Montréal, 3 février 2008 • No 251

 

OPINION

 

Guillaume Lucardie est étudiant dans une école de commerce. Il habite à Paris.

 
 

OUI LE LIBÉRALISME PROFITE À TOUS!

 

« Le libéralisme est rationaliste. Il soutient qu’il est possible de convaincre l’immense majorité que la coopération paisible dans le cadre de la société sert mieux leurs intérêts justement compris que des batailles mutuelles et la désintégration sociale. Il a pleine confiance dans la raison de l’homme. Il se peut que cet optimisme ne soit pas fondé et que les libéraux se trompent. Mais alors il ne reste plus aucun espoir pour l’humanité. »

 

-Ludwig von Mises, L’action humaine

 
 

par Guillaume Lucardie

 

          L'un des grands arguments des adversaires de la philosophie libérale consiste à affirmer que le libéralisme ne bénéficie qu’à une partie de la population au détriment d’une autre.

 

          Dans sa version vraiment simpliste (malheureusement très courante), l’argument consiste à reprocher au libéralisme « d’enrichir les riches et d’appauvrir les pauvres ». Dans sa version plus sophistiquée, il consiste à reconnaître au libéralisme une certaine efficacité économique, qui se paye cependant par des inégalités importantes que l’État doit corriger afin d’éviter le règne du « chacun pour soi ».

          Cette vision se résume dans la fameuse formule de Lionel Jospin: « Oui à l’économie de marché, non à la société de marché ». Cette formule est assez floue mais la crainte qu’elle recouvre est assez facile à cerner: pour Jospin, le libéralisme représente un danger car il favorise la domination d’un mode de vie fondé sur la recherche égoïste du profit économique au détriment de modes de vie « désintéressés ». Ainsi, selon cette vision, la société de marché fait de l’argent le critère ultime de la réussite et détruit par la même occasion les modes de vie fondés sur d’autres critères (solidarité, altruisme, don de soi etc.).

          Ce genre d’arguments n’existe qu’en raison d’une profonde méconnaissance des idéaux du libéralisme. Cependant, sans entrer dans une discussion très approfondie de ces idéaux, il est possible de démontrer que le libéralisme n’est pas une philosophie qui ne s’adresse qu’à une partie de la population au détriment d’une autre et qu'il est au contraire une philosophie universelle.
 

Coopération paisible

          Contrairement à une idée répandue, il n'est jamais question dans le libéralisme de vouloir favoriser les entrepreneurs, les rentiers, les gestionnaires ou n'importe quel autre groupe d’intérêt. L'enjeu du libéralisme n'est pas d'asseoir la suprématie de tel ou tel groupe et donc de telle ou telle conception de la société. L’unique objectif du libéralisme est de laisser se développer une coopération paisible entre les individus dans le cadre de la société.

          Il est à noter que la notion de « coopération paisible » est à comprendre au sens large. Elle englobe ainsi toutes les formes de coopérations volontaires: de la création d’une entreprise destinée, entre autres, à réaliser un profit à la création d’une association d’aide aux plus démunis. Il est en effet tout aussi nécessaire d’être libre pour celui qui veut fonder son entreprise que pour celui qui veut fonder une association caritative.

          Par conséquent, le libéralisme a en vue le bien-être de tous car celui-ci passe par la liberté pour chacun de pouvoir coopérer avec autrui selon les modalités qui émergent du processus d'échange entre des individus libres. C'est le coeur de la philosophie libérale. Quiconque accepte ce principe est libéral. Tout le reste en découle et constitue des mécanismes destinés à protéger et à développer cette coopération sociale entre individus libres.
 

Rien de plus et rien de moins

          Dès lors, le fait d’être libéral n'implique aucune sympathie particulière pour un chef d'entreprise ou un syndicaliste, pour un ouvrier ou un artisan. Un libéral se moque que les gens aient envie de s'enrichir ou de peindre. Le libéralisme n'implique pas que les gens aient envie de s'enrichir. Il implique simplement que ceux qui ont envie de s'enrichir ont la possibilité d'essayer de le faire sans que personne ne les en empêche s'ils respectent le jeu des échanges libres (le marché). Il implique que ceux qui ont envie de peindre ont la possibilité de peindre sans que personne ne les en empêche s’ils respectent le jeu des échanges libres. Il implique tout simplement la reconnaissance par tous du domaine privé de chacun. Rien de plus et rien de moins.
 

