ENSEIGNANTS CHERCHEURS: UNE AUTRE SOURCE DE PAUPÉRISATION (Version imprimée)
par Michel de Poncins*
Le Québécois Libre, 15 avril 2009, No 266.

Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/09/090415-14.htm


Lorsque l'on se promène dans les arcanes secrets de la République Fromagère (R.F. pour les intimes), l'on est stupéfait de découvrir une foule de sources de paupérisation qui ne sont jamais mises en lumière. La controverse qui n’en finit pas autour des enseignants chercheurs nous conduit à souligner l'une d'entre elles.

Emplois fictifs et cumulards

Ils bénéficient en effet d’un véritable emploi fictif comme il y en a tant d’autres dans l’économie française telle qu’elle est après des décennies de dirigisme forcené. Un emploi fictif est un emploi dont le titulaire touche les salaires ou avantages sans effectuer le travail correspondant. Nous reviendrons sur le cas de ces enseignants chercheurs, mais il faut d'abord montrer qu'il y a des millions de cas semblables; cela permettra d’expliquer le lien avec la paupérisation accélérée du pays.

Au sommet de l'État, l'on rencontre très vite les innombrables cumulards. Un cumulard cumule le salaire et les avantages de plusieurs fonctions, mais n'exerce pas et ne peut d’évidence accomplir complètement le travail de chacune d’entre elles. Le cas typique est celui d’une présidente de région qui bénéficie de la formidable richesse de la fonction et qui se promène dans le monde entier pour chercher pour plus tard un emploi plus gratifiant comme président de ceci ou de cela!

Il ne faut pas oublier les célèbres retraités de fonctions qu’ils n'ont pas exercées: il y a des exemples de retraites d'ambassadeurs touchées par des personnes qui n'ont jamais rempli de métier dans les Affaires étrangères et de même des retraites de la Cour des Comptes reçues par des personnes qui n'ont jamais officié comme magistrat rue Cambon!

Il existe des conservateurs des hypothèques qui profitent de la richesse incomparable de la « niche » en question et ne pratiquent pas véritablement le métier.

Dans les entreprises, il se trouve un exemple véritablement dévastateur et généralisé: c'est en quelque sorte l’emploi fictif au carré. En effet, un nombre incalculable de chefs syndicaux n'exercent plus le métier où ils excellaient précédemment, comme la mécanique ou l'informatique ou autre chose. Ils consacrent la totalité de leur temps à démolir leur entreprise et même reçoivent, aux frais de la boîte, une formation pour poursuivre ce travail destructeur: c'est le mensonge au carré.

On peut signaler aussi la niche incomparable de « chirurgien-dentiste-conseil de la sécurité sociale » qui existait naguère et, croyons-nous, a disparu. Leur travail harassant consistait à donner des coups de tampons à des demandes d'autorisation préalable. Nous disons « consistait ». En effet, l’obligation des autorisations préalables pour les dentistes a disparu. Il était clair qu'ils n’étaient plus ni chirurgien dentiste, ni conseil car ce sont des métiers difficiles que l'on ne peut exercer valablement que si on est en permanence sur le terrain. Comme nous croyons qu’ils ont été supprimés, nous nous demandons ce que sont devenus les 3000 privilégiés de l’époque et s’ils ont été mutés vers d'autres travaux tout aussi inutiles ou seulement mis à la retraite pour un travail non accompli.

En tout cas, le système de l’autorisation préalable existe encore pour d’autres actes médicaux avec, donc, des emplois fictifs genre « coups de tampon »!

Un emploi fictif célèbre fait beaucoup parler de lui actuellement: c'est celui de député européen. Nous ne nous étendrons pas sur la richesse sans limite dont bénéficient les heureux titulaires et qui explique les formidables batailles pour se glisser dans la niche. La presse, ces temps-ci, dit bien qu’il s’agit d’emplois fictifs puisqu’elle ne se gêne pas pour avouer que les lois européennes sont fabriquées exclusivement par les gouvernements, représentés par un quarteron de hauts fonctionnaires à Bruxelles.

Pour que chacun soit bien informé sur la vanité du prétendu travail fourni par ces gens, voici comment les votes sont enregistrés au parlement européen. Ils ont habituellement lieu à main levée! Le président annonce le résultat en fonction de ce qu’il constate « au jugé ». En cas de doute ou sur demande des députés, il peut faire procéder à une vérification électronique, grâce à une machine à voter installée sur le pupitre de chacun des députés. Sur l'ensemble des demandes de vérification initiées par les membres de l'UKIP, un parti anglais en 2007, un quart a donné un résultat inverse à celui annoncé par le président. C'est-à-dire qu'un quart des votes sont erronés. Le bureau du Parlement alerté a répondu sans s’émouvoir: « En moyenne (sic), les résultats reflètent bien la réalité ».

Pour compléter aussi le tableau, il faut préciser que les questions sont tellement compliquées que, pour voter, les députés sont obligés de regarder comment vote le président ou la direction de leur groupe et ils sont conduits à voter de même sans donc savoir exactement pourquoi ils votent. C'est une forme de vote révolutionnaire et les personnes qui prétendent que l’Europe est démocratique en ont pour leurs frais. Devant cet état de fait, personne de raisonnable ne peut nier que le mandat de député européen est un emploi fictif.

