Montréal, 15 septembre 2009 • No 270

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 

 

OPINION

Les « niches fiscales »

 

par Michel de Poncins

 

          C’est un problème récurrent – comme tous les problèmes créés par des gouvernements dirigistes depuis des décennies.

          La dernière nouvelle vient du député UMP Gilles Carrez, qui a annoncé récemment que le pouvoir renonçait à limiter les célèbres « niches ». Leur coût représenterait 70 milliards pour le budget. Le rêve du pouvoir était de fabriquer une nouvelle usine à gaz administrative: limitation globale, franchise sur leurs montants cumulés ou autres complications.

 

          Pour ce pouvoir, il est à présent urgent d’attendre. En effet, il mijote deux impôts nouveaux – dont la taxe carbone – et il trouve que ces deux pilules sont déjà pénibles à faire avaler par les citoyens, encore que la docilité surprenante de ces citoyens soit connue…

          La difficulté inextricable existe depuis longtemps et nous allons voir pourquoi.

          En 2003 déjà, Le pouvoir était comme aujourd’hui complètement affolé. Dépensant à tout va comme aujourd’hui, il cherchait de l'argent partout. Pratiquant comme aujourd’hui la hausse des tarifs publics et l’accroissement des impôts locaux, il lui fallait des milliards en plus. Il avait donc, sous couleur de simplifier, lancé l’idée de raboter ou de supprimer certaines « niches fiscales » [NDLR: Au Canada, on parle d'échappatoires fiscales] qui à l’époque étaient évalués à 50 milliards. Il a comme aujourd’hui reculé.

          En août 2007, rebelote: « la décision était prise »! La méthode serait de revoir et d'annuler une grande partie des niches fiscales existantes. Pour ce faire, les énarques avaient inventé une idée géniale et, peut-être unique au monde: nul ne devrait verser des impôts en dessous d’un certain « plancher ». Il y aurait eu à la fois un bouclier fiscal et un plancher fiscal, entre lesquels les esclaves-contribuables devraient évoluer: élémentaire mon cher Watson! L’idée sublime n’est pas passée.

          Ces faits étant rappelés, essayons de comprendre.

          D’abord, abandonnons ce terme méprisant de « niches fiscales », comme si les légitimes utilisateurs étaient de méchants matous cherchant des privilèges. Parlons de libérations fiscales: l’impôt quel qu’il soit est un esclavagisme.

          Le point de départ, ce sont les calamités diverses créées par l’activisme inutile, voire néfaste des politiques.

          Les gouvernements successifs en voulant diriger tout dans tous les domaines et dans tous les détails créent de multiples calamités. Il arrive un moment où la calamité devient trop visible et se traduit, parfois, par des émeutes dans la rue.

          Pour corriger les effets de ces calamités, les politiques imaginent alors de manipuler des compteurs et donc d'inciter les citoyens à de nouveaux comportements par la création d’une libération fiscale. Les citoyens réagissent évidemment dans le sens de leur intérêt et il advient, paraît-il, que de gros contribuables parviennent avec l'utilisation habile des libérations fiscales à ne pas payer d'impôts et tant mieux pour eux! Les gauchos au pouvoir, quel que soit leur déguisement électoral, évoquent alors des « abus »!
 

« La France continuera ainsi à décliner, tant que les esclaves-contribuables accepteront leur triste condition, tout en avalant goulûment, tels des ânes, les carottes empoisonnées que les prédateurs publics leur offrent avec l’argent qu’ils leur ont pris. »


          Pour compléter ce tableau, voici ce que la grande presse officielle ne dit pas et sur lequel la presse financière est muette. En fait, ces prétendues « niches fiscales », qui ne sont que des libérations fiscales, n’offrent guère de faveurs réelles aux contribuables. Une partie de l’avantage et, parfois, la totalité, disparaissent dans la poche des intermédiaires. Le mieux est que maints bénéficiaires ne s’aperçoivent pas de l’arnaque: le désordre dans les esprits est complet.

          Le cas des investissements dans les DOM-TOM est célèbre. Dans les salons d'investissement l'on voyait des courbes extraordinaires, où avec très peu d'argent et grâce aux « faveurs » du fisc l'on s'enrichissait à une allure irrésistible. Devant ces courbes, des médecins, des architectes et des notaires, pourtant très adroits dans leur propre métier, se laissaient piéger par des vendeurs talentueux. Or, souvent, c'était pour des hôtels qui ne trouvaient pas de clients. Seuls s'enrichissaient les intermédiaires. Il y a quelques années, un sénateur se vantait d'avoir vendu lui-même des terrains aux promoteurs!

          Un calcul financier simple montre que les placements dans des promotions à base de monuments historiques ne réservent que fort peu d’avantages palpables par rapport à d’autres placements: beaucoup d’intermédiaires sont embusqués au passage. Seuls en profitent vraiment les contribuables propriétaires complets d’un monument – encore faut-il que les obligations imposées pour la réalisation des travaux n’enrichissent pas exagérément les entrepreneurs, ce qui n’est pas gagné d’avance.

          Le cas de l’ISF (l’impôt de solidarité sur la fortune) est également exemplaire. Pour ne pas le supprimer, le gouvernement a imaginé une usine à gaz très difficile à comprendre qui conduit à des économies d’ISF, à condition d'investir dans des fonds d'investissement de proximité (FIP) ou dans des fonds communs de placement dans des entreprises innovantes (FCPI). Lorsque l'on examine avec attention et la calculette en main les résultats potentiels de ces fonds, l'on aperçoit que, très précisément, l'avantage fiscal est absorbé par les frais de gestion inévitables tant la construction est compliquée.

          Aux inconvénients signalés ci-dessus s’ajoute l’incertitude juridique. La libération fiscale, représentée par les « niches », évolue sans arrêt dans les détails et au gré de l’humeur des politiques. Au bout du compte, le risque existe d’une grande colère aboutissant à la suppression pure et simple, avec au besoin la rétroactivité, pratique assez courante et relevant des « valeurs » de la république.

          Le plus drôle est que, même en cas de grosse colère, les politiques ne peuvent pas s‘empêcher de créer simultanément de nouvelles « niches ».

          Il était prévu dans la loi de finances de 2009 un plafonnement global de ces libérations qui limiterait la réduction d'impôt à 25 000 € plus 10% du revenu brut imposable: c’était une usine à gaz difficile à comprendre.

          Dans la même loi de finances, il était accordé des réductions d'impôt aux propriétaires qui loueraient des logements meublés à certaines personnes comme les personnes âgées, handicapées, et les étudiants. Il y a des problèmes pour ces populations puisque le gouvernement, par de multiples lacets, bride la construction de logements dans toute la France et que nécessairement cette limitation des logements pèse sur les plus faibles. Donc, pour corriger cet aspect de la calamité générale dont il est l’auteur, il fut bricolé à la hâte un nouveau et complexe dispositif en forme de « niche ».

          Pourtant, les esclaves-contribuables qui veulent profiter de cette libération font bien de calculer, pour être certains que les intermédiaires qui exploitent le filon ne vont pas ramasser seuls les vraies pépites.

          Chacun aura remarqué que pour décrire la petite comédie de 2003, j’ai insisté sur le comme aujourd’hui. C’était pour bien souligner que, depuis des décennies, rien ne bouge et que tout est pareil, avec les mêmes politiques tourniquant dans une sorte de manège immobile.

          La France continuera ainsi à décliner, tant que les esclaves-contribuables accepteront leur triste condition, tout en avalant goulûment, tels des ânes, les carottes empoisonnées que les prédateurs publics leur offrent avec l’argent qu’ils leur ont pris.
 

 

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