Montréal, 15 juin 2009 • No 268

 

Jérémie T. A. Rostan est agrégé de philosophie et enseigne actuellement la philosophie aux États-Unis.

 

 

OPINION

Les fondements du capitalisme en 1000 mots

 

par Jérémie T. A. Rostan

 

          Une vie humaine est une suite de vécus privés (auxquels chacun a seul accès). Et cette suite est un choix constant entre plusieurs vécus futurs possibles, mais mutuellement exclusifs, ou concurrents.

          Un stock est rare lorsque ses unités sont en nombre insuffisant pour permettre tous les emplois que l'on aimerait en faire. Une vie humaine est un choix constant parce que le temps est une ressource rare.

 

          Choisir un vécu futur parmi plusieurs possibles révèle une préférence pour le premier par rapport à chacun des autres et une spéculation sur leur valeur expérientielle relative. Chacun s'évertue donc constamment à vivre, en termes d'expérience vécue, la vie la plus riche possible.

          Parce qu'un homme emploie son temps en allouant ses unités successives à diverses expériences, il prend en compte les valeurs marginales de ces dernières, lesquelles sont décroissantes puisqu'il y accède par ordre d'importance.

          Consommation et production sont des types de vécu. Un vécu relève de la consommation si un individu désire y accéder pour lui-même, simplement pour être en train de le vivre actuellement. Un vécu relève de la production si un individu désire y accéder uniquement en vue de se rapprocher d'une consommation plus éloignée dans le temps.

          Un vécu ne pouvant l'être qu'au présent, désirer accéder à un vécu futur signifie désirer y accéder aussitôt que possible. Dès lors, plus un vécu futur est éloigné dans le temps, moins il a présentement de valeur pour un individu. La préférence, toutes choses égales par ailleurs, pour le présent, est un phénomène universel; mais chacun dévalue à un taux propre ses expériences futures en fonction de leur éloignement dans le temps.

          Toute production implique l'emploi de ressources qui n'ont pas été détruites par la consommation présente, mais ont été épargnées en vue d'une consommation future et investies dans la production. Le maintien d'un niveau de consommation donné implique une épargne suffisant au maintien de la capacité de production correspondante.

          La production étant le moyen de se rapprocher d'une consommation future, elle est structurée en étapes successives menant au produit final. Toute augmentation de la capacité de production implique un allongement de la structure de production, donc une augmentation de l'épargne (épargne nette), ou bien l'amélioration de son investissement.

          La division du travail étant une division de l'emploi des capitaux (moyens de production), elle est entièrement conditionnée par la quantité de l'épargne et la nature de son investissement. La coopération fondamentale est donc celle entre les capitalistes et les entrepreneurs, d'une part, et les entrepreneurs et les salariés, d'autre part.

          Un capitaliste est n'importe quel individu qui crée du capital, c'est-à-dire qui épargne. Un entrepreneur est n'importe quel individu qui investit du capital à ses risques et profits. Un salarié est n'importe quel individu qui vend ses services à un entrepreneur à des conditions connues d'avance. Les seules différences entre capitalistes, entrepreneurs, et salariés sont leurs préférences relatives pour le présent et la sécurité.
 

« Toute production implique l'emploi de ressources qui n'ont pas été détruites par la consommation présente, mais ont été épargnées en vue d'une consommation future et investies dans la production. Le maintien d'un niveau de consommation donné implique une épargne suffisant au maintien de la capacité de production correspondante. »


          Un marché est un échange réciproquement consenti de droits de propriété, qui n'a donc lieu que s'il est réciproquement profitable, c'est-à-dire préférable à toute alternative. Le Marché est l'ensemble des marchés ayant lieu entre les membres d'une société.

          Toutes les coopérations possibles entre les membres d'une société n'étant pas compatibles, certaines sont concurrentes. La libre concurrence n'est rien d'autre que le droit de chacun de coopérer ou non avec tout autre, et ainsi choisir les coopérations qu'il préfère et lui sont le plus profitables. Libre concurrence et coopération sont synonymes, et opposées à la coercition (obligation / interdiction de coopérer).

          La valeur d'une propriété est celle, pour un individu, des vécus futurs auxquels elle lui permet d'accéder. Son prix est sa valeur, relativement à toutes les autres, pour tous les membres de la société – la quantité de monnaie contre laquelle elle tend à d'échanger, sur le Marché. Ce prix est entièrement déterminé par la libre concurrence entre les consommateurs.

          Un profit, est un retour résiduel et éphémère sur un investissement. Il est ce qui reste, ou non, à un entrepreneur après qu'il ait payé ses gouvernants, salariés, fournisseurs, et créanciers. La réalisation d'un profit montre qu'un entrepreneur a fait un emploi plus productif des moyens de production disponibles que ses concurrents, par exemple en anticipant mieux la demande future des consommateurs.

          Profits et pertes aiguillonnent la production et l'orientent dans la bonne direction: la satisfaction des consommateurs. À travers eux, les consommateurs indiquent aux entrepreneurs ce qui doit être produit, en quelles quantités, et comment. Un système de libre entreprise est donc intrinsèquement régulé. Il l'est aussi, formellement, par la défense de la propriété privée.

          Par leur recherche concurrentielle de profit, les entrepreneurs répartissent les prix des biens de consommation entre les facteurs de leur production, dont les salaires, et cela à raison de leur contribution.

          Le taux d'intérêt est celui auquel les marchandises présentes tendent à s'échanger contre les marchandises futures sur le Marché. Il est la valeur négative que les membres d'une société donnent à l'attente – leur taux agrégé de préférence pour le présent. Le taux d'intérêt est notamment le revenu de l'acte d'épargner, donc celui des capitalistes.

          Une monnaie est n'importe quelle marchandise généralement acceptée en échange. Son unique fonction est d'être un moyen d'échange. Son pouvoir d'achat est le système des prix (de toutes les marchandises), et dépend de façon critique du montant qui en circule.

          L'inflation d'une monnaie est une augmentation du montant qui en circule non justifiée par une augmentation de la demande d'encaisses. Elle implique la diminution de son pouvoir d'achat. L'inflation du crédit est une augmentation des fonds prêtables non justifiée par une augmentation de l'épargne. Elle a pour conséquence, du fait de la baisse artificielle du taux d'intérêt, le gonflement, puis l'éclatement, de « bulles ».

          L'inflation de la monnaie et du crédit est nécessairement liée à l'étatisation de la monnaie. Une monnaie inflationniste est une monnaie de mauvaise qualité, qui ne pourrait soutenir la concurrence de monnaies stables. Inversement, un monopole est dans l'incapacité de connaître les demandes d'encaisses et de dettes qu'il prétend satisfaire, et donc de produire une bonne monnaie.

          Toute intervention gouvernementale dans l'économie implique un transfert forcé de richesses et désorganise le système d'incitations qui coordonne la production à la satisfaction des consommateurs. Elle ne peut donc que privilégier des intérêts particuliers aux dépens de l'équité et de l'intérêt général.
 

 

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