout crin!

          Prenons l’exemple d’une ville comme La Rochelle: le taux de chômage y est particulièrement élevé, les impôts locaux frisent l’indécence, l’administration municipale est pléthorique, la spéculation immobilière fait rage. Et bien malgré ce bilan pour le moins mitigé, le maire sortant, Maxime Bono, ancien inspecteur des impôts, socialiste grand teint et proche des sommités du parti, y a été réélu avec près de 70% des voix. Un véritable plébiscite qui ferait rougir les tyrans africains mais qui, en Charente-Maritime, surprend à peine. Explication: le vote « vieux ». Car La Rochelle comme nombre de villes françaises est désormais plus vieille de ses habitants que de son histoire. Au moment des élections, la mairie ne s’y trompe d’ailleurs pas qui pousse l’altruisme et la compassion jusqu’à conduire les pensionnaires des maisons de retraite municipales au bureau de vote. Pour s’oublier dans sa culotte, on n’en reste pas moins citoyen!

          La France est devenue la Floride, mouroir à petit feu, où les Harpagons aux doigts crochus s’agrippent à leur cassette de médicaments. Les restaurants sont vides mais les cabinets de médecins sont pleins. On bouffe à foison de l’analgésique, de l’anti-inflammatoire, de l’antidépresseur, et bien sûr... de l’anti-diarrhéique. Et en plus, on ne veut plus mourir! La chiasse vous disais-je!

          Et merde aux nouvelles générations! Cochons de payant qui crèveront la gueule ouverte à rembourser les dettes de ces amputés du coeur. On claque sa retraite au Maroc tandis que ceux qui travaillent ne peuvent plus payer leur électricité. Se faisant égoïste, la ride est devenue laide. Mais qu’à cela ne tienne, il y a le Botox.

          La peur et l’immobilisme suintent donc de tous les programmes électoraux. Ce n’est que protection et surprotection. Et même les jeunes Français sont vieux puisque selon un sondage récent, 70% d’entre eux rêvent de devenir fonctionnaires.

          Vieux pays, pays de vieux, jeunesse vieille! Triptyque perdant pour une France vaincue.
 

 

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