Montréal, 15 décembre 2008 • No 262

 

OPINION

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 
 

SARKOZY ET SES TUYAUTERIES

 

par Michel de Poncins

 

          Le président joggeur a attrapé à Douai une nouvelle fois le micro pour proclamer un énième plan dénommé « plan de relance » et sorti tout droit d’un de ses multiples cerveaux, puisque, grâce à son épouse, nous savons qu'il a de multiples cerveaux, alors que nous avons tous tant de mal à nous débrouiller avec un seul cerveau.

          Dans toutes ses annonces, l'on retrouve son penchant naturel vers le socialisme, c'est-à-dire l'intervention de l'État à tous les niveaux, à tous les instants et dans tous les détails de la vie courante.

 

          D'abord on nous annonce une nouvelle giclée de lois. La loi n'a jamais créé la richesse et, au contraire, elle la détruit de diverses façons; une loi ne s'accompagne que de décrets-lois et de circulaires qui mettent du temps à sortir et qui sont inévitablement contradictoires; un tiers des lois votées depuis un an et demi ne sont pas en application aujourd'hui. La loi conduit à des coûts insupportables d’interprétation et de gestion pour les entreprises et les particuliers avec au bout du compte la perspective de contentieux multiples; enfin la loi est indéfiniment incertaine car elle bouge sans cesse. Le nouveau plan de relance n'y échappe pas. Il prévoit dès maintenant des périodes transitoires puisque certaines des mesures envisagées ne doivent durer que pendant l'année 2009. Les entreprises et autres acteurs de l’économie ont un besoin urgent de stabilité et non pas de jogging permanent.

          Le nouveau plan rajoute un étage supplémentaire à l'immense usine à gaz administrative dans laquelle la France se débat. J’ai montré dans plusieurs livres que l’effet de ruine, conséquence inévitable du dirigisme, venait, entre autres causes, de la création, la multiplication, l’enchevêtrement de ces innombrables usines à gaz administratives formant des galaxies et des galaxies de galaxies.

          Cette horreur n’est pas un hasard mais une nécessité dès lors que le pouvoir actuellement en vigueur ne veut pas détruire le socialisme mais simplement le gérer, courant sans cesse après les calamités qu’il organise ou tolère lui-même et prétendant les corriger à chaque fois en mettant une nouvelle couche de réglementations, elles-mêmes nageant dans la brume d’incertitudes juridiques multiples.

          Les usines à gaz du temps jadis étaient fort compliquées avec une foule de mannettes, de compteurs, de tuyauteries et les usines à gaz d’aujourd’hui ne doivent guère être plus simples. Dans ces usines à gaz, les robinets, les compteurs, les tuyauteries fonctionnaient correctement. Il était clair qu’elles ne pouvaient créer du gaz s’il n’y en avait pas.

          Dans les usines à gaz administratives, on ne sait jamais si un robinet ou un compteur marche car il faut attendre non seulement des kilos de textes mais aussi des jurisprudences incertaines et les tuyauteries sont partout contradictoires. L’énarchie qui règne autour de Mme Christine Lagarde nous promet entre 80 et 110 000 emplois de plus et un supplément de croissance de 0,8 à 1% de PIB; quel crédit accorder à une telle promesse? Une prime à la casse pourrait présumément conduire à des achats d'automobiles; au même moment et dans le même projet l’on bride l'industrie automobile en préconisant des voitures propres: que veut dire l'expression « voiture propre »? Nous sommes frappés cruellement d'un impôt parce que nous achetons une voiture prétendue sale: sommes-nous devenus de sales conducteurs? À force de se ramifier, l'usine à gaz universelle devient contradictoire par nature.

          Quelques mesures, de-ci de-là, donnent de la monnaie aux consommateurs comme si des millions de foyers déclencheraient des achats, qui enchanteraient les producteurs, qui embaucheraient davantage: bienvenue aux voitures indiennes et chinoises à bas prix qui arriveront justement à point nommé!

          Il nous est promis de déclencher des investissements, mais ce sont des investissements publics. L'effet recherché ne peut être que fort loin dans le temps avec tous les gaspillages auxquels nous sommes habitués dans les investissements publics. Ces investissements, quels qu'ils soient, reposent sur des firmes dont une grande partie de l'activité se déroule à l'étranger: les sous-traitants dans des pays lointains peuvent se frotter les mains.

          Il est décidé, en particulier, de construire quatre lignes de TGV supplémentaires; les connaisseurs savent que les TGV jouent un rôle important dans la ruine de la SNCF, comme d'ailleurs la Cour des Comptes l’avait remarqué dans un chapitre d'un de ses rapports; la ruine de la SNCF est une cause majeure dans la ruine générale de la France.