« La philosophie libérale ne partage pas la société en classes. Un chef d’entreprise n’est rien d’autre qu’un individu libre qui assure un certain rôle dans le jeu du marché. Un salarié n’est rien d’autre qu’un individu libre qui assure un certain rôle dans le jeu du marché. »


          La philosophie libérale ne divise donc pas la société en classes. Un chef d’entreprise n’est rien d’autre qu’un individu libre qui assure un certain rôle dans le jeu du marché. Un salarié n’est rien d’autre qu’un individu libre qui assure un certain rôle dans le jeu du marché. La place que chacun occupe est déterminée par une multitude de circonstances inaccessibles au contrôle conscient d’une autorité quelle qu’elle soit. C’est pourquoi il faut laisser les gens libres afin qu’ils puissent utiliser leurs connaissances au service de leurs objectifs propres. Si cette condition est remplie, le marché assure la meilleure utilisation possible de l’information dispersée dans la tête de millions d'individus.

          La liberté est donc tout simplement un processus d’adaptation à l’ignorance irréductible dans laquelle chaque personne est plongée. Le marché permet de réduire cette ignorance en assurant du mieux possible la coordination entre les prévisions de chaque individu afin de répondre aux besoins de chacun. Sans la liberté d’échange, nous serions des mouches aveugles condamnées à se cogner indéfiniment contre la même vitre. Grâce au libéralisme qui donne à chacun la possibilité d’échanger, nous avons des outils pour nous guider: les prix et l’ensemble des institutions qui découlent de la libre interaction entre des individus (droit, langage, morale, etc.).

          Ce mécanisme de marché permet la division du travail mais surtout la division de l’information. Le marché est capable de gérer une masse d’information considérablement supérieure à toute forme d’organisation planifiée. Par conséquent la supériorité matérielle de l’Occident ne résulte pas d’une intelligence plus poussée liée à la race ou de quoi que ce soit d’autre: ce qui a rendu savante la société des deux derniers siècles, ce n’est pas une dynamique interne à la science ou à la technique, ce n’est pas une sorte d’illumination soudaine par la « vérité » après les « ténèbres de l’erreur du Moyen-Âge », c’est la division du savoir induite par le marché.

          Le marché et la science moderne ont pris leur essor ensembles et se sont entretenus mutuellement. Tous les progrès sociaux n’ont été diffusés au plus grand nombre que parce que la productivité de chaque personne a bondi, non pas en raison d’une poussée d’intelligence subite des gens, mais grâce au processus de division de l’information mis en oeuvre par le marché qui en démultiplie la puissance et l’étendue.

          Les progrès sociaux sont le fait du marché et non d’une quelconque décision gouvernementale qui ne peut qu’en prendre acte ou les ralentir. Ainsi, tout ce qui va à l’encontre de la libre interaction entre les individus nuit aux échanges et donc aux progrès futurs. Voilà la raison profonde du formidable essor de l’Occident. Il repose sur le marché, la liberté et le droit qui sont les trois éléments au coeur de la théorie libérale.

Satisfaire aussi les besoins spirituels

          Mais, contrairement à ce que suppose Lionel Jospin, cette augmentation du bien-être matériel n’est en rien contradictoire avec une satisfaction des besoins spirituels de l’individu. Il fait peu de doute que l’homme du XXIe siècle qui souhaite se cultiver a bien plus de possibilités que celui du XVIIIe siècle. Par conséquent, le libéralisme permet de produire les conditions d'abondance matérielle nécessaires au développement spirituel du plus grand nombre.

          Le libéralisme est donc la seule philosophie cohérente qui propose une élucidation des principes qui permettent de développer une société ouverte (Popper) respectueuse des individus et de leurs aspirations tant matérielles que spirituelles. Le libéralisme est une métapolitique constituée des règles qui restent quand chacun a mis de côté ses opinions particulières sur une question. Il est tout simplement universel.
 

 

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