Montréal, 17 février 2008 • No 253

 

LEMIEUX EN LIBERTÉ

 

Pierre Lemieux est économiste et écrivain.

 
 

UN PAYS LIBRE *

 

par Pierre Lemieux

 

          Le Canada a été un pays libre. Et c’est souvent à reculons que, quand montait le pouvoir de l’État, les administrations publiques canadiennes suivirent les modes étatistes venues d’ailleurs, y compris des États-Unis.

 

          La prohibition de l’alcool (et du tabac dans certain états) qui a frappé les Américains au début du 20e siècle a épargné les Canadiens. La banque centrale américaine, un autre organisme de contrôle, a vu le jour en 1913; sa consoeur canadienne, seulement en 1935. La Securities and Exchange Commission américaine est née en 1934, précédant d’une décennie son équivalent ontarien et de deux décennies la version québécoise. L’impôt sur le revenu a frappé les Américains quatre ans avant les Canadiens et, jusqu’aux années 1960, les taux marginaux étaient souvent plus faibles dans notre pays.

          La « guerre à la drogue », comme la religion environnementale, est une invention américaine importée au Canada. Les lois contre le blanchiment d’argent, typiques de l’État de Surveillance, ont été adoptées au Canada deux décennies après les États-Unis. Les numéros d’identité personnels et les papiers d’identité avec photo sont apparus d’abord au sud de la frontière: jusqu’à la fin des années 1990, des Québécois vivaient légalement et facilement sans papiers d’identité officiels avec photo. On peut donner d’autres exemples.

          N’idéalisons pas trop le passé. Au Canada comme ailleurs, la tendance naturelle de l’État a été d’imposer tout ce que le marché politique pouvait supporter. À témoin, les nombreuses restrictions à la liberté d’expression qui, avant les chartes de Diefenbaker et Trudeau, parsemaient le paysage légal canadien. Le libelle blasphématoire demeure même interdit en vertu du code criminel. (Voir Bob Tarantino, Under Arrest. Canadian Laws You Won’t Believe, Dundurn Press, 2007.)

          Mais les lois liberticides étaient appliquées à la canadienne et un individu normal, voire excentrique, pouvait sans doute vivre une longue vie pacifique sans être happé dans le système policier-judiciaire.

          N’exagérons pas non plus le niveau de notre « tyrannie de la majorité » et « tyrannie administrative » à la Tocqueville. Comme son contraire, qui est la liberté, la tyrannie est une question de degré. La situation est pire dans plusieurs autres pays, encore que cela dépend des quelles activités ou des groupes dont on parle.
 

« Au Canada comme ailleurs, la tendance naturelle de l’État a été d’imposer tout ce que le marché politique pouvait supporter. »


          Les libertés perdues au cours des dernières décennies, parfois au cours des dernières années, comprennent celles de:
 
  • détruire un barrage de castors sur votre propre terrain;

  • vendre (ou acheter) du blé ou du lait librement;

  • acheter, pour couvrir votre santé, la police d’assurance qui vous convient;

  • fonder un hôpital;

  • embaucher ou congédier qui vous voulez;

  • mener votre entreprises sans produire un rapport mensuel ou trimestriel de TPS;

  • acheter ou vendre des actions sur la base des informations non volées qui sont dans votre tête;

  • parler publiquement de certains sujets, notamment ceux qui tombent sous la juridiction des commissions des « droits de la personne »;

  • conduire sur les chemins publics (maintenant un « privilège »);

  • conduire sans permis une embarcation de plaisance à moteur;

  • utiliser vos propres ressources pour appuyer votre option référendaire ou candidat préféré;

  • écouter les chaînes de radio ou de télé que vous voulez;

  • fumer dans votre propre commerce ou y accueillir des fumeurs;

  • posséder et a fortiori porter des armes à feu sans permis, même chez vous;

  • exercer efficacement votre droit de légitime défense;

  • traverser la frontière sans déclarer les instruments négociables de $10 000 ou plus que vous transportez;

  • idem pour plusieurs transactions en espèces;

  • mener vos affaires quotidiennes et voyager au pays sans papiers d’identité officiels;

  • ouvrir un compte de banque sans que l’État ne le sache;

  • posséder des actifs à l’étranger sans obligation de les déclarer à l’État canadien.

          Ce ne sont là que des exemples qui illustrent de grandes catégories de mesures liberticides. Les libertés traditionnelles que nous avons perdues touchent les droits de propriété et la liberté contractuelle, certaines formes de liberté d’expression, certains modes de vie, la sécurité de la personne, la vie privée et, malgré les chartes, les protections légales – on songe au renversement fréquent du fardeau de la preuve ou à l’arbitraire bureaucratique dans l’application des lois. L’État a financé cet assaut contre nos libertés en doublant nos impôts (relativement à nos revenus) en un siècle.

          On dévale la pente de plus en plus rapidement. Comme le disait un ami, employé du gouvernement fédéral et ancien de la GRC, « ça ressemble de plus en plus en plus à l’Union Soviétique ici ».

          Le site LIBERTEauCANADA.com met en lumière le déclin de la liberté canadienne, avec la volonté de renverser la tendance.

 

* Article publié le 15 février sur le site LIBERTEauCANADA.com.

 

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