Montréal, 15 décembre 2008 • No 262

OPINION

 

Terence Corcoran est rédacteur en chef du Financial Post.

 
 

C'EST L'HEURE DU CRÉPUSCULE POUR DÉTROIT ET POUR L'ÉCONOMIE AMÉRICAINE *

 

par Terence Corcoran

 

          Lors d'une entrevue au début du mois, le président désigné Barack Obama a clarifié ses priorités: « Nous devons fournir une transfusion sanguine » à l'économie américaine, a-t-il dit. « Et cela signifie qu'on ne peut se préoccuper à court terme du déficit. » Il a promis de mettre en place un programme de travaux publics d'une ampleur qui ne s'était pas vue depuis les dépenses encourues dans les années 1950 pour développer le réseau d'autoroutes aux États-Unis. Washington pourrait aussi se retrouver bientôt avec des parts de propriété importantes dans l'industrie automobile de Détroit, en plus de ses avoirs et sa nouvelle emprise réglementaire sur le secteur bancaire.

 

          Comme les politiciens partout ailleurs, M. Obama cherche à promouvoir l'activité économique et la croissance en augmentant le contrôle de l'État et en injectant d'énormes sommes d'argent au moyen de ce que tous les citoyens du monde connaissent maintenant sous le nom de « plans de relance » (« stimulus »). Même les analystes des marchés financiers semblent avoir été envoutés par l'efficacité des plans de relance gouvernementaux et ont rapidement conclu que ce sont les commentaires du futur président qui ont provoqué une forte remontée de l'indice Dow Jones et d'autres indicateurs de marché au début de la semaine dernière. Que Dieu nous vienne en aide.

          Si nous en sommes rendus à un point où une « transfusion sanguine » est considérée comme une métaphore appropriée pour des interventions massives de l'État dans l'économie, et qu'il en faut encore plus, il faut alors en conclure que la distance conceptuelle entre la pensée économique et l'économie réelle est encore plus grande que ce que quiconque peut l'imaginer.

          Lorsqu'il est question de gouvernements qui plongent leurs dents encore plus profondément dans l'économie, les mots « transfusion sanguine » ne sont pas les premiers qui viennent à l'esprit. Une référence plus appropriée pourrait être celle du nouveau film pour adolescents Twilight (NDLR: « crépuscule » en français), dans lequel une jeune fille de 17 ans, Bella Swan, devient amoureuse d'un jeune homme du nom d'Edward Cullen. Je n'ai pas vu Twilight – il est sur ma liste à long terme de vidéos à louer pour l'année 2016. Mais le matériel promotionnel explique que le jeune Edward, beau et charmant à faire rêver, se révèle être en fait l'héritier d'une « famille de suceurs de sang immortels ». Ils ont toujours caché leurs activités vampiriques, comme le font souvent les étatistes, et Bella apprendra rapidement la vérité.

          Ces jours-ci, le monde entier semble peuplé de Bella Swan, une planète remplie de gens naïfs qui virent gaga à propos de très vieilles et dangereuses idées, en espérant être stimulés par un gouvernement plus gros.

          Le terme « plan de relance » est devenu synonyme de n'importe quoi que fait ou pourrait faire le gouvernement. De Washington à Paris en passant par Hong Kong et Ottawa, la seule idée politique acceptée est celle qui stipule que ce sont les gouvernements qui poussent l'économie, génèrent des investissements, créent des emplois, encouragent le progrès et augmentent la richesse.
 

« De Washington à Paris en passant par Hong Kong et Ottawa, la seule idée politique acceptée est celle qui stipule que ce sont les gouvernements qui poussent l'économie, génèrent des investissements, créent des emplois, encouragent le progrès et augmentent la richesse. »


          Après la mini-crise politique qu'a connue le Canada au début du mois, pratiquement tous les partis politiques ont conclu qu'ils devaient faire pénétrer encore davantage leurs canines dans l'économie. Ottawa et toutes les provinces peuvent maintenant, semble-t-il, stimuler l'économie canadienne en produisant des déficits et en canalisant des fonds publics dans les secteurs manufacturier, de l'automobile et forestier.

          Le ministre des Finances Jim Flaherty a affirmé le 8 décembre dernier qu'une transfusion sanguine de 6 milliards de dollars à l'industrie automobile « pouvait être réalisée ». M. Obama a déclaré qu'on ne pouvait pas laisser GM, Ford et Chrysler faire faillite. Au Congrès et à Ottawa, on discute de la possibilité pour les gouvernements de jouer un rôle dans l'élaboration des plans d'affaires des constructeurs, et peut-être même d'une prise de contrôle partielle.

          À Ottawa, de surcroît, on s'attend à ce que le plan de relance qui sera présenté dans le budget du mois prochain contienne une aide au secteur manufacturier et à l'industrie forestière – même si une telle aide ne fera rien pour relancer des investissements durables et la croissance. L'aide à l'industrie forestière canadienne permettra sans doute de garder une usine ouverte ou de conserver un emploi syndiqué, mais il ne peut en résulter aucun nouveau développement économique. En effet, tous ces plans de relance artificiels qui impliquent de dépenser des fonds publics ne peuvent que miner la croissance. Ces dépenses additionnelles ne font en réalité que soutirer de l'argent des secteurs d'activité privée rentables et le transférer à des projets d'activité publique non rentables et qui gaspillent des ressources.

          La même analyse s'applique à l'industrie automobile américaine, dont la capitulation humiliante et pathétique est maintenant presque complète. Dans une publicité publiée par le magazine Automotive News, GM s'est littéralement agenouillé pour quêter un soutien public. La compagnie déclare que « pendant un siècle, nous avons bien satisfait vos besoins de mobilité personnelle ». Un fabriquant de voitures qui conçoit ainsi son rôle a complètement perdu le sens de sa mission. GM poursuit en disant qu'elle a « déçu » ses clients et « trahi » leur confiance en « laissant la qualité de nos produits décliner sous les standards de l'industrie ».

          Voilà comment se termine l'aventure de l'industrie automobile américaine, qui fut jadis le magnifique symbole du capitalisme américain, et qui s'apprête à devenir une entreprise de services publics gérée par les politiciens et les bureaucrates de Washington et d'Ottawa. Avec l'économie américaine qui passe graduellement sous le contrôle de l'État, et un président Obama en charge de définir la politique industrielle des États-Unis et de déterminer les produits qui sortiront des usines automobiles, la nouvelle mission de l'industrie automobile sera dorénavant de satisfaire les « besoins de mobilité personnelle » des Américains.

          Partout dans le monde, les gouvernements, au nom des nécessaires « plans de relance » à adopter, sont sur le point de planter leurs crocs dans tous les secteurs de l'économie, ce qui leur permettra de satisfaire tous les besoins de santé, de mobilité, les besoins bancaires, alimentaires, et tous les autres besoins que la population pourrait avoir. C'est bientôt l'heure du crépuscule.

 

* Cet article est une traduction (de Martin Masse) d'un article paru dans le Financial Post, le 9 décembre dernier.

 

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