Montréal, 10 juin 2007 • No 229

 

OPINION

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 
 

LA JOLIE FARCE DU LUNDI DE PENTECÔTE

 

par Michel de Poncins

 

          Le monde entier vient d'assister éberlué à la tragi-comédie du lundi de Pentecôte, ridicule exemple de « l’exception française ». Les Français étaient invités à travailler ce jour-là gratuitement pour présumément aider les personnes âgées. C’est après la canicule de 2003 et les multiples décès dans les maisons de retraite que Raffarin avait monté cet invraisemblable dispositif. Le cafouillage fut tel que l’opération se situe dans ces confins incertains où nul ne sait s’il doit éclater de rire ou se lamenter.

 

          Voici le détricotage historique et économique du phénomène que les médias se garderont bien de décrire.

          Au départ et sur des décennies, se trouve l'effet de ruine résultant de l'action perpétuellement destructrice des gouvernements, soit de la vraie gauche, soit de la fausse droite. La ruine est telle que, lors de la récente campagne électorale, les candidats de toutes sortes se sont émus amèrement de la stagnation du pouvoir d'achat, de la modestie des petits salaires et d'autres signes de la paupérisation de la France, dont les deux plus importants candidats étaient, pourtant, partiellement responsables.

          Certes, les plus favorisés des Français arrivent encore à faire face à la situation et ne se sentent pas ruinés. Cette insouciance vient de leur ignorance économique soigneusement entretenue par les écoles dont ils sont parfois issus et par les médias complices: ils ne sauraient même imaginer la richesse supplémentaire dont ils disposeraient si les politiques et bien d’autres n’avaient pas laissé l’interventionnisme ruiner la France! Parallèlement, tout au long de la période et de multiples façons, des attaques sournoises ont été développées contre la famille.

          Il en résulte que les familles, dont le devoir et le droit est de s’occuper de leurs anciens, ne peuvent pas ou ne veulent pas prendre en charge les problèmes de l’âge avancé et que l’idée même de le faire leur a été enlevée. Depuis la création de l’homme et dans toutes les civilisations, il revient aux personnes privées de préparer leur avenir et d’aider leurs anciens à faire face à la vieillesse, ceux-ci continuant d’ailleurs le plus souvent à rendre des services à leur mesure.

          Si la France n'était pas un pays très socialisé, avec la santé soumise à un système quasi communiste, il n’y aurait pas de problème pour la gestion des personnes âgées ni non plus pour leur état de dépendance éventuelle. L'épargne de chacun y pourvoirait avec une foule de possibilités diverses offertes par des assurances librement négociées et le secours de la solidarité familiale.

          Pour les plus malheureux et, en particulier, pour ceux que la malchance ou la négligence a frappés, l'exercice de la charité privée suffirait largement. Aux États-Unis, pays sensiblement plus riche que la France parce que sensiblement plus libre, les évaluations les plus récentes montrent que la charité privée représente au moins 4% du PIB.
 

« Depuis la création de l’homme et dans toutes les civilisations, il revient aux personnes privées de préparer leur avenir et d’aider leurs anciens à faire face à la vieillesse, ceux-ci continuant d’ailleurs le plus souvent à rendre des services à leur mesure. »


          Cette situation avec, en conséquence, l'état lamentable d'un très grand nombre d'institutions publiques pour personnes âgées, a conduit au désastre de 2003.

          Le pouvoir a inventé alors cette machinerie du lundi de Pentecôte travaillé gratuitement. D'où l’embrouillamini incomparable de ce lundi. La ressource dégagée a représenté tout juste 2 milliards d'euros, personne ne pouvant savoir si, véritablement, les personnes âgées en ont bénéficié ou si les sables mouvants de la « bourreaucratie » étatique les ont avalés. Les associations au courant des problèmes parlent de 7 milliards d'euros absolument nécessaires pour avancer dans la solution. Si vraiment un « miracle républicain » faisait surgir les 7 milliards, cela ne suffirait jamais et le mirage s’éloignerait, un peu comme dans le logement social qui prétend abriter toute la misère du monde.

          Le pouvoir, au lieu de faire son mea culpa, et de rendre au plus vite sa liberté au peuple français a imaginé une nouvelle « usine à gaz », se superposant à des milliers d'usines à gaz, formant des galaxies d'usines à gaz auxquelles personne ne peut rien comprendre, malgré les efforts des journalistes pour clarifier ce qui ne peut être clarifié.

          Dans le désordre du lundi de Pentecôte, personne ne pouvait savoir qui travaillait ou pas, quel bureau était ouvert, ou fermé; en plus, les salariés du public, comme il est de règle dans la République Fromagère, étaient favorisés par rapport aux salariés du privé.

          Bien entendu, les chevaliers servants du socialisme trouveront des arguments pour combattre la liberté, comme l'allongement de la durée de la vie qui rendrait le problème insoluble. C'est une fausse objection car si la liberté régnait, un grand nombre d'innovations que l'on ne connaît pas interviendraient pour faciliter la gestion des personnes âgées. Le capitalisme quand il s’exerce librement conduit à des innovations permanentes et à la baisse des prix de revient.

          Il est évident aussi que la solidarité familiale retrouvée grâce à une liberté accrue jouerait avec ampleur dans le sens de la diminution des coûts.

          C’est l'occasion de rappeler l'un des principes clés de la « République Fromagère » qui s’énonce ainsi: « les hommes de l'État créent une première calamité, ici la mauvaise gestion des personnes âgées, et, pour corriger celle-ci, ils en créent d’autres, ici la farce du lundi de Pentecôte ».
 

 

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