Montréal, 3 mai 2007 • No 228

 

LEMIEUX EN LIBERTÉ

 

Pierre Lemieux est économiste et écrivain.

 
 

LE CHANT DES HOMARDS *

 

par Pierre Lemieux

 

          Voici mon humble contribution, respectueusement soumise au concours de l'hymne national québécois, organisé par le Mouvement de Promotion du Patriotisme Québécois, la Société Nationale des Québécois de la Capitale, et l'École de Musique de l'Université Laval. La bienveillante collaboration de cette dernière sera requise pour que l'on puisse chanter ces alexandrins sur l'air de Ô Canada.

          Le lecteur qui a lu mon article sur « La sécession comme révolution » (14 mars 1995) comprendra que je ne suggère pas de voter non au référendum sécessionniste.
 

 


L'élite répondit: Léviathan chéri,
C'est à toi que nous tous, loyaux sujets d'ici,
Remettrons la gabelle et paierons notre hommage;
Entre deux bons tyrans, pour toi vote le sage.

(Refrain:)
Je suis faible et sans arme, et rempli de fierté;
Je ne manque de rien, l'État est mon berger.
À toi, képi, quidam, ou troufion syndical,
Je dis mon numéro d'assurance sociale.


Nous sommes de partout les plus vrais Canadiens.
En Floride l'hiver, mais pas américains,
De passage à Paris, mais pensant québécois,
Nous adorons l'État et nous nous tenons cois.
[Refrain]

Papiers d'identité et photos officiels,
Le permis de conduire et la carte soleil,
Permis d'armes à feu, autres permis encore,
À notre identité sont venus donner corps.
[Refrain]

Adieu coureur des bois, dignité puérile,
J'attends ma subvention avecque ma sébile.
Et si parfois un doute a entamé ma foi,
J'ai fui au marché noir, et demandé des lois.
[Refrain]

Ô vaine résistance, ô vaine liberté,
Et de La Marseillaise idéaux périmés.
Car c'est le Nouvel Âge et un maître gentil
Que nous avons choisis en créant ce pays.
[Refrain]

Du p'tit pain pour lequel on disait être nés,
Très futé, j'ai donné à l'État la moitié.
J'ai l'âme d'un esclave et la queue d'un homard,
Ou l'inverse parfois. Nous penserons plus tard.
[Refrain]

De Dollard des Ormeaux jusques à Lionel Groulx,
L'histoire de secret n'a plus guère pour nous.
De mil neuf cent soixante au Jour de la Nation,
De l'humanité grasse apparaît le fleuron.
[Refrain]

Notre élite éclairée vint enseigner au monde
Comment le groupe est fort et supprime la fronde,
Comment parler français, et que les Droits de l'Homme
S'appelaient désormais les droits de la personne.
[Refrain]

On nous disait jadis: l'onanisme rend sourd;
Et nous avons couru vers un autre vautour.
Si nous avons appris de la vie les mystères,
Nous le devons bien sûr aux gens du Ministère.
[Refrain]

Nos femmes sans enfant, nos vieux devant le vide,
Nos jeunes sans emploi se courbent ou se suicident.
C'est pourquoi j'ai troqué, nonobstant mes vieux os,
Notre Jacques Chrétien pour un Jean Parizeau.
[Refrain]

 

* Publié dans Le Devoir le 3 août 1995.

 

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