Montréal, 15 décembre 2008 • No 262

ÉDITORIAL

 

Martin Masse est directeur du Québécois Libre.

 
 

LE GOUVERNEMENT AMÉRICAIN CONTINUE DE CREUSER SON TROU FINANCIER

 

par Martin Masse

 

          On l'a répété à plusieurs reprises: la crise économique actuelle découle principalement de politiques inflationnistes, c'est-à-dire de l'injection massive dans l'économie de monnaie et de crédit créés à partir de rien par les banques centrales, en particulier la Fed.

 

          C'est ce qui a entraîné le taux d'endettement énorme des Américains, autant au niveau des ménages que du pays; leur taux d'épargne nul; une consommation excessive, notamment de biens importés, qui ne pouvait se poursuivre indéfiniment; un déficit systématique des comptes courants; une spéculation effrénée dans les secteurs immobiliers, financiers, et autres; une hausse irréaliste des prix dans ces secteurs; une mauvaise allocation du crédit facile provoquant des malinvestissements; etc.

          Les booms inflationnistes de ce type font partie du paysage économique depuis que les gouvernements interviennent dans le domaine monétaire, c'est-à-dire depuis des centaines d'années, mais de façon plus marquée encore depuis la création des banques centrales et l'abandon de l'étalon-or.

          Chaque fois, il faut alors traverser une période de liquidation des mauvaises créances et des malinvestissements, de réajustement de la production, laisser retomber les prix à des niveaux réalistes et mettre fin au crédit facile avant que la croissance économique puisse repartir sur des bases plus solides et durables. Les entreprises autant que les individus et les gouvernements doivent cesser de dépenser de l'argent qu'ils n'ont pas, arrêter de s'endetter et rembourser leurs dettes, recommencer à épargner et investir dans des processus de production qui correspondent à une demande réelle et non à une demande artificielle gonflée par le crédit facile.

          Les dogmes keynésiens et monétaristes favorables à l'inflationnisme sont toutefois presque universellement acceptés aujourd'hui et au lieu de laisser cette purge du crédit excessif se poursuivre, les gouvernements et la majorité des économistes considèrent qu'il faut à tout prix empêcher une contraction du crédit et de la demande.

          Depuis le déclenchement de la crise, ils procèdent donc à des injections additionnelles de « liquidités » dans le secteur bancaire et lancent divers plans de sauvetage des banques en difficulté et du secteur financier en général, dont le rôle crucial dans la transmission et l'allocation du crédit ne doit pas être compromis. Maintenant qu'il s'est avéré que ces mesures sont insuffisantes pour empêcher la contraction du crédit, parce que les investisseurs échaudés se retirent du marché et que les institutions financières refusent de s'exposer davantage et accumulent des réserves au lieu de faire des prêts risqués dans un contexte d'incertitude, les gouvernements cherchent à intervenir plus directement.
 

« Les gouvernements tiennent absolument à faire quelque chose, et ils ont décidé de tenter futilement de prolonger le boom artificiel des dernières années. Ce faisant, ils ne font que continuer de creuser plus profondément le trou dans lequel nous nous trouvons. »


          Le 25 novembre dernier, pour faire suite au plan Paulson voté par le Congrès de 700 milliards $ de soutien au secteur financier et à de nombreux plans de sauvetage ciblés comme celui de Citigroup quelques jours plus tôt, le gouvernement américain et la Fed ont donc annoncé un autre plan de 800 milliards $, celui-là pour soutenir directement le crédit à la consommation.

          La Fed ne joue plus simplement le rôle traditionnel d'un prêteur de dernier recours pour les banques; elle achète maintenant directement des obligations adossées à des hypothèques et d'autres types de dettes de divers prêteurs institutionnels pour leur permettre de se débarrasser de ces prêts et d'obtenir en échange des fonds qu'ils pourront prêter de nouveau.

          Ce faisant, elle injecte encore des quantités gigantesques de faux crédit (du crédit qui ne provient pas d'une épargne réelle) dans l'économie. Elle permet aux taux d'intérêt de se maintenir artificiellement bas, alors qu'ils devraient remontrer pour refléter la rareté relative du crédit depuis le début de la crise. Et elle ralentit le processus de normalisation des prix et de liquidations des malinvestissements qui est nécessaire pour que l'économie retrouve un certain équilibre.

          Selon une dépêche de l'AFQ, le secrétaire au Trésor Henry Paulson justifie cette nouvelle intervention en disant que « des millions d'Américains ne peuvent pas trouver de financements abordables pour leurs besoins de crédit ». Sauf que logiquement, le crédit des uns doit nécessairement être l'épargne c'est-à-dire un report à plus tard de la consommation permettant de rendre des ressources disponibles des autres. Et ce crédit doit être alloué à ceux qui ont une capacité de le rembourser, pas simplement pour soutenir une consommation irresponsable. Sinon, tout ce qu'on crée, c'est de l'inflation monétaire.

          Cette logique économique de base ne tient toutefois plus dans la situation actuelle d'hystérie politique. La source même du problème  le crédit trop facile est fallacieusement considérée comme sa solution. Les gouvernements tiennent absolument à faire quelque chose, et ils ont décidé de tenter futilement de prolonger le boom artificiel des dernières années. Ce faisant, ils ne font que continuer de creuser plus profondément le trou dans lequel nous nous trouvons. Le réajustement nécessaire n'en sera que plus prolongé et dévastateur pour plus de gens.
 

 

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