Citons encore les intermittents du spectacle qui sont si intermittents que certains ne travaillent pas de toute l'année. Ils appartiennent si peu au spectacle que, souvent, ce sont simplement des menuisiers ou des électriciens!

L'on connaît aussi les étudiants quasi salariés de l’aide sociale qui n’étudient pas. Certains d'entre eux imitent les chefs syndicaux et ne se gênent pas pour détruire physiquement l'université dans laquelle ils sont censés étudier.

Chercheurs sans recherche

C’est le moment d’en venir aux enseignants chercheurs.

Il est connu que la seule façon d'avoir des universités performantes serait de les privatiser afin qu'elles soient dotées d’une direction forte capable d’attirer les capitaux et les talents nécessaires pour les conduire à l'excellence dans le cadre d’une forte concurrence. L'Université de Stanford et bien d'autres aux États-Unis agissent dans une totale indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. C’est à l’ombre de Stanford que la Silicon Valley s'est développée.

Faute d’avoir la mission de privatiser ou, même, l’idée de le faire, Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a bricolé un système donnant un semblant d'autonomie aux universités.

C'est là que se situe le problème des enseignants chercheurs, car s’ils sont prêts très éventuellement à obéir aux présidents d'universités pour l'enseignement, pour ce qui concerne la recherche, ils se drapent dans une dignité qu’ils ne méritent pas.

Lorsqu'on examine ce que l’on peut savoir de leur activité de chercheur, l'on constate qu'un grand nombre d'entre eux ne cherchent pas: emplois fictifs. Jean Robert Pitte, ancien président de l’Université Paris IV, considère que 40% de l’effectif des enseignants du supérieur ne publient pas dans les revues spécialisés les résultats de recherches qu’ils auraient faites. Il constate avec surprise que, faute de chercher, ils consacrent une partie de leur temps à des activités privées pour arrondir leurs fins de mois, par exemple en tant que conseillers dans les banques ou ailleurs.

L'on est obligé aussi de noter que c'est parce que Mme Pécresse a fait mine de vouloir faire évoluer les universités que ces dernières sont en plein désordre depuis plusieurs semaines – comme une vulgaire Guadeloupe transplantée au milieu du territoire français. Un tel désordre serait inimaginable dans une université privée. Les propriétaires de l'université exerceraient leur droit de diriger leur activité en toute indépendance et de juger à la fois les enseignants et les chercheurs suivant les objectifs qu'ils donneraient à l'université.

Comment peut-on expliquer ce phénomène littéralement immense des emplois fictifs qui gangrènent toute l’économie française?

Comme dans toutes les activités publiques et comme dans toute autre catastrophe générée par ces activités publiques, l'on retrouve le refus des principes de l’économie de marché: faute de cet indicateur qu’est le marché, ces activités obéissent au bon plaisir de ceux qui momentanément peuvent saisir pour leur profit le pouvoir d'État.

Le refus du marché se traduit par le refus d'un vrai contrôle. Il n’y a jamais de contrôle réel dans les activités publiques et, par nature, il ne peut pas y en avoir. Le bon plaisir s'exerce au travers de prédateurs momentanément au pouvoir qui distribuent leurs faveurs à l’aide des fonds sans limite obtenus des contribuables victimes de la terreur règlementaire.

La paupérisation de la France

Finissons maintenant en montrant le lien entre les emplois fictifs et la paupérisation de la France telle que nous l'observons.

Il est à jamais impossible d’évaluer les milliards et milliards d’euros engloutis par des salaires et avantages distribués à des gens qui ne font pas le travail qu’ils devraient faire. Ces sommes se transforment en impôts et donc, par ricochet, en chômage de masse avec ruine en conséquence.

Il faut en plus mentionner l'extraordinaire gaspillage des énergies mal utilisées et donc perdues. Nous sommes sûrs que les enseignants chercheurs, actuellement sur la sellette, rendraient des services éminents s’ils étaient dirigés comme le sont certains chercheurs aux États-Unis. Au lieu de cela, la R.F. les stérilise et les empêche de contribuer à la richesse générale.

Pour terminer, nous lisons ces jours-ci dans les journaux que Mme Pécresse multiplie les gestes à l'égard des enseignants chercheurs. Cela veut dire qu'elle a reçu la consigne d’appliquer la stratégie du pouvoir depuis plus de 18 mois qui pourrait être décrite comme celle du « matamore couché » – matamore parce qu’il prend des postures fortes, couché parce qu’il capitule sans conditions devant l’ennemi. C’est cette stratégie que le même pouvoir applique depuis plus de 40 jours vis-à-vis des îles lointaines et qui est la meilleure façon d’avoir comme en d’autres temps à la fois la guerre et le déshonneur.

Heureusement, Mme Pécresse ayant du temps consacre pour se distraire toute son énergie ces jours-ci à la conquête de l’emploi fictif de député européen.

Les étudiants sérieux empêchés d’étudier par sa faiblesse, les chômeurs et les SDF qui le sont à cause de ses propres emplois fictifs lui souhaitent bonne chance. C’est la seule et amère liberté qui leur reste!

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* Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.