Montréal, 15 mars 2009 • No 265

 

Pierre-Guy Veer est journaliste à l'hebdomadaire fransaskois l'Eau vive, de Saskatchewan.

 

 

OPINION

PRIVATISER LA VENTE D'ALCOOL EN SASKATCHEWAN?

 

par Pierre-Guy Veer

 

          À chaque fois qu'il est question de privatisation, les syndicats s'excitent le poil des jambes. « Le privé vise seulement le profit »; « Le bien public est menacé »; « Les prix vont augmenter », sont quelques-uns des arguments formulés. La possible vente du monopole public de la vente d'alcool n'y échappe pas. On ose même affirmer que la criminalité et les accidents de la route vont augmenter! Un simple examen des faits montre que c'est tout le contraire...

 

          En effet, notre voisin albertain a privatisé la vente d'alcool, et l'apocalypse ne s'est pas produite.

          Observez plutôt pour les produits :

• Une étude de la Fédération canadienne des contribuables datant de 2004 montre qu'il n'y a pas de différences significatives entre les prix des régions rurales et les centres urbains.

• Toutes les marques de bière sont moins chères en Alberta.

• 93% des autres produits sont plus chers en Saskatchewan.

• On estime que l'ensemble des magasins d'alcool offre 19 000 produits. En Saskatchewan, cette offre est de… 2100 produits. Évidemment, tous les produits ne sont pas disponibles partout, ici ou en Alberta.

• Dans le système privé albertain, les magasins ne gardent que les produits les plus rentables. Ici, plusieurs bouteilles accumulent de la poussière...

          Bref, non seulement les produits sont moins chers, mais en plus, il y a plus de choix avec un marché libre.

          Voyons maintenant le cheval de bataille de la Saskatchewan Government and General Employees' Union (SGEU): l'augmentation de la criminalité. En 2002, la police de Calgary rapportait, en effet, que le nombre de crimes semblait avoir augmenté à cause de la privatisation. Toutefois, le taux (par 100 000 personnes) n'avait pas augmenté. À Edmonton, entre 1991 et 1995, le nombre d'infractions au code de la route relié à l'alcool a chuté de moitié. En fait, l'Alberta est la province qui a connu la plus forte chute (73%) de conducteurs avec les facultés affaiblies entre 1994 et 2003! Bref, absolument rien de prouve qu'un système privé de vente d'alcool augmente la criminalité...

          Maintenant, observons les couts d'exploitation des magasins d'alcool de la Saskatchewan Gaming and Liquor Authority (SGLA). Après tout, comme c'est un monopole d'État, les fonds viennent directement de Régina, et donc de nos poches...
 

« Ne vous leurrez pas quand vous voyez un syndicat sortir son crucifix et son eau bénite face au "démon" de la privatisation. La SGEU est un lobby comme les autres, et sa principale préoccupation est le maintien (voire même l'augmentation) du nombre de ses membres. »


• En 2000-2001, les couts en salaire et bénéfices étaient de 28 350 816 $. À peine trois ans plus tard, ces couts avaient augmenté de près de 20%! Tout cet argent n'a pas servi à réparer des routes ou renflouer les coffres de commissions scolaires... En fait, le gouvernement a même augmenté les impôts durant cette période et fermé des lits d'hôpitaux.

• Les salaires des employés sont exorbitants. En 2004, l'employé « le moins bien payé » pouvait espérer gagner entre 14,45 $ et 17,17 $ l'heure, alors que le salaire minimum est présentement de 8,60 $. De tels emplois non spécialisés ne méritent aucunement de tels salaires. C'est plus que ce que je fais présentement, et j'ai un bac, parbleu! D'ailleurs, pour des secteurs comparables au Canada (sauf les travailleurs d'entrepôt), un employé de la SGLA peut faire au moins 45% plus d'argent.

          Bref, le monopole d'État sur l'alcool est hautement inefficace d'un point de vue économique.

          De plus, il prive les communautés de magasins d'alcool. En 2002, il y avait un magasin pour 3400 consommateurs en Alberta. Ici, c'est 12 346 consommateurs pour un magasin.

          En Alberta, 41 communautés ont vu s'installer des points de vente. Avec eux viennent de nouvelles propriétés, et donc des taxes foncières, de nouveaux employés, de l'innovation, de l'achat de matériel informatique et autre, etc.

          Finalement, même si les magasins ne versent pas de dividendes, les revenus sur l'alcool en Alberta ont augmenté. Et ce, même si Edmonton a diminué sa taxe sur l'alcool entre 1992 et 2002.

          N'oublions pas que la vente de propriétés publiques engendre des revenus. J'ignore la valeur de tous les magasins, mais elle permettrait sans doute de soutenir un peu les revenus du gouvernement qui, comme bien des gens, doit faire preuve de discipline en ces temps de crise.

          En conclusion, ne vous leurrez pas quand vous voyez un syndicat sortir son crucifix et son eau bénite face au « démon » de la privatisation. La SGEU est un lobby comme les autres, et sa principale préoccupation est le maintien (voire même l'augmentation) du nombre de ses membres. Même s’ils s’enveloppent du linceul du bien public, il milite toujours et avant tout pour ses membres, nonobstant les coûts. Et comme vous l'avez constaté, ils sont plutôt élevés!
 

 

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