La revue de l'année 2019 (AVERTISSEMENT: CE TEXTE est satirique) * (Version imprimée)
par Michel Kelly-Gagnon
Le Québécois Libre, 15 août 2009, No 269.

Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/09/090815-9.htm


Voici une revue futuriste des faits saillants de ce qui pourrait bien être l'actualité politique et économique de l'année… 2019. (Avertissement: attention, ce texte est satirique!)

• Stéphane Gendron, premier ministre adéquiste du Québec, décède tragiquement d'un accident de voiture alors qu'il roulait à 185 kilomètres à l’heure sur l'autoroute 20.

Politicien fort populaire, il s'est fait connaître surtout pendant les quatre années de son règne pour l'instauration d'un couvre-feu à la grandeur du Québec, l'abolition des limites de vitesse sur les autoroutes et la nationalisation du marché de l'alimentation, qui passe ainsi sous la gouverne d'un 345e organisme gouvernemental, Bouffe Québec. Une réingénierie de l'État québécois avait d'ailleurs permis de faire passer le nombre d'organismes de 351 à 345. Plusieurs observateurs notent que cette mesure sociale fut grandement inspirée d'un projet de loi semblable déposé par le premier groupe d'opposition officielle formé par Québec Solidaire.

Toutefois, sous l'impulsion de l'aile droite de l'Action démocratique, M. Gendron privatisa 0,01% d'Hydro-Québec en 2017. Les profits générés par cette vente furent consacrés à « la réduction du rythme auquel la dette publique du Québec augmente ». À l'époque, cette privatisation partielle avait donné lieu à de nombreuses manifestations organisées par les syndicats québécois qui y virent une preuve de plus de la « dérive néolibérale vers la droite ».

L'aile autonomiste de son parti, quant à elle, apprécia surtout la création en 2018 d'une monnaie provinciale, le Ti-Poil, et d'une Banque centrale québécoise dont la politique monétaire s'inspire de Réal Caouette et de Barack Obama. On retiendra aussi de Stéphane Gendron sa campagne électorale de 2015, où le leader adéquiste avait fait fureur auprès des électeurs québécois avec son slogan « Pour un leadership fort et confus ».

• Michel Kelly-Gagnon, fortement ébranlé par le décès de son leader historique, quitte la vie politique après un passage controversé comme ministre à la Condition féminine. Kelly-Gagnon se recycle en chanteur de charme avec une interprétation fort prisée de La Dame en bleu et autres classiques de Michel Louvain. Suite à ce départ, l'ADQ perd sa majorité à l'Assemblée nationale et un gouvernement de coalition formé du PLQ et du PQ prend le pouvoir. Jean Charest, de retour sur la scène politique provinciale après avoir été premier ministre du Canada pendant quelques années, souligne que: « Entre partis centre-centro-centristes figés dans le statu quo de la Révolution tranquille, je suis certain qu'on va pouvoir très bien s'entendre ».

• La province connaît une forte inflation. L'Institut économique de Montréal affirme dans une de ses Notes économiques que celle-ci résulte essentiellement de l'impression de cinq cent mille milliards de Ti-poils par la Banque centrale québécoise. Ce à quoi le ministre des Finances réplique que cette expansion de la masse monétaire était nécessaire afin de « stimuler l'économie vu la récession ». La position de l'IEDM est aussi fortement contestée par la Chaire d'études socio-économiques de l'UQAM, qui considère que cette inflation est plutôt le fruit de la cupidité des entreprises privées qui cherchent constamment à augmenter leurs prix afin de « faire des profits excessifs ».

Le nouveau gouvernement provincial PLQ-PQ mandate un groupe d'étude présidé par Jacques Ménard afin d'étudier la question. Celui-ci déclare: « Si toutes les parties constituantes de la société décident de se prendre en main et qu'elles réalisent jusqu'à quel point la situation est grave, je suis confiant que nous pourrons venir à bout de cette hyperinflation. Tout est une question d'attitude et de coeur. »

• Le Parti québécois, quant à lui, adopte à l'unanimité une nouvelle plate-forme en vertu de laquelle un référendum sera tenu quelque part au cours des 25 prochaines années suivant l'élection d'un gouvernement péquiste majoritaire, afin de « consulter le peuple québécois sur la pertinence d'entamer une réflexion qui pourrait éventuellement mener à la mise sur pied d'un comité qui pourrait recommander la possibilité d'un Québec souverain ».

• Bouffe Québec connaît des ratés importants et les marchés d'alimentation sont forcés de faire du rationnement. La présidente du Syndicat des employés de Bouffe Québec, Yvette Che, souligne que la pénurie de personnel et le « manque de tables de concertation vraiment inclusives » sont les principales causes de cet état de fait. Elle dénonce aussi le fait que certaines personnes continuent de vendre et d’acheter de la nourriture hors du secteur public.

Pour sa part, le gouvernement mandate un autre groupe d'étude, également présidé par Jacques Ménard, afin de soumettre des recommandations pour sortir de cette crise. Jacques Ménard déclare: « Je vais faire un tour du Québec afin d'écouter ce que les gens et, surtout, les jeunes, ont à dire face à cette situation regrettable. Tout est une question d'attitude et de coeur ». L'Institut économique de Montréal propose plutôt de mettre en place un système mixte privé-public où l'on permettrait une réouverture encadrée et limitée des chaînes privées d'alimentation. Cette proposition est vertement critiquée par la plupart des chroniqueurs et éditorialistes du Québec, qui y voient le risque d'un « système d'alimentation à deux vitesses ». De plus, l'intelligentsia québécoise souligne que les meilleurs pâtissiers et bouchers risqueraient de passer aux chaînes privées, délaissant ainsi le secteur public.

Enfin, Léo-Paul Lauzon souligne que « de toute façon l'Institut économique de Montréal n'est pas crédible car il est contrôlé par Power Corporation et Quebecor ». Mais le président de l'IEDM réplique que Power Corporation et Quebecor sont désormais eux-mêmes contrôlés par le Fonds de Solidarité des travailleurs du Québec, lequel fonds contrôle aussi la Chaire du Pr. Lauzon. Le président de la FTQ, alors en tournée du Québec, déclare depuis son jet privé qu’il n’a pas le temps de commenter cette controverse.

• L'animateur de Tout le Monde en parle, Guy A. Lepage, est pris en possession de 50 livres de caviar et ce, alors que le peuple, lui, manque de nourriture. Soumis à une forte pression populaire il réplique: « oui, mais c'est que, voyez-vous, je suis de la gauche caviar ».

• Le gouvernement annonce la formation d'un comité d'experts, présidé par Jacques Ménard, afin « d'étudier quel serait le calendrier optimal pour débuter les travaux de construction du CHUM ». Un des membres du comité, Michel Kelly-Gagnon, déclare: « nous pourrions envisager des partenariats public-privé pour le lavage des bols de toilettes ainsi que pour certains aspects du service de buanderie ». Cette déclaration est immédiatement dénoncée par la Coalition Solidarité Santé qui y voit « une autre manifestation tangible de la dérive néolibérale dans laquelle nous vivons ». MM. Ménard et Charest sont forcés de se dissocier de cette prise position et réitèrent solennellement leur attachement aux « principes fondateurs de notre système de santé ».

• David Suzuki mobilise la population dans le cadre d'une immense manifestation écologique à l'occasion de laquelle il déclare que « si nous ne changeons pas le fonctionnement de nos sociétés, nous commencerons à voir les signes du réchauffement climatique d'ici 10 à 20 ans ».

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* Michel Kelly-Gagnon signe ce texte à titre personnel.