          Chemin faisant, l'on va créer de nouveaux organismes comme un fonds de 300 millions d'euros destiné à la restructuration de la filière automobile alors que l'État dispose déjà de multiples organisations pour investir là où il veut investir.
 

« La presse officielle se contorsionne pour faire croire que l'on trouvera ces milliards sans faire de tort à personne; or, dès à présent, il est prévu que le déficit budgétaire frôle les 4%. »


          Comme les Américains ont eu tort de le faire, le pouvoir va promouvoir des achats de logements par des publics qui ne devraient pas être encouragés dans ce sens: telle est la signification du doublement du prêt à taux zéro. Le socialisme se caractérise toujours par le mélange des objectifs et, ici, l'action sociale est mélangée avec une opération financière.

          Évidemment, le robinet des dépenses est largement ouvert: 26 milliards. Il pleut des milliards comme « il pleut sur la ville ». La presse officielle se contorsionne pour faire croire que l'on trouvera ces milliards sans faire de tort à personne; or, dès à présent, il est prévu que le déficit budgétaire frôle les 4%. Que ces milliards se transforment en déficit budgétaire ou en emprunts cela ne change rien au problème fondamental.

          Le chef-d'oeuvre absolu de gribouille au pouvoir est la nomination de Monsieur Patrick Devedjian au poste nouveau de « ministre de la relance », hochet de grâce et de faveur offert avec notre propre argent. S’il existait dans la presse un duc de Saint-Simon, il se serait étourdi dans les adjectifs: fantastique, féérique, magique…

          Il y a, déjà, sauf erreur ou omission, 38 ministres, secrétaires d'État ou sous-secrétaires d'État et il va s'ajouter un 39e personnage autour de la table. Parmi les 38 déjà existants il se compte un grand nombre de dignitaires intéressés aux affaires économiques dont justement la même Christine Lagarde: sont-ils tous des incapables pour que l'on ajoute un ministre spécial pour faire leur travail? la cacophonie règne déjà entre eux puisqu’une foule de réunions interministérielles sont nécessaires pour régler les problèmes insolubles de frontières et les collisions permanentes.

          Il existe aussi, paraît-il, un premier ministre qui a au moins un vrai travail pour tenter de concilier l’inconciliable. Le nouveau ministre de la relance va-t-il être un premier ministre de remplacement? Bien entendu, il est à peine besoin d'évoquer la valse des millions d'euros nécessaires pour rémunérer son cabinet pléthorique et lui trouver un bureau prestigieux et digne de ces fonctions. Déjà Paris bruisse de rumeurs sur l’endroit où ce nouvel Auguste pourrait se poser…

          Rappelons également qu’il existe des petits déjeuners directionnels dont les heureux participants ne se gênent pas pour court-circuiter tous les autres. Quant au gouvernement bis logé à l’Élysée, il s’active sans cesse même quand l’hyper président vole vers des contrées lointaines.

          Pour mémoire, nous rappelons que la Suisse, qui se tire très honorablement de cette crise, ne compte que sept ministres; ces ministres n'ont chacun que trois membres du cabinet et n'ont pas de voitures de fonction.

          Devant ce désastre, il est permis de s'interroger: que ferait en telle occurrence un gouvernement libérateur, car il faudra bien arriver à une véritable libération? L’objectif serait de libérer sans délai aucun les forces productives du pays que le pouvoir bride par ses multiples carcans: libérer de créer, de travailler, de gagner, de s’enrichir, d’épargner. Pour ce faire il pourrait se limiter, par exemple, à quatre champs d'action parmi d’autres: investissements, code du travail, logement, impôts.

          Dans chacun de ces domaines, il dispose d’un catalogue considérable de mesures à prendre pour débloquer le situation et sa marge de manoeuvre est immense contrairement aux mensonges officiels à ce sujet. Si les énarques ne connaissent pas le catalogue ou ne veulent pas le connaître, quelques appels téléphoniques aux bonnes adresses pourraient mettre le catalogue à leur disposition.

          Il faudrait dans le catalogue choisir des mesures à effet absolument immédiat et massif: pas de lois nouvelles, mais abolition de paquets de lois.

          Le président dispose encore, c’est surprenant, d’une cote de popularité honorable et, à coup sûr, d’un talent oratoire évident sachant, à l’occasion, transformer les vessies en lanternes. Il saurait trouver les mots pour dire aux Français, enfin, la vérité en énonçant alors un véritable plan de relance.

          Aujourd’hui hélas et comme dans la chanson, ce n’est qu’un rêve, ce n’est qu’un joli rêve…